AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 21 notes
5
4 avis
4
1 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Publié dans la prestigieuse collection Biographie de chez Gallimard, il s'agit d'un gros volume de presque 500 pages, sans doute moins que l'énorme ouvrage sur Racine, publié dans la même collection précédemment, mais tout de même, un livre imposant, dont l'ambition est sans doute d'être l'ouvrage de référence sur le sujet.

Beaucoup de choses ont été écrites sur Molière, mais G. Forestier nous met en garde tout de suite : la plupart de ce que nous croyons savoir relève du mythe, d'une légende progressivement construite, plus que de la réalité. Un des objectifs du livre est donc de déconstruire ces mythes, d'en déterminer l'origine, et de partir des sources, des données en notre possession, de faire le point sur ce que l'on peut savoir exactement sur Molière et son oeuvre. La tâche n'est pas forcément aisée : il ne reste rien des papiers personnels de Molière, ni lettres, ni manuscrits. Ce n'est pas étonnant pour l'époque où l'on conservait peu, mais cela rend les aspects les plus intimes du personnage à jamais inaccessibles, et donc forcément cela ouvre la porte aux interprétations et projections.

Les vies de Molière n'ont pas tardé à paraître tant l'auteur de Tartuffe était célèbre : en 1705 paraît la Vie de M. de Molière d'un obscur homme de lettres Jean-Léonor le Gallois, sieur de Grimarest. Cette Vie va avoir une influence considérable sur l'image, les représentations de Molière, elle sera considérée comme l'ouvrage incontournable pour tous ceux qui s'intéressent au sujet. Or ce livre ne contient que peu d'éléments confirmés par des documents ou sources et a véhiculé pendant des siècles des idées fausses.

G. Forestier s'est donné comme tâche de revenir aux sources, sans doute moins parlantes et gratifiantes, mais fiables : registre de la Grange, qui a recopié les livres de comptes de la troupe de Molière au jour le jour, les documents notariaux, les gazettes...Beaucoup moins croustillant, sans doute fastidieux à éplucher, mais beaucoup plus fiable.

Il est impossible de résumer en quelques paragraphe l'ensemble de ce travail, je vais donc me contenter de faire ressortir quelques aspects qui m'ont le plus frappé. La proximité de Molière avec le roi Louis XIV en premier lieu. Son père a occupé la charge de tapissier du roi et Molière a sans doute eu l'occasion d'aller à la cour pour se former à occuper la charge après lui avant de devenir comédien. Même s'il a renoncé dans un premier temps à cette charge pour suivre sa vocation théâtrale, la mort précoce de son frère lui a permis de la récupérer. Or cette charge nécessitait pendant un trimestre dans l'année la présence quotidienne auprès du roi. Par ailleurs, lorsque sa troupe revient à Paris, il est très vite appelé à la cour pour donner des spectacles, et son rôle va devenir central dans les divertissements de la cour. Certes les pièces de théâtre, dont certaines vont être créées devant le roi avant d'être jouées en ville, mais Molière va aussi contribuer à écrire des arguments pour des ballets de cour, pour les pièces mises en musique par Lully, et sera l'homme indispensable qui va arriver à lier les divers éléments des spectacles fastueux donnés à la cour. Les registres ont gardé trace des très nombreux séjours que Molière et sa troupe faisaient chaque année dans les résidences royales et c'est impressionnant. D'autant plus que Louis XIV a pendant longtemps dansé en personne dans des ballets, et dans ces occasions il a côtoyé de très près les comédiens dans les spectacles où Molière s'est ingénié à lier toutes les parties ensemble. Tout un pan de l'oeuvre de Molière est aujourd'hui passé sous silence : Psyché, la Princesse d'Elide, Mélicerte, le Sicilien...Il s'agissait de spectacles mêlant musique, danse, machines et décors impressionnants et dont certains ont connu en leur temps un vif succès, Molière a été semble-t-il très attaché à une conception de spectacle total, mêlant divers arts, sa dernière pièce, le malade imaginaire en est encore un exemple.

Molière homme de cour donc, et aussi un homme instruit, fréquentant le grand monde dès son plus jeune âge, possédant tous les codes des ces milieux, ce qui lui permettra de proposer un comique de connivence avec les milieux galants dans beaucoup de ses pièces. On s'y moque des bourgeois qui veulent forcer la porte de la noblesse, des paysans qui épousent des filles nobles, des provinciales qui veulent singer les grandes dames parisiennes. de tous ceux qui ne font partie des élus, qui n'ont pas les clés, et qui donc en font trop. Nous sommes très loin du supposé auteur « populaire ». Les prix des places du théâtre le montrent : il s'agissait d'un loisir réservé à ceux qui en avait les moyens, les places les moins chères au parterre, n'étaient accessibles qu'à ce qu'on appellerait aujourd'hui la classe moyenne.

Les documents qui restent ne sont pas explicites à ce sujet, mais Molière semble avoir eu des accointances avec des penseurs libertins, qui à l'occasion pouvaient contester les dogmes religieux, certains allant jusqu'à l'athéisme. Par exemple, la célèbre réplique des Fourberies de Scapin (qu'allait-il faire dans cette galère) est directement reprise d'une pièce de Cyrano de Bergerac, le pédant joué, jamais montée ni publiée à cause de ses éléments qui sentaient le fagot, pièce qui circulait uniquement en manuscrit dans un cercle étroit d'initiés, dont Molière faisait donc partie. Mais nous ne saurons jamais quelles étaient exactement ses idées sur la religion.

Acteur et auteur célébrissime, star à son époque, et l'auteur de théâtre le plus joué encore actuellement en France, le classique par excellence, l'homme Molière reste et restera en grande partie un mystère. Ce qui participe du mythe et favorise le travail de l'imagination. La biographie de G. Forestier précise beaucoup de points, remet en cause certaines légendes, brosse sans doute le tableau le plus complet possible dans l'état de nos connaissance, mais ne peut suppléer à ce qui a disparu. Elle est très agréable à lire, et permet d'appréhender d'une manière différente la plupart des pièces, en situant le contexte de leur création et les éléments qui les ont inspirées. A conseiller à tout amoureux de Molière.
Commenter  J’apprécie          254


J'ai découvert Georges Forestier grâce à un excellent MOOC sur le théâtre du XVIIème siècle. Je me suis donc précipitée sur ce Molière. Cette biographie commence par expliquer pourquoi la Vie de Molière par le Gallois de Grimarest qui a servi de base à bien des biographies ultérieures n'est pas fiable. Georges Forestier a donc recherché dans les documents d'époque les éléments nécessaires à une nouvelle biographie. Il analyse au fil des années les pièces présentées au Roi et au public.
J'appréhende mieux le rôle joué par Louis XIV dans la production par Molière, souvent dans l'urgence, des spectacles pour ses différentes fêtes. Et combien Molière était un géni tant comme auteur que comme acteur.
Commenter  J’apprécie          220
« Celui qui demeure le plus grand auteur comique occidental et l'un des plus grands artistes français, qui continue de faire rire le monde et qui ne cesse de nous parler, est aussi un individu passionnant à observer. Molière reste un homme fascinant, même à quatre siècles de distance. »

Ô combien Georges Forestier a raison d'écrire cela dans la biographie qu'il consacre au grand homme et qui a été publiée il y a peu chez Gallimard.

Professeur à la Sorbonne, éditeur des oeuvres complètes de Racine et de Molière dans la Bibliothèque de la Pléiade, Georges Forestier s'est mis en tête de démythifier Molière, de nous le rendre le plus tangible possible en s'écartant de la trop connue, mais néanmoins fausse Vie de M. de Molière, publiée en 1705 par Grimarest et qui ne reposait sur aucune source fiable.

La suite sur : www.actualitte.com
Commenter  J’apprécie          60
Une biographie enfin débarrassée de toutes les fables qui encombrent Molière depuis toujours - mais c'est la rançon de son succès. Georges Forestier nous emmène dans la vie théâtrale du 17ème siècle, et c'est passionnant ! Très érudite et précise, cette biographie est une mise au point indispensable ; s'y joint le plaisir de retrouver mon ancien professeur, ce qu'apprécieront les nombreux anciens ou actuels étudiants en lettres de l'université de reims ou de la Sorbonne.
Commenter  J’apprécie          40
Une biographie à lire pour découvrir Molière vraiment. On pourrait penser qu'il va s'agir d'une somme érudite d'un professeur d'université mais non. le récit est fluide mené d'une plume alerte en petits paragraphes , le tout très documenté. En fait, on croit connaître le dramaturge mais pas vraiment surtout ce qui frappe la lecture ce sont les conditions de création, les géniales réadaptations et "réappropriations" de Molière, puisant dans la commedia dell'arte, le théâtre espagnol, et les auteurs antiques. On comprend aussi la singularité de ses oeuvres et ce qui les rend universelles et classiques.
C'est aussi passionnant de découvrir ces troupes rivales et complémentaires et leur capacité à apprendre vite et à s'adapter au goût du temps et aux désirs du souverain, car le parcours de Molière est indissociable de Louis XIV, grand instigateur et argentier. Cette figure tutélaire est là dans chacune des étapes vers la réussite.
Ce qui me semble aussi très réussi c'est la manière très simple de faire passer l'érudition du biographe.
A lire et ensuite se plonger à nouveau dans Molière, même si ses oeuvres sont à voir plutôt qu'à lire.
Commenter  J’apprécie          30
Les mystères de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière sont nombreux. On ne sait pas de source sûre quand il est né, pourquoi il porte son nom, pourquoi il a consacré sa vie au théâtre, s'il a vraiment écrit l'intégralité d'une oeuvre qui a fait sa légende, ni pourquoi il est mort prématurément en pleine gloire ? Molière est de fait l'auteur français le plus joué à travers le monde. Georges Forestier revient sur ce génie du théâtre dont la personnalité reste remplie de zones d'ombres. Partir sur les traces de Molière ressemble à un voyage dont on continue de s'interroger.
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (89) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Cid (Corneille)

Que signifie "Le Cid" en arabe ?

le seigneur
le voleur
le meurtrier

10 questions
816 lecteurs ont répondu
Thèmes : théâtreCréer un quiz sur ce livre

{* *}