Je suis enfin derrière une muraille de livres. Chaque jour je me suis dit : « Il faut que tu lises ça. » « Si j’avais le temps je lirais ça. » « Quand je pense que je n’ai toujours pas lu ça. » « Ils ont de la chance, ceux qui peuvent lire en liberté. » « Si seulement j’avais lu ça, je serais un bien meilleur lecteur… »
Lorsque j'aurai terminé la lecture du dernier mot de la dernière phrase du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut encore la peine d'être lue.
– Tu vois, petit con, lui dit-elle, c’est facile de dire non en trois secondes à un auteur, facile de se moquer même de son travail, mais il faut que tu saches comme c’est long et comme c’est emmerdant de faire un livre. Même un mauvais. Surtout un mauvais.
Celui qui est sous ma joue est un manuscrit d’amour : c’est l’histoire d’un mec qui rencontre une fille mais il est marié et elle a un copain… J’en ai lu sept pages et je le connais déjà par cœur. Rien ne pourra me surprendre. Depuis des lunes, je ne lis plus, je relis. La même vieille bouillie dont on fait des « nouveautés », des saisons, des rentrées « littéraires », des succès, des bides, des bides.
"Lorsque j'aurai terminé la lecture du dernier mot de la dernière phrase du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut la peine d'être lue."
Elle tire sa jupe sur ses genoux, comme pour se faire pardonner de la porter trop courte. Ses jambes n'ont pourtant rien à cacher.
- ... Pendant que vous vous crever la tête et le portefeuille à trouver le moyen de vendre vos vieux romans en ligne sans fâcher les libraires que vous finirez par tuer de toute façon, nous, on bricole de nouveaux trucs qui se glissent tout seuls dans les petites machines.
"Il y aura toujours du papier, toujours de l'écran. Les pages ne se tournent pas d'un coup sec."
On dirait qu’elle a perpétuellement froid. Elle picore une tranche de concombre posée sur une petite éponge beurrée qui va me coûter cinquante livres, et je sais qu’elle est heureuse de regarder les vieilles anglaises qui se piquent le nez au porto en mangeant des gâteaux à la crème. C’est son péché.
"Elle lui a raconté les beautés du métier d'écrire, ses douleurs, ses charmes. Elle a froissé ses draps de la belle façon. Il a fait une quantité hallucinante de trouvailles en quelques semaines et il a pris le virus. L'édition est sexuellement transmissible."