« Moi seule, et c'est assez ! » : par cette affirmation, la terrible Médée répond à sa confidente qui lui demande ce qui lui restera une fois son forfait accompli. Deux siècles après Corneille, Balzac reprend ces mots pour les mettre dans la bouche de la coquette duchesse de Langeais. Cette citation devient ainsi l'expression d'un égoïsme forcené qui, pour une part, caractérise nos sociétés contemporaines parfois taxées d'individualisme.
À l'opposé, on entend le slogan scandé par des groupes de toute nature - rassemblements sportifs, associatifs, politiques, etc. - : « Tous ensemble ! ». Ces deux exclamations expriment deux comportements que chacun de nous peut ponctuellement ou durablement adopter.
C'est tantôt l'individu qui s'impose, avec ses enjeux personnels, ses impératifs identitaires, ses désirs égoïstes ; c'est tantôt le groupe qui permet d'exister, de se construire dans une collectivité, une communauté. La langue française saisit la totalité selon deux pronoms indéfinis à la valeur bien différente : « chacun » rend compte d'un ensemble sur un mode distributif quand « tous » ne saisit le groupe que de façon indistincte.
Si l'individu court le risque de se diluer dans le groupe, d'y perdre son originalité et sa liberté, inversement la société lui permet de maîtriser ses passions, de réguler ses excès et le groupe lui donne la puissance de l'action collective. En parlant d'une même voix, en unissant les énergies, le groupe gagne en cohérence et en efficacité. Le collectif est ainsi un moteur dans les domaines politiques, économiques, sociaux et artistiques. Aujourd'hui, les structures participatives, associatives, coopératives, mutuelles, donnent l'avantage à des usages partagés.
Comment conjuguer des forces et des intérêts divers dans une action et une existence communes, mais aussi, comment respecter les particularités d'individus, de personnes essentiellement singulières ?