Il était généreux, avare seulement en démonstration de tendresse.
Toi, mon petit frère, tu étais toujours premier en tout. Tu as même été le premier à mourir.
Les moments où j'ai ressenti le plus de complicité avec lui, c'était quand nous échangions un regard. Nous communiquions par le silence
Chaque mois, Maman nous donnait de l'argent de poche. On avait cent francs et une plaque de chocolat. Yves-Marie mangeait son chocolat tout de suite, moi j'attendais la fin du mois et je me faisais une mousse au chocolat, je la mangeais dans la casserole devant Yves-Marie. Un jour, il m'a poursuivi, j'ai dû finir ma mousse au chocolat dans la rue.
C'est jamais drôle d'être le petit à cause du grand qui est au-dessus, c'est dur de pousser à l'ombre.
Tu n'étais pas exubérant, tu n'étais pas excentrique, tu n'étais pas extravaguant, tu n'étais pas extraverti, tu n'étais pas excessif, tu n'étais pas extraordinaire, tu n'étais pas exceptionnel. Mais tu n'étais pas banal.
Il aimait les chiffres. Il savait compter mais pas conter fleurette.
Si c'était un meuble, quel meuble aurait-il été?
Peut-être un secrétaire Empire en acajou foncé
Avec plein de secrets, fermé à clé, défense d'entrer.
Quand Madame Tierny en a eu fini avec le petit Jésus, elle s'est enfin rendu compte de ma présence, elle m'a regardé longuement, elle a simplement dit: "Avec lui, ça va être plus difficile." C'est vrai que j'avais pas une tête de Jésus.
Elle m'a tripoté les cheveux, elle a essayé d'aplatir mon épi rebelle, elle a dit à maman: "Faudrait lui frisotter tout ça. On va essayer d'en faire un ange..."
Yves-Marie riait aux anges.
Tu es mort cinq jours devant Raymond Poulidor, l'éternel second qui n'aura jamais été le premier.