"On ne guérit jamais de son enfance. Mais le faut il?"
"Viens ici, la grenouille que je te fasse belle!"
Années 1950-60, la grenouille, c'est Lise, Lison, c'est sûr,
Elise Fischer peut être, fillette de six ans accoutrée par sa mère Poulette, comme une gretchen.La grenouille, on le lui rabache, ressemble à
la tante de Russie, une tante exilée du côté de son père. Alors, elle l'idéalise, cette tante et élabore des histoires. Venez vite, les copines: Zézette à la langue bien pendue, le Blanc une presque soeur, Mimi la pincée, on va jouer à
la tante de Russie, à son amoureux le tsar, au fils du tsar avec le loup.Faudra apprendre la révérence aussi. Et l'imagination vagabonde entre Néva et toundra.
Zézette fournit les chiffons de sa mémé couturière et des robes de scène de sa tante Juliette. Et si on jouait à cachette, ou à chat perché? Ce sera à qui se perchera le plus haut possible dans le triage de la SNCF et on en ramène plein de bosses.
Et puis on rigole bien,parce que les parents dans la chambre, ils se chatouillent et font de drôles de bruits, des ohhh, ahhhh,encore!! et on se demande ce que c'est tout ce ramdam.
Il faut dire que chez la grenouille c'est tout petit. Quelque part entre Nancy et la campagne, ils s'entassent à la Bastide chez la grand mère Fine, cette commandante en chef, qui "prise" comme un homme.
"Faudrait pas que ça dure trop longtemps" serine Poulette à son Riri.
Ben oui, parce qu'elle a souvent le "ballon", (mais ouf! souffle le père elle le perd vite)et qu'il y aura les soeurs, Marie Malice la chipie,la Fouine; et qu'il y a le cousin Fifi, et son frère Nénesse qui va se marier avec Chantal. On croise la tante Yvette et son Adrienne et son Lulu, la cousine Lili. On s'y perd dans tous ces petits noms.
On retient l'émotion et la gouaille et la verve, ce parler familier, populaire de cette famille ouvrière dont le père travaille dans les aciéries.
On retient les réflexions cocasses d'une petite curieuse bouillonnante de vie qui prend les mots au pied de la lettre,admire sa mère, cette Poulette désordonnée et farfelue qui tricote à quatre aiguilles, tire les cartes mais dont le sol, même s'il ne brille pas, respire le paradis.
Le revers de la médaille de tout ce joli monde, c'est la pauvreté, car "l'oseille" que la grenouille prend pour de la salade, manque pour beaucoup. Les allocs mettent du beurre dans les épinards car au lavoir, y en a qui ont douze mioches et quand débarque Mademoiselle Millet, l'assistante sociale, la terreur de Poulette, on a la trouille, une vraie bleue de bleue.
La grenouille grandit et rêve aux mots savants captés ici et là et à plus tard où elle fera du théatre, et mettra son nom sur des couvertures de livres.
Un bien joli roman que nous livre là
Elise Fischer, dont la réputation de journaliste et de romancière n'est plus à faire, et de bien jolis souvenirs, touchants c'est sûr. Comment peut on inventer le jour de communion où La grenouille impatiente attend sa mère en vain alors que chez le blanc, c'est bombance, et que chez elle c'est un dimanche ordinaire. "Alors Dieu, il faut pas trop le chercher, il l'a sans doute oubliée".
Vécu à lire et à vivre car tendre, vrai,émouvant et attachant!