Encabanée,
Gabrielle Filteau-Chiba, éd. le Mot et le reste
Ceux qui me suivent le savent, j'aime faire découvrir des auteurs en dehors des autoroutes de l'édition. La maison le Mot et le reste, basée à Marseille, fait partie de ces éditeurs indépendants que je suis pour la qualité, la diversité et l'originalité de ses parutions.
Je vais commencer cette année 2021 par ce premier roman de
Gabrielle Filteau-Chiba,
Encabanée, paru initialement au Québec aux éditions XYZ.
Encabanée est un de ces termes imagés typiquement québécois que l'on retrouve tout le long de ce roman et qui donnent une touche particulière aux lecteurs français, nous permettant presque d'entendre le savoureux accent de
Gabrielle Filteau-Chiba. Son écriture fluide et subtile nous embarque dans ce huis clos avec l'hiver de la forêt canadienne, un journal intime entre les éléments et l'auteure en quête de retour sur elle-même. Pas facile de quitter le confort de la ville pour aller affronter le froid, la solitude et la nature sauvage sur fond de cris de coyotes. Tout est réduit au minimum vital pour mieux réapprendre les valeurs et révéler les vrais besoins. C'est le moyen pour Anouk, le personnage central, de tout remettre à plat et de passer à la phase suivante de sa vie.
Reste une visite inattendue qui va bouleverser cette solitude.
L'auteure, concernée de près par l'environnement et la défense de la nature a vécu cet isolement dans son chalet sur une terre près de la rivière Kamouraska à Saint-Bruno (Québec), sans électricité et sans eau courante. On ne peut inventer les morsures du froid, le besoin vital de feu, de nourriture, d'eau et de sommeil.
« Je me suis imaginé des choses qui ne sont peut-être pas arrivées. Dans un délire d'avoir froid et de ne pas dormir. Tes peurs prennent plus de place. Tu ne sais plus s'il y a quatre ou quarante coyotes dehors », dit
Gabrielle Filteau-Chiba. (Source : le Journal de Québec)
Ce journal intime, censé n'être lu que par son auteur, s'adresse à tout le monde, disséminant ici et là un effet miroir, une question, un regard sur notre société, l'environnement, etc. Pas de leçon, juste l'expérience de cette femme qui tente de quitter la ville, sans y être réellement préparée.
Reste la structure de ce roman qui m'a un peu dérangé. J'ai dû regarder les dates inscrites en début de chapitre pour m'assurer du temps écoulé d'après l'auteur, car je trouvais les réactions très, voire trop rapides. Peut-être est-ce dû aux convictions déjà établies de l'auteure qui n'ont pas eu le temps de réellement se développer à leur propre rythme dans l'esprit du personnage, je ne peux le dire, mais tout comme pour « le visiteur » inattendu, certaines réactions semblent en désaccord avec le rythme de la nature et de l'éloignement de la civilisation. Ce texte me semble trop court et aurait mérité d'être approfondi, plus lent encore.
Trop court, et de cela, j'en suis sûr, grâce et non à cause de la qualité de certains passages très poétiques qui nous plongent dans cette nature puissante, hostile et généreuse à la fois, par sa beauté, ses silences et ses musiques… et les mots qu'emploie
Gabrielle Filteau-Chiba pour le dire.
Un premier roman chargé de graines de style qui promet un bel avenir d'écriture… le 2e titre,
Sauvagines, est déjà paru chez XYZ, viendra-t-il en France ?
L'auteure dit ne pas avoir quitté Montréal pour « fuir » la grande ville. « J'ai aimé la ville, j'en ai profité, je suis allée dans de bonnes écoles et dans des musées. Mais, je sentais que j'avais déjà atteint mes objectifs. Je me suis dit : est-ce que je continue comme ça pour le reste de mes jours ? Ce n'était pas suffisant, j'avais besoin de me mettre en danger », dit celle qui n'a pas regretté son choix. (Source : le Journal de Québec)
Parution aux édition le mot et le reste : 07/01/2021
ISBN : 9782361397029 - 96 pages (14,8 x 21 cm) - 13.00 €
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