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Citations sur Le Dieu des cauchemars (6)

[...] ... Pendant presque une semaine, j'ai parcouru les rues de La Nouvelle-Orléans, souvent sans retourner de la journée dans le petit hôtel en haut de Canal Street où j'avais pris une chambre. Un soir, je me suis laissée tomber sur le lit et dans le sommeil sans me déshabiller, et je me suis réveillée à l'aube, mes vêtements entortillés autour de moi comme des cordes souples. Je n'ai pas ressenti le besoin de m'en libérer, mais suis restée allongée immobile à écouter, me disais-je, la ville respirer comme un grand animal assoupi, replié sur lui-même au creux d'une courbe du Mississippi.

Un après-midi, j'ai observé par la vitre d'un restaurant un homme assis seul à une table, ses longues jambes étendues de côté, les chevilles croisées, une main enfoncée dans la poche de son pantalon, l'autre passant à cet instant devant son visage pour rabattre une boucle de cheveux noirs qui tombait sur son front. Il m'a vu le regarder et m'a souri, un sourire si séduisant et si intime qu'il a ébranlé le détachement que j'éprouvais en tant qu'observatrice - ou autrement dit la vague présomption que j'avais d'être devenue invisible - qui m'avait évité, tout au moins jusque là, de me sentir trop seule dans ce lieu étranger. J'ai continué mon chemin d'un pas vif.

L'air avait une odeur de pêches mûres et de fleurs inconnues, avec une petite note saumâtre, humide, et, au Marché français, celle d'un certain café auquel la chicorée apportait une pointe amère et vivifiante. J'en ai bu une tasse, le coude posé sur l'étroit comptoir de marbre d'un petit bar, en regardant par la fenêtre les étals au-dehors, des dizaines et des dizaines d'étals, sur lesquels s'entassaient des légumes, des poissons et des fruits que je n'avais jamais vus de ma vie. J'avais grandi dans un pays de navets et de pommes de terre, de nourriture qui poussait cachée dans le sol - telle était en tous cas l'impression que m'en avait laissé la cuisine peu enthousiaste de ma mère. ... [...]
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Ne fais pas trop attention à ce que les gens disent. Et un jour, tu découvriras ce que tu penses par toi-même. Essaye d'aller vers ce qui est nouveau avec autant d'innocence que tu le peux - laisse-toi d'abord surprendre.
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Je n'avais pas tellement envie de parler. Je voulais continuer à écouter. J'ai pensé à ma vie. Mais quand j'ai commencé à en tracer les grandes lignes, leur intérêt m a prise dans ses bras,et devant l'expression intense de leurs visages, je me suis sentie touchée par l'eloquence, ou par le même sentiment que si je venais de découvrir que je pouvais chanter.
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Le soir, quand il est chez lui, il boit toujours quelque chose avant d’aller se coucher. Il ne dort pas bien. Il boit debout, très solennel, dans la cuisine. Je l’ai vu avec un grand verre rempli d’un liquide trouble comme de la fumée. (…) Quand je lui ai dit qu’il s’agissait peut-être d’un mélange de lait et de sherry, il a relevé les sourcils et plissé les lèvres – je suis certaine qu’il a vu un acteur de cinéma faire cette moue – et il m’a répondu : « Claude, boire du lait ? Tu es folle ! » Enfin, passons. J’ai posé la question à Claude. Et il m’a expliqué que c’était une libation au dieu des cauchemars.
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[...] ... Au début du printemps 1941, treize ans après nous avoir quittées, ma mère et moi, mon père, Lincoln Bynum, est mort loin de nous, dans un village côtier de la Californie. Devant la stupéfaction qui l'a frappée à cette nouvelle, j'ai compris pour la première fois que, pendant toutes ces années, ma mère avait cru qu'il finirait par revenir.

En fait, il était mort depuis près d'un mois quand est arrivé chez nous le mot rédigé au crayon que m'avait adressé la femme avec qui il vivait.

"Il n'a pas souffert," écrivait-elle. Il était heureux, bronzé et optimiste. Mais son pauvre coeur a flanché. Ca s'est passé tout d'un coup, alors que nous venions de finir notre petit-déjeuner. Excusez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt. J'ai été malade. Il a fallu que je nettoie le bungalow et que je déménage. Il n'a laissé aucun souvenir de lui, sinon je vous les aurais envoyés. Il parlait souvent de vous."

C'était signé "Bernice." Sans nom de famille.

- "Nous aurions pu ne jamais le savoir !" s'est écriée ma mère tandis que la lettre lui échappait des mains, et qu'elle-même tombait à genoux devant la vitrine contenant les trophées - coupes, rubans aux couleurs passées, statuettes - qu'avaient gagnés pour lui les chevaux de mon père. "Et j'aurais continué à ..." a-t-elle murmuré.

Continué à s'illusionner, c'était la seule chose qu'elle pouvait vouloir dire. Elle a plongé son visage dans ses mains. J'ai ramassé l'enveloppe. Elle ne portait aucune mention de l'envoyeur et le timbre avait été collé à l'envers. Notre adresse était si pâle qu'on arrivait tout juste à la lire. "New-York" était écrit en un seul mot, comme si Bernice n'avait pu réunir assez de forces pour relever son crayon une dernière fois. Ce bout de papier traduisait mieux le malheur que les sanglots de ma mère agenouillée par terre. Il suggérait un chagrin qui n'était pas hallucinatoire, mais naturel. ... [...]
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Le soir du jour où nous avons appris la mort de mon père, ma mère a dit : " Il faut vraiment que tu t'en ailles, tu dois voler de tes propres ailes. Lulu et moi l'avons fait.". Elle avait parlé d'un ton sec. L'idée m'est venue que je n'avais été qu'un talisman destiné à assurer l'ultime retour de mon père.
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