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sur 224 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après avoir lu Tenir jusqu'à l'aube qui plongeait dans la dure réalité affrontée par une femme seule devant élever son enfant, je retrouve Carole Fives dans Térébenthine.
Ici, il s'agit d'une autofiction, pas vraiment un roman comme indiqué par l'éditeur sur la couverture.
Tout commence avec un article de Beaux-Arts magazine de 2019 saluant avec enthousiasme le retour en grâce de la peinture et mettant en exergue un jeune peintre, Luc Chancy, disparu, hélas…
C'est alors le moment de revenir en arrière, au début des années 2000 où la narratrice, à dix-sept ans, passe le concours d'entrée à l'École des Beaux-Arts de Lille.
Débute alors un parcours difficile, compliqué, semé d'embûches, d'incompréhension, de mépris et de solitude pour cette fille qui rêve d'exprimer son talent pour la peinture.
Reléguée dans les caves de l'école, avec ceux qui veulent peindre, dont ses deux meilleurs amis, Lucie et Luc, elle subit les moqueries des autres camarades qui s'épanouissent dans des oeuvres plus en vogue à l'époque. Ils surnomment les peintres « Térébenthine » à cause de leur puanteur causée par l'odeur du solvant, plutôt du white-spirit, odeur qui ne les quitte guère. Il faut bien nettoyer pinceaux, palettes et tout le matériel !
En 2003, elle séjourne même à New York, avec Lucie et Luc, pour visiter le MoMA (Museum of Modern Art) où les oeuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Jackson Pollock, Robert Motherwell, Barnett Newman et Mark Rothko tiennent la vedette. Par manque d'argent, ils ne peuvent guère profiter de la ville.
À l'école des beaux-arts, pas de prof de peinture. Elle doit suivre des cours de dessin, le soir, dans les ateliers municipaux.
Alors que les femmes artistes sont vraiment marginalisées, c'est l'une d'elles, sa référente, qui la démolit au lieu de l'aider à préparer l'examen de passage en deuxième année.
Avec Lucie, en fin d'année, elles réalisent chacune une oeuvre très sexuelle avec des poupées gonflables puisqu'il faut étonner, surprendre les profs. Hélas, son propre père ne supporte pas, se dit choqué et s'en va…
Ainsi, seconde et troisième année vont suivre et j'ai beaucoup apprécié les interventions des élèves pour mettre en valeur les artistes femmes, forçant même Urius, professeur d'histoire de l'art, à leur céder du temps sur ses cours pour qu'elles présentent Niky de Saint Phalle, Shigeko Kubota, Yoko Ono, Cindy Sherman, Gina Pane, Orlan (Mireille Porte), Annette Messager, Miss. Tic ou encore Marlène Dumas.
En attendant, il faut créer, peindre, recommencer, douter, chercher, subir l'indifférence, le mépris pour aller au bout de la troisième année. Peu satisfaite de ses résultats picturaux, la narratrice s'oriente vers le texte, les mots qu'elle met en scène, phrases qu'elle agence et qui sont la matrice de ce livre que je lis avec beaucoup d'intérêt.
L'après beaux-arts est sûrement le plus difficile pour ces jeunes artistes qui n'arrivent pas à se faire admettre dans les galeries et doivent assumer des petits boulots pour pouvoir manger, payer leur loyer. Certains, comme Lucie, se tournent vers l'enseignement. Luc persévère, offre un très intéressant entretien sur Radio Nova mais n'est finalement pas heureux alors que la narratrice écrit tout en refusant le roman classique.
Térébenthine, son parcours de vie, m'a permis une ouverture passionnante et fort instructive sur un milieu que je ne connais guère. Carole Fives a bien fait de partager son expérience tout en exprimant une fois de plus son talent littéraire vivant, varié et émouvant jusqu'au bout.

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La narratrice raconte ses années d'études aux Beaux Arts avec ses deux amis Lucie et Luc. Leur choix d'étudier la peinture les fait passer pour des ringards dans un monde moderne où l'art se veut conceptuel. Les autres se moquent gentiment d'eux, les professeurs essaient de les décourager. Les premières oeuvres sont amusantes, dérangeantes pour la famille. Les trois, dans un style différent s'acharnent, persévèrent les premières années. Seul Luc continuera et fera cinq années d'études et connaîtra une gloire posthume. La narratrice peint les mots, elle retrouvera ces derniers et écrira les tableaux qu'elle a en tête. Lucie finira par avoir une vie plus classique en tant qu'enseignante.

On suit leur évolution durant les trois ans. L'amitié, l'amour, leur relation privilégiée.

C'est aussi l'histoire et la place des femmes dans l'art et la peinture.

Le style est léger, les chapitres courts, le récit se lit d'une traite, le sujet est passionnant.

Merci aux Éditions Gallimard et à Masse critique de Babelio pour cette belle découverte
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Les nuits sont parfois courtes, un livre vous aide à les traverser ou à vous endormir. Carole Fives m'a accompagné et tant pis pour la fatigue.
La narratrice nous présente trois jeunes nordistes qui intègrent les Beaux arts de Lille au début des années 2000.
Ils sont jeunes, plein d'espoir et passionnés par la peinture.
Art désuet, relégué à la cave et qui n'est plus enseigné. Faut il se plier aux exigences ou aller au bout de ses idées ?

Très beau roman , auquel je reprocherai d'une voix fluette les quelques énumérations d'artistes qui remplissent plusieurs pages .
Parce que pour le reste, j'ai aimé les "héros" de ce livre , leur foi, l'amour contre vents et marées à un art décrédibilisé, leurs espoirs en l'avenir, ce feu qui les anime dans l'adversité.
J'ai aimé la grande place faite à l'art féminin dans ces pages , justement pour dénoncer sa non présence dans l'enseignement .Une femme dans un musée doit être nue et accrochée aux murs. Violent.
Le roman est très bien construit et si un de ses dénouements nous est de suite livré, le cheminement des étudiants et leur construction sont brillamment narrés.
Un livre est un moment d'évasion , mais on peut aussi y chercher de la culture. Alors pour le coup, j'ai noté des noms d'artistes de moi inconnus et j'en ai pour de longues soirées à les découvrir.
Ma carrière artistique s'est arrêtée en 4 ème , il fallait récupérer la coquille d'un oeuf , j'avais raté l'information que l'oeuf devait être cuit. Traumatisme irréversible , déjà que j'étais mauvais, je me suis alors contenté par la suite de gribouiller des Nicolas Sirkis .
C'est peut être pour cela que j'ai adoré ce roman, la plongée dans un monde qui m'est inaccessible. Mais pas que , bien sûr. La place des femmes dans l'art , et globalement dans la société , la volonté de faire d'art dénigré un acte de vie, le combat contre les éléments pour affirmer son caractère et être son destin. sans parler du harcèlement, évoqué ici de façon non racoleuse . le fait que l'auteure soit passé par cette école renforce encore plus ses propos.
Un très beau texte.
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Un livre reçu dans le cadre de Masse Critique merci à Babelio et aux Editions Gallimard. Il s'agit dune critique de l'art conceptuel qui se veut exclusif et méprisant de la peinture, et de l'expérience tragique de trois étudiants des Beaux Arts au début des années 2000 qui vont payer cher leur apprentissage et leur refus de se soumettre à un courant qui décourage les vocations et la peinture traditionnelle.
J'ai beaucoup aimé cette critique et la façon dont Carole Fives nous entraine dans une réflexion pertinente , sans jamais juger, en exposant simplement les faits, décrivant un "enseignement" de l'art dominé par le machisme et aussi par "le grand marché de l'art".
Ce livre est aussi une histoire humaine, celle de trois jeunes gens plein de rêves et d'espoirs que cette machine infernale s'est employé à détruire, jusqu'au suicide pour l'un. Reste Carole Fives qui elle, est devenue écrivain à la sortie des Beaux Arts.
C'est mon premier livre de cette auteure, mais pas le dernier. Je recommande vivement.
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Premier livre que je lis de cette autrice, et c'est une bonne surprise. le style narratif, different, se prête parfaitement à l'histoire de ces trois étudiants en art, les 'térébenthine', à leur parcours initiatique aux Beaux-Arts à une époque où la peinture joue les ringardes à côté des arts visuels... C'est tout un univers donc qui y est décrit, celui de la création, de l'originalité dans un monde toutefois codé et sujet aux modes, du snobisme aussi, et surtout de l'influence - positive ou négative - de certains professeurs sur le devenir de ces jeunes artistes. Ça sent le vécu et ça n'en est que plus fort... Ça déroute aussi : combien d'entre aux finalement n'iront pas jusqu'au bout ou feront autre chose que de l'art une fois leur diplôme en poche?
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Il suffit d'un article dans un magazine d'art, proclamant le grand retour de la peinture pour que la narratrice retrouve le souvenir de ses études aux Beaux-Arts, quinze ans plus tôt, quand Luc, Lucie et elle-même formaient un drôle de trio.
Surnommés les Térébenthine, par dérision, car ils s'obstinaient à peindre dans une époque où prévalait l'art conceptuel et le discours qui le justifiait , ils étaient relégués dans les caves. Ces "illuminés du sous-sol" entraient alors en résistance et en amitié et c'est leur parcours que nous relate ce roman.
Roman d'apprentissage, d'émancipation aussi , à une époque où il n'y pas de modèles nus masculins et où les artistes femmes sont systématiquement ignorées par les profs des Beaux-Arts, par routine peut être pour certains, plus que par mauvais volonté. Quant aux critiques, ils "ont beau dire que l'art n'a pas de sexe, tu sens qu'ils manquent d'objectivité et que le but est bien plutôt de faire passer pour neutre une histoire de l'art tout empreinte de virilité." Ces artistes existent pourtant et une magnifique accumulation d'artistes femmes (plus d'une centaine !) vient nous le rappeler.
Une pensée est en formation, tout autant qu'une artiste et une femme, et ces métamorphoses qui nous sont données à voir sont passionnantes car pleines de justesse et de sincérité. Un roman constellé de marque-pages qui file sur l'étagère des indispensables.
Lien : http://www.cathulu.com/archi..
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Il y a Lucie. Luc. Et aussi toi. Toi qui veux devenir artiste dans une société où l'art est considéré de plus en plus comme presque inutile, réservé à une poignée de bobos, de bourgeois ou de snobs. En plus, tu es femme. Double peine. Pourtant, tu t'accroches et tu t'inscris à l'Ecole des Beaux-Arts de Lille pour te retrouver au sous-sol, là où il existe encore une liberté créative sans le dictat professoral. Tu suis les cours, néanmoins, mais tu aimes retrouver cette poignée d'élèves dans cet espace sale, froid, gris. Dans ce lieu nommée « Térébenthine » par d'autres étudiants. Oui, toi et tes quelques amis, vous peignez encore et une forte odeur se dégage de vous. Mais c'est ce n'est pas de la térébenthine, trop cher, c'est de l'alcool à brûler. Brûler comme peut-être vos ailes qui risquent de subir ce sort.

Tu vas raconter, à la deuxième personne du singulier, ce parcours semé de touches de résignations, de coups de pinceau de révolte, de traces d'espoir, d'efforts en reflets, du clair dans ta tête mais de l'obscur autour de toi. Pas facile de suivre ce chemin, parsemé d'ornières entre le dédain, le machisme, le harcèlement, la superficialité. L'éphémérité aussi. Arriveras-tu à terminer ton cursus ? Arriveras-tu à franchir tous tes obstacles ? Et pour tes amis, Lucie et Luc, que sont-ils devenus ? le vent va-t-il les ôter, les emporter ?

Un roman qui sonne vrai, qui sonne juste. Parce ce que Carole Fives l'a vécu. Elle raconte sous une forme narrative originale, cette traversée artistique de tous les dangers, de tous les mirages, espérance en nature morte et rage de tenir bon sur cet échafaudage branlant.

Un roman très féministe mais sans tomber dans l'angélisme. Si pour un homme embrasser la carrière des arts plastiques est déjà un sacerdoce, pour une femme, elle devra, avec supplément offert, faire face à la misogynie, aux regards libidineux masculins et… aux injonctions des autres femmes qui ne sont pas toujours du meilleur soutien sur l'échelle de la pédagogie : le personnage de Véra Mornay est à lui seul à accrocher dans une galerie !

Dans un style aérien, Carole Fives, taille, sculpte, moule les mots. Elle les fait tourner, rajoute des ombres pour mieux mettre en lumière des dialogues percutants. Ecriture incisive, mordante. Impression de voir l'auteure en une Niki de Saint Phalle ayant accroché des mots au-dessus des ses pages blanches et les tirant au fusil pour qu'ils se jettent, se rassemblent en un texte que le lecteur adoptera même s'il entre dans cet univers inconnu des arts et de ses assemblages.

Térébenthine, une peinture vivante
Lien : https://squirelito.blogspot...
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J'ai été happé, plus qu'appelé par ce livre…
Lu d'une traite.

La première fois comme une toile qui m'intéressait bien…
Je l'ai pris mais sans l'acheter. Et puis j'y suis revenu… une deuxième Fois, et cette fois, c'est fait ! Aimant beaucoup l'art moi aussi notamment ...
Pollock et Rothko enfin l'expressionnisme abstrait quoi… sans pour autant m'en faire l'intellectuel de pacotille…

Et quelle surprise !

L'art c'est quand même une belle saloperie non ? Quand on se souvient quand on y pense,
et pourtant c'est une chose à laquelle nous sommes le plus attachés, comme un mensonge ou un songe-offense, et qui s'approcherait le plus près de la vérité, dixit Picasso.
Mais à quoi ça sert l'art, ben à rien. Et le rien servirait maintenant à l'art alors ? Comme tous ces types qui nous vendent de la crotte à cheval synthétique, ou des anus gonflables et autre poupées gonflables pour dixit fusiller le système ?
- Mais le système est déjà fusillé, gro' enfin mec, enfin toi quoi, Fille ou garcon, peu importe.. Bon c'est vrai l'art est un machiste, et un gros. Mais on n'est pas obligé de continuer de fabriquer les choses dans le même moule si le moule est mauvais, non ? On peut aussi le remplacer.

Le système étiquette, vend, plaque, reproduit, clone, dissèque, mange, vomit, dégobille, un vrai glouton insatiable… semble nous interroge l'auteur. Et qui lutte encore pour lui en ce siècle ? Seulement Les beaux-arts ? non ! Et qui l'abandonne ainsi ?
- 3 personnages réunis en un seul «‘Tu» s'interrogent tant bien que mal avec chacun leur idée, leur parcours. Leur dramaturgie. Leur gueule.

L'art tue alors ? Ou alors l'art est sans doute un ancien marchand d'esclave qui s'est libéré. Rien n'est moins sûr. Qui voudrait nous faire connaitre le même traitement.
Et moi je veux devenir ci, je veux devenir ça…. oui, je veux devenir écrivain ! » Alors, je répète bêtement en écrivant chaque jour la même ligne avec de la poudre de perlimpinpin. Mais qui va connaitre le vrai succès, qui va triompher, beaucoup d'appelés si peu d'élus, et si mêmes les élus commettent l'irréparable… à quoi bon ?

En tout cas, il y a une chose qui est sûr, l'art est un flatteur, et le flatteur adore qu'on parle de lui. Un bon (beau ?) livre qui nous interroge l'âme de plein de sens.

" le monde est la machine. En dévorant l'art, elle dévore son créateur. Elle est perpétuellement avide de sang, de douleur et d'inspiration, et il y a toujours de nouveaux artistes désireux de lui servir d'aliment. C'est la vie et c'est l'histoire. C'est le cycle éternel."

Oh ! Avec nous, L'art est beau joueur, la preuve, il en sort toujours vainqueur.

Citation du livre Planète à louer.
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Thérébentine, Carole Fives, 2020

« Ce que l'art conceptuel s'emploie depuis des décennies à détruire, ce que l'art conceptuel refoule depuis des années, éclate sur les toiles de Rothko : l'émotion. Toute l'intelligence du monde ne peut rien y faire, l'art est avant tout une affaire d'émotion. C'est ce que tu ressentiras bientôt devant les vidéos de Bill Viola ou les toiles de Marlene Dumas : l'art est irréductible au pur concept, l'art ne peut se passer du corps et de son intuition ».

La narratrice, jeune fille de dix-huit ans, passe le concours d'entrée des Beaux-Arts de Lille, au début des années 2000. Passionnée par le dessin et la peinture, elle veut pratiquer son art et s'attend à recevoir un enseignement digne de ce nom dans cette institution. Malheureusement, seuls trois étudiants cette année-là seront acceptés en peinture. Ils devront s'entraider puisqu'à l'époque du tout vidéo, les enseignants ne se tournent plus que vers le conceptuel.
Dans cette école, (mais cela fait aussi écho au monde du spectacle et à celui de l'écriture), il est difficile de se faire une place lorsque l'on veut pratiquer un art qui demande du temps et de la maturation, quand on n'est pas un artiste « efficace » ou parce que l'on ne surfe pas sur le fil de l'actualité, parce que l'on refuse de n'être que dans la forme ou le style, la réflexion et le concept, parce que l'on refuse, tout simplement, de renier le corps, l'émotion, le geste et la fragilité, ce qui fait l'humain dans toute sa complexité. Vouloir rester intègre en ne se laissant pas submerger par les effets de mode, et l'efficacité à tout prix et comprendre que l'originalité passe irréfutablement par nous-même semble de plus en plus difficile.
Ainsi, pour son passage en seconde année, la narratrice devra se plier au diktat d'une enseignante qui refuse sa peinture et exige une installation : « Vous ne pouvez pas sérieusement présenter ça pour l'examen ! Oubliez Bacon et toute la clique ! Oubliez les coulures et le pathos dégoulinant, par pitié, oubliez la peinture. […] La figuration est morte, tout autant que la défiguration… C'est l'objet qui nous parle le mieux du monde contemporain, pas l'image ! »
Les trois protagonistes du roman prennent conscience de la difficulté à vivre de l'art sans soutien familial ou institutionnel et qu'il est nécessaire, le plus souvent, d'avoir des relations pour être exposé et vendre. Là aussi, ce roman rejoint les difficultés de tout artiste qui ne réussit pas à « se vendre » (ce que j'ai personnellement connu, après le Conservatoire, ce que j'ai entendu dire par des amis écrivains, ce que j'ai vu auprès d'amis artistes peintres) : « comme souvent dans les vernissages, chacun fait mine de discuter avec quelqu'un ou de s'extasier devant une oeuvre mais ce qui compte, c'est parler aux bonnes personnes, faire les bonnes rencontres, prendre les bons contacts ».
Nous assistons, à la fin du dernier chapitre aux différents cheminements des trois camarades : l'une va se diriger vers l'enseignement en collège, un autre va poursuivre sa carrière de peintre et se verra organiser une exposition posthume, et la narratrice se dirigera vers l'écriture.
Ce récit est objectif, parfois drôle et montre le parcours de l'auteur qui est entrée aux Beaux-Arts avant de devenir écrivain. S'il ne s'agit pas tout à fait d'une autobiographie, le lecteur peut se demander si l'auteur n'avait pas besoin de partager cette expérience de la peinture qui l'a menée à troquer ses pinceaux pour un ordinateur et la toile de jute pour un écran. Enfin, Carole Fives nous offre un tableau du monde de l'art à une époque ou trop souvent, l'efficacité, l'effet et la forme priment sur l'émotion, l'intensité, la véracité de l'oeuvre : «Tu te mets à haïr ce pays où le mot « peintre » fait rire tout le monde […]. Il faudrait réussir tout de suite, il faudrait une carrière fulgurante, mais la lente maturation d'un travail artistique n'est pas au goût du jour. Ce sont les années 2000, celles des start-up, du marché de l'art. Ce ne sont pas les artistes qui réussissent mais les chefs d'entreprise, les petits malins […] Une vidéo de P. Mc Carthy caricature le peintre dans son atelier, déguisé en clown grotesque, il éclate des tubes de ketchup et de dentifrice sur des toiles vierges […]. L'artiste du XXIe siècle ne peut plus s'engager dans la création au premier degré. Il faut de la distance, de l'humour, il faut montrer qu'on n'est pas dupe, et surtout qu'on n'est pas sensible. »
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Les écrits de Carole Fives me plaisent beaucoup : courts, précis, aiguisés, j'aime à les dévorer même si ils sont toujours trop courts pour moi. Quand un livre est bon, je déteste arriver trop vite à mon goût à sa fin.
Ici, nous plongeons dans l'univers de l'Art : la peinture est morte, vive les nouveaux concepts artistiques, les performances, l'Art qui ne s'achète pas ou les concepts les plus fumeux. Quand la narratrice entre aux Beaux Arts, c'est pourtant la peinture qui l'y amène et c'est la peinture qu'elle veut utiliser pour créer. Avec Luc et Lucie, ils vont composer un groupe de "résistants", de peintres et ce sont leurs parcours dans l'univers de l'art finalement au sens large, que nous suivons : les profs maltraitants, aigris, les élèves opportunistes, les marchands du temple, qu'est que l'art ?
J'ai vraiment beaucoup aimé ce texte, sensible, dans lequel on a l'impression de suivre le réel parcours d'une jeune femme qui pensait que la peinture serait son moyen d'expression et qui le trouvera finalement dans l'écriture.
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