Les poètes anciens savaient
et comprenaient eux-mêmes
que plus le temps passerait,
plus les hommes auraient l'esprit subtil
et plus ils seraient capables
d'interpréter les ouvrages antérieurs.
Pour se protéger du vice,
il faut étudier et entreprendre
une œuvre difficile
(Prologue, p.23, Le Livre de Poche)
Lanval, tout troublé, songe à son aventure : plein de doute, abasourdi, il ne sait que penser et n'ose croire que tout cela est vrai.
On doit faire l'éloge
De celui qui a une bonne réputation.
Pourtant quand un pays possède
Un homme ou une femme de grand mérite,
Les envieux
Se répandent en calomnies
Pour diminuer sa gloire.
D'eux deux il en fut ainsi
Comme il en va du chévrefeuille
Qui au coudrier s'y prend :
Quand il est enlacé et pris
Et tout amour du fût s'est mis
Ensemble ils peuvent bien durer;
Qui les veut ensuite désunir
Fait tôt le coudrier mourir
Et le chévrefeuille avec lui.
- Belle amie, ainsi est de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous
Belle amie
ains est de nous
Ni vous sans moi
Ni moi sans vous
Tristan à Yseut : le lai du Chèvrefeuille
Les contes que je sais véridiques
et dont les bretons ont fait des lais,
je vous les conterai avec concision.
Pour en finir avec cette introduction,
je vous rapporterai une aventure
qui arriva en Petite Bretagne
aux temps anciens,
en suivant fidèlement la lettre et l'écriture.
« L’amour est une plaie intérieure
Qui ne transparaît pas au-dehors.
C’est un mal qui résiste longtemps
parce qu’il vient de Nature.
Beaucoup s’en moquent,
comme ces ignobles galants
qui font les jolis cœurs partout
et qui se vantent de leur succès.
Ceci n’est pas de l’amour, mais de la folie,
de la perversité et de la débauche.
Quand on peut trouver un amant loyal,
il faut le servir, l’aimer
et lui obéir. »
En ce temps-là, Hoël régnait sur le pays qui était aussi souvent en paix qu'en guerre. Le roi avait parmi ses barons le seigneur du pays de Léon qui se nommait Oridial. Ce dernier était un de ses intimes, plein de valeur et de courage. Sa femme lui donna deux enfants: un fils et une fille fort belle. On appela Noguent la jeune fille et le jeune homme Guigemar. Il n'y en avait pas de plus beau dans le royaume. Sa mère le chérissait étonnamment et son père l'aimait beaucoup. Quand il put cesser de le garder auprès de lui, il l'envoya au service du roi. Le jeune home qui était avisé et valeureux, gagnait l'amitié de tous. Quand il eut assez d'années et de raison, le roi l'équipa magnifiquement en lui donnant les armes de son choix. Puis Guigemar quitte la cour, non sans avoir donné quantité de cadeaux avant son départ. En Flandre, il s'en va pour faire sa réputation, car il y eut toujours là bataille et guerre. Pas plus en Lorraine qu'en Bourgogne, en Anjou qu'en Gascogne on n'aurait pu trouver à cette époque un chevalier aussi parfait et qui fut son égal.