Citations sur Psychologie des foules et analyse du moi (81)
... je n'aime pas céder à la pusillanimité. On ne sait jusqu'où on peut aller dans cette voie ; on commence par céder sur les mots et on finit parfois par céder sur les choses.
... d'où il suit que les hommes ne prennent pas toujours au sérieux leurs grands penseurs, alors même qu'ils font semblant de les admirer.
« Si saint Christophe supportait le Christ et si le Christ supportait le monde, dis-moi : où donc saint Christophe a-t-il pu poser ses pieds ? »
On est ainsi préparé à admettre que la suggestion (ou, plus exactement, la suggestibilité) est un phénomène primitif et irréductible, un fait fondamental de la vie psychique de l'homme. Tel était l'avis de Bernheim dont j'ai pu voir moi-même, en 1889, les tours de force extraordinaires. Mais je me rappelle que déjà alors j'éprouvais une sorte de sourde révolte contre cette tyrannie de la suggestion.
Toutes les explications qui nous ont été proposées par des auteurs ayant écrit sur la sociologie et sur la psychologie des foules se réduisent, au fond, quoique sous des noms différents, à une seule, à celle qui se résume dans le mot magique suggestion.
En ce qui concerne la production intellectuelle, il reste entendu que les grandes créations de la pensée, les découvertes capitales et les solutions décisives de graves problèmes ne peuvent résulter que du travail individuel,accompli dans la solitude et le recueillement.
Nous nous sommes servis, à titre d'introduction, de l'exposé de M. Le Bon, parce que, par l'accent qu'elle met sur le rôle inconscient de la vie psychique, la psychologie de cet auteur se rapproche considérablement de la nôtre. Nous devons toutefois ajouter que ses affirmations ne nous apportent rien de nouveau.
Au point de vue fonctionnel, les tendances sexuelles entravées ont un grand avantage sur les non-entravées. N'étant pas susceptibles d'une satisfaction complète, elles se montrent plus particulièrement capables de créer des attaches durables, alors que les tendances sexuelles directes subissent, après chaque satisfaction, une grande baisse de niveau, et dans l'intervalle qui s'écoule entre cette baisse de niveau et une accumulation de libido sexuelle, l'objet auquel on était attaché antérieurement peut être remplacé par un autre.
C'est donc par le mythe que l'individu se dégage de la psychologie collective. Le premier mythe était sûrement d'ordre psychologique : ce fut le mythe du héros. Le mythe explicatif de la nature ne serait survenu que plus tard. Le poète, qui a fait ce pas pour se dégager par l'imagination de la foule, sait cependant, d'après une autre remarque de M. Rank, y revenir dans la vie réelle. Car il s'en va à droite et à gauche, pour raconter à la foule les exploits que son imagination attribue au héros. Ce héros n'est, au fond, que lui-même. C'est ainsi qu'il se replonge dans la réalité, tout en élevant ses auditeurs à la hauteur de son imagination. Mais les auditeurs, qui connaissent le poète, savent s'identifier avec le héros dont ils partagent l'attitude, pleine de désirs irréalisés, à l'égard du père primitif.
L'hypnotiseur se prétend en possession d'une force mystérieuse ou, ce qui revient au même, le sujet attribue à l'hypnotiseur une force mystérieuse qui paralyse sa volonté. Cette force mystérieuse, à laquelle on donne encore communément le nom de magnétisme animal, doit être la même que celle qui constitue pour les primitifs la source du tabou ; c'est la force même qui émane des rois et des chefs et qui met en danger ceux qui les approchent (Mana). Comment l'hypnotiseur, qui possède cette force, la manifeste-t-il ? En ordonnant à la personne de le regarder dans les yeux; il hypnotise d'une façon typique par le regard. Mais c'est précisément J'aspect du chef qui est pour le primitif plein de dangers et insupportable, de même que plus tard le mortel ne supporte pas sans danger l'aspect de la divinité. Moïse est obligé de servir d'intermédiaire entre son peuple et Jéhova, parce que son peuple ne pouvait pas supporter la vue de Dieu ; et lorsqu'il revient du Sinaï, son visage rayonne, parce que, comme chez le médiateur des primitifs, une partie de la Mana s'est fixée sur lui.