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EAN : 9782330174125
192 pages
Actes Sud (04/01/2023)
3.04/5   94 notes
Résumé :
Quand le cinéma et la vie s’allient pour fabriquer du romanesque féroce, l'œil de l’écrivaine s’allume.
Qu’ont en commun "Les Oiseaux", "Marnie", "Body Double", "Working Girl", "Le Bûcher des vanités" et "Cinquante nuances de Grey" ? Autrement dit, deux indéboulonnables classiques d’Alfred Hitchcock, la bande image des années 1980 et le plus grand phénomène de porno-soft de notre époque ? Leurs héroïnes : Tippi Hedren, Melanie Griffith, Dakota Johnson, trois... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
3,04

sur 94 notes
L'hydre à trois têtes

Hélène enquête sur la malédiction qui a frappé trois actrices d'une même famille, Tippi Hedren, sa fille Melanie Griffith et sa fille Dakota Johnson. Trois femmes victimes de prédateurs durant trois générations qui nous font découvrir l'envers du décor de l'usine à rêves hollywoodienne.

Hélène Frappat a choisi de se mettre dans la peau d'une détective pour enquêter sur trois femmes d'une même famille, trois actrices mondialement connues : Tippi Hedren, sa fille Melanie Griffith et sa fille Dakota Johnson. En parcourant leurs vies respectives et leur filmographie, elle va chercher à comprendre les raisons de leur «disparition». Une plongée stupéfiante dans un Hollywood bien loin de l'usine à rêves. Ici la misogynie règne en maître, les actrices sont des joujoux à la merci des réalisateurs et des producteurs.
En regardant une publicité pour une boisson, Alfred Hitchcock découvre Tippi Hedren. le réalisateur va alors très vite lui faire tourner des bouts d'essai et lui faire signer un contrat qui la lie à lui. S'il lui offre deux rôles qui la feront passer à la postérité dans Les Oiseaux (1963) et Pas de printemps pour Marnie (1964), il entend surtout en faire sa chose. Mais Tippi se refuse à lui. C'est alors que la guerre commence et que Hitch se venge en faisant du tournage des Oiseaux un supplice pour son actrice principale. Il décide par exemple d'utiliser de vrais oiseaux pour l'attaque dont le personnage est victime et non les oiseaux mécaniques construits pour l'occasion. Choquée, Tippi assure tout de même la promotion du film et va se voir proposer une nouvelle opportunité après le refus de Grace Kelly d'endosser le rôle de Marnie. Mais ce second tournage vire aussi au calvaire car les avances sexuelles de réalisateur se font de plus en plus pressantes. Elle veut alors rompre son contrat. Hitchcock furieux lui lance qu'il va ruiner sa carrière, qu'elle doit s'occuper de ses parents et de sa fille.
Sa fille, c'est la seconde femme qui disparaît, Melanie Griffith. Née en 1957 de la brève union de Tippi avec le publicitaire Peter Griffith, l'enfant suit sa mère sur les plateaux de tournage et va très vite intégrer ce milieu. Et se retrouver dans les pas de sa mère, pas seulement pour le bien. Elle est encore adolescente quand Tippi Hedren l'entraîne sur le tournage de Roar, le film dans lequel elle joue le rôle d'une femme qui emmène ses enfants dans la jungle africaine pour retrouver son scientifique de mari. Baptisé par la suite le film le plus dangereux de l'histoire du cinéma en raison des multiples blessures dont sont victimes les équipes de tournage et les comédiens, il verra notamment Melanie attaquée par un lion et quasi défigurée. de premières opérations de chirurgie esthétique sont alors nécessaires. Elles seront suivies au fil des ans de nombreuses autres.
Pour Hélène Frappat, Dakota Johnson va boucler la boucle en 2015 avec Cinquante nuances de Grey, l'histoire d'une femme entraînée dans une relation sadomasochiste par un homme riche. Ce vertigineux triptyque, qui ravira les amateurs de psychogénéalogie, est avant tout la chronique de la misogynie ordinaire qui régnait en maître avant #metoo. Les producteurs et réalisateurs sont alors des prédateurs et les actrices leurs proies. Des fantasmes qui nourrissent leurs oeuvres et dans lesquelles notre détective n'a aucun mal à débusquer tous les indices de sa brillante démonstration.
Ces visages exposés et torturés, ces corps ceinturés, ces blessures jamais refermées font de Tippi Hedren, Melanie Griffith et Dakota Johnson des héroïnes de tragédie grecque, sortes d'hydre à trois têtes condamnée à être victime de chasseurs assoiffés de pouvoir et de sexe, cruels et sans aucun état d'âme.
La romancière, qui s'est solidement documentée, nous fait profiter tout à la fois de ses lectures – depuis les contes de Perrault – que de ses riches connaissances cinématographiques. En voyageant dans et derrière l'écran, elle joue avec habileté de l'effet-miroir. Son réquisitoire peut alors se lire comme un brûlot féministe. Un gros coup de coeur !



Lien : https://collectiondelivres.w..
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Si comme moi, vous aimez les films d'Hitchcock, ce livre ne peut que vous plaire.

Une couverture qui fait écho au génial Saul Bass, à l'origine des génériques des films les plus fameux du maître du suspense. Des yeux de femmes, grands ouverts, parfaitement maquillés, qui ne sont pas sans rappeler ses héroïnes à la froideur légendaire.

Parmi ces héroïnes archétypiques, Tippi Hedren héroïne des Oiseaux et de Pas de printemps pour Marnie fait figure d'exception. Objet de désir devenu objet de mépris, mais objet quoiqu'il en soit, et voix dissonante dans le concert d'éloges généralement associées au réalisateur. Elle a refusé les assauts du « maître », elle en a payé le prix fort.

Hélène Frappat vous raconte ça comme personne.

Tippi Hedren est la mère de la comédienne Mélanie Griffith qui tourna sous la direction du très hitchcockien Brian de Palma, elle-même mère de Dakota Johnson héroïne de la trilogie à succès 50 Nuances de Grey.

À partir de ce qui au départ peut paraître bien anodin, Hélène Frappat livre une analyse passionnante des vies, des carrières, des rôles et décortique un incroyable camaïeu de redondances et d'échos. Hasards ou coïncidences, trois femmes, trois actrices, trois destins…


Trois femmes disparaissent, une spirale de faits hallucinants au service d'un scénario… Hitchcockien !
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Impression mitigée après la lecture de cette courte biographie de trois stars de Hollywood, trois générations d'actrices de mère en fille, non épargnées par la vie et dont la notoriété n'a pas duré, pour des raisons différentes en apparence, mais dont l'autrice réussit habilement à en faire le lien.
La première est Tippi Hedren, révélée et rendue célèbre par Hitchcock dans des films Les oiseaux et Marnie, mais aussi malmenée à plus d'un égard par le grand « Hitch», qui finit par empêcher son actrice fétiche de poursuivre sa carrière pourtant bien entamée. Hedren se lancera plus tard dans un projet de film sur les lions avec son mari et la participation de sa fille adolescente, Melanie Griffith, un projet qui exigera de la mère et de sa fille un engagement sur plus d'une décennie entourées d'une horde de lions qui les blesseront plusieurs fois, les obligeant parfois à interrompre le tournage pendant des semaines. Dans les années 80, Melanie Griffith aura, elle aussi, sa décennie de gloire au cinéma, mais le plus souvent dans des rôles de femmes marquées, marginales, battues. Elle sombrera dans l'alcool et la drogue et « disparaîtra » elle aussi très vite des projecteurs. Enfin, sa fille, Dakota Johnson, connaîtra à son tour son heure de gloire en décrochant le rôle devenu célèbre de la femme soumise de « Cinquante nuances de Grey » et même si on ne peut pas encore entrevoir la suite de sa carrière actuellement, il est fort probable qu'elle restera à tout jamais célèbre pour ce seul rôle, un rôle de femme qui fait immanquablement songer aux déboires de sa grand-mère et de sa mère des décennies plus tôt.
Ce qui m'a moins plu dans ce livre, c'est la manière de l'autrice d'aborder le sujet. Pourtant, la destruction de la carrière de Tippi Hedren et l'autodestruction de celle de Melanie Griffith auraient pu donner assez de matière à réflexion pour une biographie intéressante, si l'autrice avait creusé davantage les raisons qui ont causé l'échec de la carrière de ces deux femmes, mais elle a préféré étoffer son livre par des métaphores, ainsi que par des digressions nous entraînant dans le monde de Tchekhov ou évoquant la courte fugue d'Agatha Christie dans les années 1920 (ne serait-ce pas plutôt elle, la troisième femme disparue ?). D'où peut-être aussi la partie très courte consacrée à Dakota Johnson, qui n'a pas (encore) disparue, mais qui s'efforce à faire oublier son rôle de femme soumise à travers ses derniers rôles, tentant ainsi de réhabiliter ses aînées ?
En résumé, l'autrice de cette biographie en a fait trop à mon goût. Elle a essayé d'écrire à la fois une biographie sur trois actrices qui, pour différentes raisons, n'ont pas connu le succès escompté, et un pamphlet féministe qui se veut aussi littéraire et expérimental pour faire d'une pierre deux coups, avec un résultat brouillon et non convaincant.
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« le fantôme, ou le fantasme de toute actrice, c'est disparaître, en continuant à exister ».


Le fantôme et le fantasme en question, il aura a fallu vingt ans, à la romancière Hélène Frappat ( Lady Hunt, le dernier fleuve) pour réussir à écrire dessus.

Vingt ans pour partir à la recherche de ses trois héroïnes que tous les cinéphiles connaissent forcément : la grand-mère Tippi Dedren, la fille Melanie Griffithet , la petite-fille Dakota Johnson.

Épiant la filmographie de trois actrices consumées par les sirènes du septième art, Hélène Frappat entraîne son lecteur dans une enquête obsessionnelle éclairant les dérives du système hollywoodien et l'emprise qu'il exerce sur les âmes et les corps des femmes.

Car si Tippi dut subir les harcèlements d'Hitchcock, Melanie encaissa quelques vilenies, commencé dès son plus jeune âge lorsqu'elle se fit défigurer par un lion sur le tournage de Roar dirigé par son beau père et Dakota, quant à elle, ne sortit pas totalement indemne de son personnage de femme soumise dans "50 nuances de grey" .

Avec une ironie délicate et une vraie empathie pour ces trois stars déchues, Hélène Frappat endosse le role d'une détective pour sonder dans ce passionnant livre enquête la généalogie de ces trois stars hollywoodiennes déchues.

Une généalogie qui raconte avant tout la même histoire, celle de femmes fracassées par l'emprise des hommes.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Il ne s'agit pas d'un roman, mais d'une enquête soigneusement menée, trois destins de femmes ,disséqués, examinés à la loupe, en fragments (d'où la mise en page)sans artifices.
Le tragique est que ces trois femmes sont du même sang ; grand-mère Tippi Hedren, la mère Mélanie Griffith, la petite fille et fille Dakota Johnson. Trois actrices dévorées par des hommes et par la machine hollywoodienne. Dans « Les oiseaux » ou « Marnie »
la première, Tippi, victime du sadisme d'A.Hitchcock , Mélanie encore enfant labourée par des griffes de lion dans un fim »Roar », puis ensuite sa nudité exposée le plus souvent dans des films et puis Dakota, victime expiatoire d'un sadique (comme sa grand-mère) dans « 50 nuances de Grey ».
Quel destin que celui de ces femmes qui « disparaissent »dès que les sunlights s'éteignent et que les hommes les méprisent ! Mais surtout et cela est vertigineux : la même histoire se reproduit d'une génération à une autre, mais en moins bien .
Hollywood fabrique du rêve mais à quel prix derrière le décor. Me too a pris racine dans ce milieu, où les spectateurs ne sont jamais conviés.
Ce récit est glaçant, ce livre important, avec une facture littéraire évidente.
Grand merci aux Edts Actes Sud et à Babelio pour cet envoi.
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critiques presse (3)
LeMonde
23 janvier 2023
L’enquête, rythmée, haletante, porte sur trois actrices qui, l’une après l’autre, ont pris la fuite, pour échapper à une sorte de malédiction familiale : Tippi Hedren qui, longtemps après les faits, a ­publié en 2016 des Mémoires précis et documentés, sa fille, Melanie Griffith, sa petite-fille, Dakota Johnson.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
23 janvier 2023
Enfant, Hélène Frappat, lectrice de Fantômette, était fascinée par les « déclarations d’absence » dans les journaux, concernant des personnes dont on n’avait plus de trace depuis dix ans.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
03 janvier 2023
De Tippi Hedren à Dakota Johnson en passant par Melanie Griffith, l’autrice documente avec fantaisie la généalogie fracassante et fracassée de trois stars hollywoodiennes.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
IL ÉTAIT UNE FOIS
Il était une fois trois femmes en fuite.
La première parvient à s’échapper.
La deuxième disparaît.
La troisième est la doublure des deux autres.
Sont-elles brunes, blondes ou rousses ?
Ça dépend.
Sont-elles liées entre elles ?
Grand-mère, fille, petite-fille: leur lien déroule le fil de trois générations.
Les fugueuses sont-elles anonymes ?
Un entrefilet, en page des faits divers, a-t-il signalé leur absence ?
Leurs visages sont célèbres dans le monde entier.
Leurs faits et gestes, connus et scrutés de tous.
Prendre la fuite, pour ces stars, relève de l’exploit.
Quitter la scène, pour ces femmes, est une question de vie ou de mort.
Trois femmes disparaissent.
Trois générations d’actrices.
Sous le regard d’une détective, leur disparition devient une métaphore.

AU COMMENCEMENT
2021.
Bureau de la détective.
Quelle est l’identité des trois disparues ?
Car, explique la détective qui écrit des romans, il en va de même pour tout le monde: qu’il s’agisse des personnes de la vie réelle ou des personnages de fiction, tout récit commence par le choix d’un prénom.
La première femme se prénomme Nathalie.
Nathalie est née le 19 janvier 1930.
Son père, qui l’a nommée Nathalie, juge pourtant ce prénom trop important pour un tout petit bébé.
Comme le père de Nathalie est d’origine suédoise, il surnomme sa fille Tupsa, puis Tiffs, puis Tippi, diminutif affectueux de petite fille en suédois.
C’est ainsi sous le prénom de Petite fille que la première disparue devient célèbre, à l’adolescence, en offrant son visage aux couvertures de magazines de mode.
La deuxième femme est la fille de la première.
Elle naît le 9 août 1957.

Sa mère la nomme Melanie.
En 1963, quand la petite Melanie a cinq ans, sa mère interprète l’héroïne d’un film qui va faire d’elle une star.
Le personnage qui rend Petite fille mondialement célèbre se prénomme Melanie.
Au générique, le prénom de la star naissante est encadré de deux apostrophes : ‘Tippi’. Le réalisateur décrète que les apostrophes enserrant ‘Tippi’ marqueront sa possession.
La troisième femme est la fille de Melanie, et la petite-fille de Tippi.
Elle est née le 4 octobre 1989 et se prénomme Dakota.
Le 29 janvier 1992, Melanie a raconté à l’animateur de télévision Johnny Carson, dans son émission The Tonight Show, comment elle avait choisi le prénom de sa fille:
“Un de vos enfants s’appelle Dakota. D’où vient ce prénom ?
— On aimait ce prénom.
— C’est un nom indien ? Qu’est-ce qu’il veut dire déjà ?
— «Amitié, ami.» Et d’ailleurs cette amie qui travaille pour nous, Diane, avait choisi ce prénom pour son futur enfant qu’elle n’avait pas encore eu. Alors on lui a volé ce prénom, si bien qu’elle a dû appeler son fils Jackson, parce qu’on avait pris Dakota !”
Sur le plateau de télévision, dans sa robe toute blanche, parsemée de volants, Melanie s’agite sur son siège, détourne la tête, dérobe son visage, ponctue son récit de gloussements. On dirait une petite fille qu’un adulte vient de surprendre en train de faire une bêtise.
La détective se demande si Melanie désigne chaque membre de son personnel par la périphrase “cet ami qui travaille pour nous”.
“Vous avez volé le nom d’un fœtus qui n’était pas encore né ? Elle vous a révélé le prénom qu’elle allait donner à son enfant et vous l’avez volé ?
— Elle nous l’a offert !
— Et maintenant elle a été obligée d’appeler son enfant Jackson.”
Dakota, l’“amie”, est née d’une trahison amicale.
Dès sa naissance, elle arrive en deuxième, après l’enfant que la bonne de sa mère, Diane, enceinte, avait rêvé de voir grandir sous ce prénom.
Dakota est le remake d’un enfant-fantôme, d’un récit mort-né.
La troisième femme de cette histoire est une doublure.
La troisième actrice de ce livre va s’illustrer dans un remake.
Son prénom désigne la langue regroupant les dialectes des tribus amérindiennes – ces tribus, également nommées “Dakotas”, qui appartiennent à la nation sioux.
Son prénom, volé à la langue indienne, raconte une usurpation.

GUEST STAR
L’enquête commence le jour où la détective revoit un feuilleton de son enfance: Super Jaimie.
Quand elle était petite, au milieu des années soixante-dix, elle n’était pas particulièrement fascinée par la blondeur sportive de Lindsay Wagner, qui incarnait “la femme bionique”. Pourtant, retrouver ces épisodes à l’âge adulte produit une étrange surimpression. Elle avait oublié qu’afin de figurer la vitesse surhumaine – cybernétique – de Super Jaimie, la mise en scène ralentissait sa course.
Pour qu’une fille coure vite, faut-il la ralentir ?
La détective fait défiler les épisodes indiscernables dont l’intrigue compte peu, hypnotisée par le décor californien, moins urbain que celui de sa série adorée, Drôles de dames, qui a inspiré sa vocation.
Plus Lindsay Wagner part en chasse d’un ennemi invisible que son oreille bionique détecte, plus elle quitte la ville. Le ralenti produit l’effet d’un travelling contemplatif, baigné dans la lumière des collines de L.A. où la détective s’est promenée uniquement au cinéma.
Dans un épisode de la première saison diffusé en 1976, Super Jaimie est chargée par la propriétaire d’une réserve d’animaux sauvages d’enquêter sur le kidnapping d’un lion. La détective visionne la scène plusieurs fois. Elle est intriguée par le sentiment de déjà-vu que suscite l’apparition de la guest star.
*
Elle a déjà vécu ce genre d’expérience. Un dimanche après-midi de son adolescence, plongée dans un feuilleton interminable, elle se souvient vaguement, comme dans un rêve ou un cauchemar, d’une jeune orpheline – pareillement interprétée par Lindsay Wagner –, dont le destin oscillait entre pauvreté et richesse, Amérique et Vieux Continent. Là encore un personnage secondaire l’intriguait.
En arrière-plan de ce soap, rythmé par les changements de costumes qui en disaient plus long sur l’intrigue que le scénario, une vieille femme lui rappelait quelqu’un. La spectatrice passa l’après-midi à tenter de percer l’énigme de ce visage, jusqu’au générique final où ses yeux incrédules virent apparaître un nom: Gene Tierney
La vieille femme triste, promenant sa silhouette alourdie dans l’ombre du soap qui avait englouti son dimanche, était la star de Hollywood qu’elle avait contemplée sur les écrans des salles du Quartier latin où sa mère l’emmenait. C’était ce visage dont la beauté insoutenable avait hanté les villas gothiques des films de Joseph L. Mankiewicz et Otto Preminger.
*
La détective n’a pas besoin d’attendre le générique de Super Jaimie pour reconnaître, dans les traits à peine vieillis de l’élégante blonde vivant parmi les fauves en liberté, l’héroïne des Oiseaux et de Marnie d’Alfred Hitchcock.
En 1976, treize ans après la sortie des Oiseaux, et sa mystérieuse disparition du grand écran, non seulement Tippi Hedren n’est pas morte – aux yeux d’un spectateur, tout acteur qui a cessé d’apparaître ne l’est-il pas? –, mais elle paraît en grande forme. Son élégance moderne éclipse en quelques plans le style godiche de la joggeuse bionique Lindsay Wagner.
C’est un choc.
D’abord de découvrir que la star hitchcockienne a disparu, non de la surface de la terre, mais de celle des écrans de cinéma – telle une proche parente qu’un secret de famille prétend défunte, alors qu’elle poursuit son existence mystérieusement interdite dans la clandestinité.
Et simultanément, d’entrer chez elle. Car la détective apprend que le ranch, encerclé de pins parasols et d’énormes animaux à fourrure, est la vraie maison dans laquelle, en 1976, la mythique Tippi Hedren s’est réfugiée après avoir déserté les studios hollywoodiens.
*
Une scène des Oiseaux a imprimé dans sa mémoire l’aura de la femme blonde qui donne la réplique à Super Jaimie.
Devant le porche d’une maison de ville californienne, Tippi Hedren – ou plutôt Melanie Daniels, nom qu’Alfred Hitchcock a choisi pour son personnage –, la chevelure platine tordue en chignon, arpente l’asphalte sur ses escarpins en python, balançant son sac en crocodile sur son bras couvert de vison.
Lorsqu’elle découvre, sidérée, Tippi caressant, en 1976, ses propres lions et tigres sans aucune appréhension, la détective se souvient du corps de Melanie, enseveli, sur ordre du maître Alfred Hitchcock, sous les dépouilles de plusieurs parties de chasse.
Treize ans après la sortie des Oiseaux, Petite fille a grandi et jeté ses peaux d’animaux morts pour se réfugier dans sa maison tout en bois.
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C'est au grenier que les maris bigames des romans gothiques enferment leur femme "folle" (Jane Eyre, Charlotte Brontë). C'est au grenier que l'épouse "parfaitement belle" du "si laid et si terrible" Barbe Bleue ne peut s'empêcher de monter, découvrant le sang caillé, dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (La Barbe Bleue, Charles Perrault). C'est au grenier que sont dissimulés les bijoux de la femme que son mari bigame rend folle pour la dévaliser (Gaslight, George Cukor)
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Au rez-de-chaussée de la maison de Mitch, tout le monde dort. Melanie décide de monter au grenier. C'est au grenier que les maris bigames des romans gothiques enferment leur femme "folle" (Jane Eyre, Charlotte Brontë). C'est au grenier que l'épouse "parfaitement belle" du "si laid et si terrible" Barbe Bleue ne peut s'empêcher de monter, découvrant le sang caillé, dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (La Barbe Bleue, Charles Perrault). C'est au grenier que sont dissimulés les bijoux de la femme que son mari bigame rend folle pour la dévaliser (Gaslight, George Cukor)
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Cinq ans, c'est l'anniversaire de Mélanie Griffith, à qui Alfred Hitchcock offre une petite boîte en sapin en forme de cercueil contenant une poupée qui reproduit, dans le moindre détail, coiffure comprise, le corps miniaturisé de sa mère vêtue du tailleur vert amande des Oiseaux.
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Les Grecs racontent que le Cyclope naît dans la cavité du cœur humain, bouillonnante de fureur. L'œil mort de Colombo est une grotte où le flic aux chaussures sales, à l'imperméable froissé, à l'antique bagnole, dissimule sa rage contre les puissants qu'il finit toujours par enfermer.
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Vidéo de Hélène Frappat
Guillaume Erner revient sur le Complément d'enquête visant les comportements de Gérard Depardieu auprès des femmes, sur et en dehors des tournages. Comment le cinéma français a-t-il évolué face aux violences sexistes et sexuelles depuis le lancement du mouvement #MeToo en 2017 ?
Guillaume Erner reçoit la journaliste Marine Turchi qui a enquêté pour Mediapart et a recueilli de nombreux témoignages accusant Gérard Depardieu de violences sexuelles.
Ainsi que la romancière et essayiste Hélène Frappat, qui vient de faire paraître un essai intitulé "Le Gaslighting ou l'art de faire taire les femmes", une réflexion en forme d'enquête qui se situe à la croisée du traité féministe, de la critique et de la philosophie politique.
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