An Ugly Truth

++ UNE SALE VÉRITÉ : LA BATAILLE DE FACEBOOK POUR LA DOMINATION ++

Sur la première page de couverture de l'ouvrage une photo de Mark Zuckerberg, sur la quatrième page de couverture la promesse du même Mark Zuckerberg aux auteures qu'il va faire un effort pour faire mieux ("I will work to do better".)
La photo en 4e de couverture est celle de Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook au salaire de 30,8 millions de dollars l'an.

L'ouvrage de Sheera Frenkel et Cecilia Kang est le résultat d'interviews avec plus de 400 personnes pendant plus de 1000 heures. Les 2 journalistes d'investigation, respectivement pour le New York Times et le Washington Post, se sont spécialisées dans la cyber sécurité et ont reçu plusieurs prix, parmi lesquels le "Gerald Loeb Award for Investigative Reporting" en 2019.

"An Ugly Truth" est sorti aux États-Unis le 13 juillet dernier et existe déjà en Espagnol ("Manipulados") et en Portugais ("Uma verdade incômoda"), une version française suivra sûrement très vite.

Avec tous les respects que je dois à Sheryl Sandberg, qui est une dame d'une intelligence rare et une féministe de valeur, c'est sa rencontre avec Zuckerberg à Noël 2007 et sa nomination peu après comme chef des opérations (COO) et donc la numéro 2 de Facebook, qui a transformé ce réseau social en une machine à sous.
L'auteure du best-seller "En avant toutes" de 2013 peut se vanter de l'exploit d'avoir contribué grandement par ses initiatives à une société dont la valeur est estimée à 800 milliards de dollars, en 2020.

Si Mark Zuckerberg, à l'âge de seulement 37 ans, a réussi son coup de connecter 1,7 milliard de personnes, il est regrettable que les profits gigantesques ont entraîné pour sa création des impératifs qui hypothèquent le charme initial de son entreprise.

Ce sont essentiellement l'abondance de messages venant de débiles fanatiques, tels des militants d'extrême droite, et des explications savantes de politiques à la Trump, qui m'ont fait fuir ce site.

Comme l'expliquent les auteures, ce n'est pas uniquement une simple histoire d'algorithmes qui est allée de travers ("gone wrong"), la vérité est bien plus complexe. C'est ce que Sheera Frenkel et Cecilia Kang analysent et approfondissent dans leur ouvrage de 333 pages, 14 chapitres, notes et un index des mots-clés clairement présentés.

Parmi les grands travers de Facebook signalons le non-respect des données personnelles et les éternels pubs. Ce n'est pas un hasard si Sheryl Sandberg avant de rejoindre Facebook, en mars 2008, venait de Google où elle s'occupait déjà des opérations internationales et de publicité et le goût de Google pour les messages publicitaires est bien connu et je présume pour beaucoup d'entre nous une source courante d'irritation.

Le duo Zuckerberg et Sandberg sont bien d'accord sur un point : la lutte pour une position dominante et le pouvoir à tout prix. Les exemples sont légion : le rachat de concurrents comme WhatsApp en 2014 pour 16 milliards de dollars, la génuflexion en 2016 devant Donald Trump, des prises de positions contestables comme l'écartement de Facebook de certaines organisations kurdes pour ne pas perdre le marché turc d'Erdogan, le scandale de Cambridge Analytica en 2018 etc.

Pour ce qui est de bannir Trump, il aura fallu que le grand concurrent Twitter le fasse bien avant et sans la comédie d'une réunion du "Conseil de surveillance", à savoir les sages de Facebook !

Je ne fais ici que mentionner très sommairement quelques aspects problématiques de cette colossale plateforme, ce que les auteures développement par contre avec grand soin, témoignages et chiffres à l'appui.

Sheera Frenkel et Cecilia Kang se montrent plutôt pessimistes sur l'avenir de Facebook, parce qu'elles estiment que des améliorations importantes et nécessaires venant de Facebook lui-même sont peu probable vu les énormes bénéfices de leur système algorithmique.

Personnellement, je regrette la tournure que Facebook a prise et qui m'empêche d'avoir accès à certaines sources d'information, par exemple certains auteurs que l'on peut uniquement joindre par cette plateforme.

An ugly truth fournit une passionante plongée dans les entrailles de Facebook. le livre explique comment, afin d'augmenter la durée d'engagement de ses utilisateurs, le groupe de Zuckerberg se voile la face sur les dégâts causés par la propagation des fake news, le soda addictif des reseaux sociaux. Il permet de décrypter aussi le fonctionnement, certes imparfait du rôle inquisiteur du pouvoir legislatif americain. On regrette parfois le ton militant des auteurs mais les faits exposés sont suffisamment explicites et graves pour que l'on perçoive combien l'enjeu de la modération de la liberté d'expression arrive aujourd'hui à maturité. Aux legislateurs de s'en emparer afin de limiter des dommages plus importants à l'avenir pour les regimes democratiques et les droits humains.