Mais ce jour s'étirait sans fin devant elle, vaste et informe.
Son souvenir revenait la turlupiner, refusait de la lâcher. telle un caillou pointu coincé dans sa chaussure, qu'il a blessait à chaque pas.
- C'est assez étrange. Comme un rêve, admit Frida. le genre d'histoire qui n'arrive qu'aux autres.
Sinon....je ne sais pas .Elle marche , ajouta-t-il , inutilement.
- Elle marche ?
- Quand elle rumine un truc , quand elle a un problème et besoin de réfléchir , elle marche, pendant des heures .Toute la nuit .
- Elle va où?
- Partout .
Il pleurait : elle l'entendait à présent , des sanglots inconsolables. Christine tirait sur son bras sans ménagement, les traits durcis. Sans réagir à sa détresse, elle le remorquait derrière elle comme s'il n'était qu'un poids à déplacer. " Maman, maman , maman " ne cessait-il de répéter , le bras tendu derrière lui, tirant de son côté pour qu'ils reviennent sur leurs pas, le visage tout chiffonné mouillé de larmes.
Frieda demeura immobile et les regarda disparaître [...] Ses poings étaient serrés, son coeur aussi .
Quant à Ethan, il ne pouvait faire valoir ses droits. Il pouvait toujours se mettre à l'abri sous la table dans son petit univers, il avait dans la vraie vie une mère proche de l'effondrement, un père blessé et empli de colère et une nounou dure, qui le traitait de " vilain garçon ".
L'idée formait une sorte de brume qu'elle ne parvenait pas à percer et elle la laissa repartir dans les profondeurs de son esprit. Elle l'y repêcherait plus tard.
Frieda avait pour habitude d'organiser ses journées. Même quand elle se reposait, c'était de manière méthodique ; elle réservait du temps pour les amis, ou pour dessiner dans son petit atelier sous les combles. Mais ce jour s'étirait sans fin devant elle, vaste et informe.
Elle se rappela qu'au temps où elle était encore étudiante, l'un de ses professeurs avait dit : " Si tu ne peux résoudre un problème, alors trouve un problème que tu puisses résoudre. "
- Ne jamais poser de question dont on ne détienne déjà la réponse .