Quand je regarde tes petits chapeaux, je pense avec une infinie tristesse à ton cerveau, tombé en panne sèche, de sang.
Il est éteint définitivement.
Tu ne penseras plus jamais à moi.
J'ai regardé à l'intérieur des chapeaux s'il ne restait pas une petite pensée pour moi.
Sur mon téléphone portable, j'ai retiré ton nom de mes contacts. J'ai appuyé sur "chercher", j'ai fait dérouler tous les noms jusqu'à "Sylvie", puis j'ai appuyé sur "option" et là j'ai choisi "supprimer". Mon écran a affiché une terrible question : "Supprimer Sylvie ?". J'ai hésité longtemps. Finalement, j'ai enfoncé avec émotion la touche "OK". J'avais l'impression d'être le président de la République qui appuyait sur le bouton rouge de la bombe atomique. Est apparu alors sur l'écran une petite poubelle avec un couvercle sautillant qui s'est posé dessus pour la fermer. Voilà, c'était fait, je t'avais mise à la poubelle.
Chaque fois que je vois des affaires à toi, j'ai du chagrin, surtout ton sac à main. Chaque fois que je rentrais à la maison et que je le voyais assoupi sur une chaise de l'entrée, j'étais rassuré, tu étais là.
Maintenant, ton sac est toujours là, mais pas toi.
Au début, après la mort subite de Sylvie, j'ai comparé mon drame à un tsunami. Quand j'y pense, rétrospectivement un peu géné, j'espère que je n'ai pas porté la poisse aux Japonais.
Cette année, très peu m'ont souhaité bonne année ou bon Noël.
Il faut que j'apprenne à profiter du présent, à déguster l'instant, sans passer à demain, parce que demain ne me dit rien de bon.
Quand je vois à quelle vitesse mes comtemporains disparaissent, ce que je crains le plus, c'est le jour où il n'y aura plus sur terre une personne à qui je puisse poser la question "tu te souviens ?".
Mes souvenirs continuent à briller comme les étoiles mortes. Le passé me semble parfait, le futur pas très sûr. Je préfère conjuguer l'irréel du présent.
Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie.
Tu ne verras plus pousser les roses sur les rosiers que tu avais taillés, tu ne te feras plus bronzer au soleil.