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Critique de Lamifranz


Longtemps j'ai comme beaucoup de gens écouté les chansons d'une oreille distraite, pensant peut-être, comme Gainsbourg, que la chanson était un art mineur (comme quoi on peut être un génie et dire quand même des âneries – je dis « âneries » mais je pense à un autre mot qui rime de la même façon, non, ce n'est pas « sonneries ») et que somme toute la chanson n'était pas autre chose que « l'air du temps » … C'était l'erreur n° 1. L'erreur n° 2, c'est d'écouter la rumeur, vous savez, la rumeur, cette petite voix qui vous dit : Brassens est vulgaire, anarchisant, ses musiques c'est toujours la même chose… Brel est un fichu cul béni, misanthrope, misogyne et misérable… Béart est un rimailleur et un gribouilleur de notes… Ferrat est un bolchevique… Barbara, Anne Sylvestre, Colette Magny, en plus d'avoir tous ces défauts, sont des femmes… et Trenet, et Gainsboug et celui-ci, et celle-là… la rumeur s'engouffre bien sûr dans la vie privée, alors là comme disent mes garçons, je vous dis pas ! Ben si, je dis stop, il y a un moment où il faut ouvrir les yeux, et encore plus les oreilles : au fil de rencontres, de lectures, d'écoute véritable des oeuvres enregistrées, j'ai découvert le poète sous le parolier et le musicien sous le croque-note, et j'ai mesuré à sa juste valeur le travail de l'interprète.
Léo Ferré était une cible naturelle, bien évidemment : anarchiste de droite pour la gauche, anarchiste de gauche pour la droite, faux anarchiste pour les anarchistes, faux-cul pour tout le monde, chantre de la misère roulant en Rolls-Royce, rimailleur laborieux et souvent vulgaire, la musique se résumant à un torrent de decrescendos dégoulinants… La rumeur avait du grain à moudre, d'autant que tout n'était pas faux. Mais si on creuse un peu…
« La mauvaise graine » est une anthologie de textes, poèmes et chansons écrits et chantés (pas tous) par Léo Ferré entre1946 et 1993. On y retrouve la majorité de ses grands succès, exception faites des adaptations de poètes qu'il a réalisées tout au long de sa carrière, et qui à elles seules, constituent un trésor (Aragon, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, mais aussi Rutebeuf, Villon, Seghers, Caussimon,et bien d'autres).
Les qualités musicales de Léo Ferré (pas plus que celles de Brassens) ne peuvent aujourd'hui être remises en cause. Non seulement il était un compositeur de talent, mais encore il dirigeait lui-même l'orchestre symphonique de Milan pour la plupart de ses enregistrements, et a même occasionnellement travaillé avec des ensemble rock. Eclectique dans ses choix musicaux (il jouait aussi bien la valse que la java, le rock que la musique classique), il l'était tout autant dans l'écriture de ses textes : parfois d'un prosaïsme populaire à la limite de la vulgarité, il pouvait s'élever à un classicisme absolu, brassant avec passion les thèmes qui lui étaient chers : l'amour, la mort, la liberté, le temps qui passe, parfois dans un style épuré et diaphane, parfois charriant ses idées sous un torrent de mots.
A conserver dans sa bibliothèque dans les rayons des poètes chanteurs, avec les oeuvres de Brassens, Brel, Trenet, Barbara, Sylvestre, etc… avec les enregistrements qui vont avec.

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