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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pschitt ! Elle a disparu. Mais quoi donc ? La broche offerte, glissée (faussement) dans le sac par un (faux) mari.
Pschitt ! Elle a disparu. Mais quoi donc ? La confiance de la jeune femme qui a force d'entendre qu'elle est folle, le croit.
Pschitt ! Elle a disparu. Mais quoi donc ? La voix de la femme, qui perd les mots, qu'on n'entend plus, qui de toute façon est obscène quand elle rit trop fort.
Pschitt ! Elle a disparu. Mais quoi donc ? La femme. Dans le paysage. Recluse dans sa maison, empêchée dans un espace public pensé par les hommes et pour les hommes, elle n'a de place que dans la solitude de la chambre.

Voilà ce que nous dit l'essai d'Hélène Frappat en prenant pour exemple le film Gaslight de Cukor. J'attendais beaucoup de ce texte, et je n'ai pas été déçue. J'ai un intérêt très marqué pour la question de la voix, de celle que l'on porte, que l'on perd, que l'on masque. La voix féminine encore plus. J'ai donc été ravie de retrouver entre ces pages, Mary Beard et sa réflexion sur la voix et le pouvoir, qui souligne le fait qu'une femme ne peut pas prendre la parole en public, chasse gardée des hommes. Que la chanteuse est toujours rapprochée de la courtisane, et qu'une femme n'est jamais entendue quand elle parle, qu'elle est vue comme hystérique dès qu'elle pleure ou qu'elle crie.

Hystérique, folle, déraisonnable, bref, elle a ses vapeurs, elle est régie par son utérus et surtout pas par sa tête. Rien de nouveau sous le soleil, c'est le même discours porté depuis la Grèce antique et qui va jusqu'au syndrome de Yentl, qui démontre que les femmes n'ont pas le même accès aux soins, puisqu'elles ne sont dans ce cas aussi, peu entendues.

Si mes comparses de lecture ont évoqué des répétitions, je ne les ai pas vu, trop encline à stabiloter frénétiquement et à me dire "mais oui, mais c'est bien sûr". La technique de manipulation (et de violence faite aux femmes) est parfaitement déconstruite, enrichie d'exemples. Et la fin pleine d'optimisme, puisque le gaslighting, on peut s'en sortir ! Grâce à la présence des amis, parce qu'il est bien plus difficile de manipuler quelqu'un qu'on ne peut isoler et surtout par l'ironie la plus froide et la plus basique. L'arroseur arrosé, le gaslighteur, gaslighté. Pschitt ! Il a disparu. Mais quoi donc ? L'affreux personnage qui voulait nous faire taire !

Un livre nécessaire, salutaire, qui donne une furieuse envie de voir le film de Cukor, de vivre par nous-même cette expérience de cinéma et l'angoisse qui monte pour Paula vampirisée. Un essai féministe comme je les aime, que je garderai dans ma bibliothèque et qui se brandira très bien en manif.


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Gaslighting a été élu mot de l'année 2022 par un dictionnaire Américain. En France il nous aura fallu ce superbe essai d'Hélène Frappat pour découvrir ce concept. Lorsque l'on sait à quel point mettre un mot sur qqch permet d'en rendre compte de l'existence, cela a son importance.

L'un des premières usages de ce terme est en tant que titre d'un film de 1944, réalisé par Georges Cukor, réalisateur juif d'origine hongroise et vivant à New York. Ce film sera le fil conducteur de l'oeuvre d'Hélène Frappat.
Dans celui-ci un homme s'est marié avec une femme et la manipule psychologiquement afin de retrouver les bijoux de la tante de celle-ci, une cantatrice qu'il a auparavant tué. Gaslighting pouvant se traduire par "évaporation" en français désigne le fait que le mari éteigne progressivement la luminosité des lampes à gaz afin de faire croire à sa femme qu'elle est devenue folle.

Hélène Frappat nous offre ici une analyse très documentée, précise et accessible de ce terme. Fondant sa thèse sur de nombreux concepts historiques en psychologie, littérature et cinéma. Ainsi elle remonte jusqu'à l'Antiquité, pour discuter du concept d'hystérie avec Aristote, passant par le négationnisme post-seconde guerre mondiale et aujourd'hui Donal Trump.
L'objectif étant de mettre en lumière le schéma de décrédibilisation de la parole d'autrui. Son travail est réellement impressionnant par la quantité de références qu'elle utilise, qui souligne le sérieux de son entreprise.
Elle convoque aussi de nombreuses figures féminines, Cassandre, Hélène de Troie, Antigone, Martha Mitchell ( lanceuse d'alerte du Watergate) et Britney Spears. Avec cette autrice il n'y a pas de sous-culture ou de frontières entre les domaines, et c'est appréciable.

De plus Hélène Frappat n'isole par son discours féministe au champs des femmes mais l'étudie dans sa globalité, en prenant un angle social et politique, ce qui en fait une oeuvre complète.
Elle rapproche ainsi le traitement vécu par la femme dans Gaslighting à celui des personnes politiques qui manipule l'opinion.
J'avais déjà pu apprécié le talent d'Hélène Frappat dans Trois femmes disparaissent et je ne suis pas déçue par ce deuxième livre.
Je le conseille vivement !
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