Il est difficile de peindre dans une école d'art, au début des années 2000 alors que la tendance est à l'art de la vidéo, au conceptuel et à l'apparent hermétisme de l'art de l'installation. S'inspirant de son propre vécu,
Carole Fives décrit le malaise et la marginalité de Luc, Lucie et la narratrice ; étudiants à l'école des Beaux-arts de Lille que l'on surnomme avec mépris : « les
térébenthines ». Les trois étudiants vont prendre des chemins différents. Luc incarne la figure de l'artiste romantique, Lucie suit une voie plus conformiste et la narratrice s'identifie au parcours personnel de
Carole Fives, qui voit le passage de la peinture à l'écriture.
Ayant brièvement fréquenté une école d'art à la même époque, j'ai trouvé que ce roman restitue bien l'ambiance de cette institution : le suivisme des étudiants, la rudesse du franc-parler des enseignants dont le personnage de Vera Mornay est à peine caricaturé. L'amateur d'art appréciera la description de l'artiste devant sa toile, on croirait sentir l'odeur de la peinture, des encres, de la
térébenthine… Cela m'a fait penser à l'atmosphère du roman de Maylis de
Kerangal : "
Un monde à portée de main" où évolue un autre trio d'étudiants en art.
Ce roman a pour vertu de dénoncer le paradoxe selon lequel les écoles d'art sont majoritairement remplies par des étudiantes, bien que l'histoire de l'art ait peu retenue l'oeuvre des femmes artistes. Thématique récemment développée dans les expositions parisiennes : « Elles font l'abstraction» du 19 mai au 23 août 2021 au
Centre Pompidou et « Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d'un combat » du 19 mai au 25 juillet 2021 au musée du Luxembourg.
Un roman qui se lit facilement et dont l'auteure sait maintenir le suspens.