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DE CHARYBDE EN SCYLLA...

À tout seigneur, tout honneur : entamons cette trois cent trente-huitième critique par des remerciements d'usage - mais délivrés avec la plus grande sincérité - pour Babelio d'abord, sans qui je n'aurais eu le plaisir un peu adolescent de découvrir ce livre. Pour Mnémos, enfin, qui fait un travail remarquable en direction des littératures dites (avec un mépris à peine caché, parfois, hélas) "de genre", SF et Fantasy au premier chef. Les remercier donc pour cet envoi du dernier opus de Mathieu Gaborit et de son premier tome de la Cité exsangue dans le cadre d'une Masse Critique spéciale.

Ceci étant, tâchons d'entrer dans le vif du sujet. Vif, c'est d'ailleurs l'un des qualificatifs les plus précis qui définirait l'ensemble de ce roman. Mais reprenons au commencement, si vous le voulez bien :

Sans nul doute, les lecteurs habituels de Mathieu Gaborit retrouveront-ils avec un infini plaisir un petit héros - petit n'étant pas ici qu'une formule stylistique puisqu'il s'agit du farfadet sans doute le plus célèbre de ces vingt dernières années dans l'univers de la Fantasy -, le dénommé Maspalio d'Abyme, Prince-voleur à la retraite (de son propre chef) ayant rejoint les Abysses emplies de démons afin d'y couler ses derniers jours en solitaire. Las ! Il s'en sera fallu d'une simple lettre pour que tout bascule dans l'existence trop bien rangé de ce sympathique personnage. Une lettre, oui ! Mais de celle qu'il a toujours aimée, sans jamais avoir eu le courage vrai de risquer la vie avec elle. Elle, c'est Cyre, une lutine qui bouscula jadis la vie de débauche de notre héros. Elle qui lui enjoint de revenir au plus vite dans l'ébouriffante cité de la République-mercenaire parce qu'un certain orphelinat est en danger, parce qu'elle a des choses à confier à son ancien compagnon qui ne peuvent s'expliquer que de vive voix...

Seulement, cela fait dix longues années que Maspelio n'a remis les pieds en Abyme et le moins que l'on puisse en dire c'est que tout ou presque y a changé... ou est en train d'être définitivement bouleversé.

Dès l'arrivée de son personnage principal aux portes de la citadelle, l'auteur saisit son lecteur par la manche - ainsi qu'on le fait lorsqu'on n'a pas de temps à perdre en palabres inutiles - et ne le quittera plus un seul instant des presque deux cent cinquante pages qui vont suivre. Il serait vain de vouloir en donner un résumé plus précis, à moins d'en dévoiler la trame secrète, sans le talent de conteur de Mathieu Gaborit. En revanche, on peut sans peine ajouter qu'on y croise tout une théorie de personnages directement surgi de ce qu'il est coutume d'appeler "Le Petit Peuple", si bien documenté par ce cher Pierre Dubois, "elficologue" de son état.
Ainsi, une jeune lutine nommée Mèche, fille de la fameuse Cyre précédemment mentionnée, et qui accompagne une grande partie de ce roman trépidant, passant tour à tour du rôle de sauveteuse à celui moins évident d'otage ; une terrible ogresse dont le destin va se trouver entremêlé - emberlificoté serait presque plus exact - à celui de Maspelio, à son corps très défendant est-il indispensable de le préciser ? ; ainsi que tout un peuple de monstres, de géants, de nains, de lutins, de religieux fanatiques, de "gros" mis violemment au régime, de joueuses de scie musicale, de démon des basses et hautes sphères des Abysses, tout ce petit monde se retrouvant lié, tous contre un seul semble-t-il au commencement. Il s'avérera que les choses sont bien plus complexes, comme de bien entendu, ce premier volet s'apparentant à une espèce de rite initiatique, d'examen de passage violent et déroutant, possiblement mortel même, dont notre farfadet est le cobaye aussi involontaire qu'intensément réactif.

Si la Cité décrite dans cet opus est sur le point de devenir exsangue, c'est à dire, permettons-nous de le rappeler, ce qui définit quelqu'un ou quelque chose ayant perdu beaucoup de sang, qui n'est plus irrigué par lui ou, pour les mêmes raisons, qui est très pâle, voire, au figuré, vidé d'énergie, de force, de vitalité, il n'en est en rien de même pour cette histoire flamboyante, emportée, enthousiaste, d'une mobilité quasi perpétuelle et envoûtante, à l'instar de ces personnages totalement imaginaires auxquels, pourtant, on se prend à croire sans aucune peine, sans aucune hésitation. Bien sûr, il n'est pas question ici de faire acte de profonde psychologie, ni de développer d'intenses réflexions personnelles destinées à bouleverser l'ordre des choses. de toute manière, l'action y est tellement prépondérante que cela laisse peu de place à d'inutiles réflexions. Mais La Cité exsangue, dont on peut d'ailleurs affirmer sans mal qu'elle est l'autre personnage principal du récit, est d'un tel ravissement - celui comparable à ceux de l'enfance - d'une telle énergie et d'une telle richesse imaginative que, même sans être le plus grand lecteur de fantasy qui soit et, mieux encore, sans jamais avoir lu d'autres ouvrages de Mathieu Gaborit (ce qui sera bientôt corrigé !) on se laisse totalement emporter par ce style à la fois simple mais vrai, agréable et direct qui ne fait sans doute pas dans la fioriture stylistique mais qui sait invariablement atteindre son but : emmener le lecteur là où il le faut, sans ennui, sans temps mort - et, plus délicat : sans le prendre pour un gogo -, en le faisant passer par toutes sortes de couleurs inconnues, originales, fantasmagoriques pour lui décrire un monde foisonnant, impossible mais vraisemblable dans sa douce folie !

Bien que d'une écriture un peu moins précieuse et baroque que celle d'un Philippe Jaworsky, on retrouvera dans ce premier volet un peu de la fougue virevoltante de Gagner la guerre, par exemple. Certaines scènes urbaines ne seront pas non plus sans évoquer l'univers complexe de l'Empire Ultime de Brandon Sanderson, principalement lorsque le Prince-voleur fait appel à ses savoirs démoniques. On pourrait sans doute passer en revue bien d'autres références, exactes ou fantaisistes, mais il nous faut rappeler cette évidence que La Cité exsangue est l'un de ces ouvrages qu'il y a quelques paires de décennies l'on aurait situé dans de la très bonne, non : de l'excellente "littérature populaire" (ce qui n'est en aucun cas dégradant, bien au contraire, pourvu que cela soit créé avec honnêteté, sincérité et beaucoup de plaisir d'écrire. C'est ici assurément le cas), avant même de l'enfermer dans tel ou tel genre, plus précis sans nul doute, mais l'éloignant d'un autre public envisageable et moins spécialisé.

Voilà donc quelques - trop courtes - heures passées à rêver, à sauter, à trépigner, à bagarrer, à survivre et à rêver en compagnie d'un petit farfadet, qui se sont, trop vitement achevées mais que l'on espère retrouver bientôt, très, très bientôt !
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Après dix ans passés loin d'Abyme, voilà que Maspalio se voit forcé de sortir de sa retraite à la demande de son ancienne amante et amie, Cyre. Grisé à l'idée de retrouver enfin celle qu'il considère toujours avec orgueil comme SA cité, le farfadet vieillissant ne tarde toutefois pas à déchanter. D'abord parce qu'il n'est de toute évidence pas le bienvenu ,et a un mal de chien à ne serait-ce que pénétrer dans la ville. Ensuite, parce que le souvenir qu'il avait gardé de la flamboyante Abyme n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle est devenue aujourd'hui... Près de vingt ans après « Agone » et « Aux ombres d'Abyme », Mathieu Gaborit signe avec « La cité exsangue » son grand retour dans les Royaumes crépusculaires et renoue pour l'occasion avec l'un de ses héros les plus emblématiques : le farfadet Maspalio. Si je n'ai pas encore eu l'occasion de me pencher sur ces deux oeuvres phares (même si cela ne saurait désormais tarder), j'ai malgré tout déjà pu découvrir quelques textes de l'auteur, dont plusieurs nouvelles justement en rapport avec cet univers (réunies pour certaines dans le très beau recueil « D'une rive à l'autre » réédité en poche il y a deux chez Hélios). En dépit de mes connaissances lacunaires, j'ai donc tout de même décidé de me lancer à la découverte de ces « Nouveaux Mystères », qui constituent le prélude à une nouvelle série consacrée à la ville d'Abyme. Et grand bien m'en a pris ! Car si avoir connaissance au préalable du passé de Maspalio et de la cité est évidemment fortement conseillé, le fait de ne pas avoir lu les précédentes oeuvres de l'auteur ne gêne pour autant en rien à la compréhension générale du texte (même s'il est évident que les connaisseurs seront mieux à même de déceler et d'apprécier toutes les références qui grouillent dans le récit).

Cette nouvelle incursion dans la célèbre cité est certes un peu courte (deux cent cinquante pages) mais elle s'avère amplement suffisante pour apprécier à la fois la flamboyance de l'univers de l'auteur et la qualité de sa plume. le récit est mené tambour battant et ne nous offre que très peu de moments de répit : l'auteur nous plonge dans l'action dès les premières lignes et ne nous en sort qu'à la toute dernière page, dont on émerge un peu hébété de se voir sortir si brutalement d'une aussi agréable immersion. On ne s'ennuie donc pas une seconde, d'autant que l'intrigue est ponctuée de rebondissement savamment orchestrés qui viennent constamment renforcer l'intérêt déjà bien aiguillonné du lecteur. le dynamisme du récit est encore renforcé par la qualité de la plume de l'auteur qui se fait tour à tour incisive ou poétique. Les dialogues sont particulièrement savoureux et le bagou dont fait preuve Maspalio, quelque soit la gravité de la situation dans laquelle il se trouve, participe sans nul doute à le rendre immédiatement sympathique (quitte à parfois lui jouer de vilains tours...). Difficile en effet de ne pas se prendre d'affection pour ce farfadet certes arrogant mais qui compense ses travers par un sens de la dérision à toute épreuve et par une vision sans concession et non dénuée de charme de ce que devrait redevenir sa cité. Ses retrouvailles mouvementées avec cette dernière vont évidemment être l'occasion pour Maspalio de renouer avec un certain nombre de connaissances que les lecteurs assidus identifieront sans doute avec plaisir. le fait de ne pas les avoir déjà rencontré n'empêche en tout cas pas de les apprécier, quand bien même la plupart d'entre eux ne font qu'une brève apparition dans le récit. Les nouveaux arrivants ne sont pas en reste, et remplissent parfaitement leur rôle, qu'il s'agisse de la jeune et combative Mèche ou de la redoutable et rancunière sénéchale.

Outre la qualité de la plume de l'auteur, ce qui fait avant tout le charme du roman reste incontestablement son univers. Car Abyme est sans aucun doute l'une des cités les plus marquantes qu'il m'ait été donné de visiter lors de mes pérégrinations littéraires. Il faut dire que l'amour presque démesuré que le protagoniste porte à sa ville ne tarde pas à devenir contagieux. Au fur et à mesure des déambulations de Maspalio dans les différents coins et recoins d'Abyme, on s'émeut et s'émerveille en symbiose avec le personnage de la beauté de tel lieu, ou des souvenirs qu'évoquent tel autre. La Grande Place de la ville fait notamment forte impression, avec ses auberges mobiles évoluant au rythme des courants de la foule et ses géants-taxis, de même que le quartier des Milles Portes et les délices qu'il promet, ou encore celui du Lierre, protégé par son immense mangrove. Cette affection communicative que le héros porte à la cité nous rend d'autant plus insupportable les changements constatés par la Cure, cette entreprise d'assainissement impulsée par l'Acier et qui se manifeste par une expulsion des démons, un récurage en règle de la cité et de certaines de ses institutions, et surtout par une mise au pas des Gros et de leur mode de vie jugé dévoyé. le joyeux bordel qui caractérisait l'Abyme d'autrefois a ainsi peu à peu laissé la place à l'ordre d'une ville aseptisée et dépourvue de tout ce qui faisait son exubérance. Autant dire que ça ne convient pas à notre farfadet, et par conséquent à nous non plus ! le roman fourmille d'idées plus originales et plus astucieuses les unes que les autres, à commencer par les créatures du vaste bestiaire convoqué ici par l'auteur qui mêle lutins, ogres et géants traditionnels à des méduses, des minotaures, des devanciers (un petit air de « Minority Report »), des Advocatus Diaboli, ou encore des Salanistes (illustrées sur les rabats par Julien Delval). Bref, voilà un auteur qui a de l'imagination à revendre !

Que vous ayez déjà eu l'occasion d'arpenter les rues d'Abyme aux côtés de Maspalio ou non, vous ne pouvez pas passer à côté de ces « Nouveaux Mystères d'Abyme » qui marquent le grand retour de Mathieu Gaborit dans les Royaumes Crépusculaires et le début d'une nouvelle série de fantasy éminemment prometteuse. Un univers foisonnant, des personnages hauts-en-couleur, une plume soignée et poétique, une intrigue passionnante : les raisons de vous plonger dans ce premier tome ne manquent pas et devraient ravir tout bon amateur de fantasy qui se respecte. Un gros coup de coeur !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Quelle belle découverte ! Avec ce titre, je découvre pour la première fois la plume de Mathieu Gaborit et je ressors conquise ! Un grand merci à Babelio et aux éditions Mnémos pour cet envoi!


En participant à cette masse critique je ne savais absolument pas que le tome 1 de "La cité Exsangue" était une suite des sagas "Les royaumes crépusculaires". Je ne connaissais même pas de nom ces ouvrages, ni l'auteur pour être honnête. (oui, je sais, vu la belle réputation de l'auteur que j'ai lu sur la toile c'est la honte. Vous pouvez me lancer des tomates…lol).
Mais le gros, très gros, avantage de ce nouveau cycle, c'est qu'il peut se lire complètement indépendamment de ses prédécesseurs. Je n'ai rencontré aucun problème de compréhension, même si il est vrai que j'aurai souhaité avoir davantage de détails ou d'explications sur certains points. Je pense notamment à l'Acier par exemple, mais je suppose, et même ne doute pas, que des précisions sont présentes dans les ouvrages précédents.


Mathieu Gaborit a su me convaincre avec son texte très bien écrit au vocabulaire riche et adapté. L'auteur utilise des termes justement choisis autant pour les descriptions que pour les dialogues : l'immersion est totale. Si j'ai un tout petit détail à relever, c'est la répétition un peu trop présente du terme "coudée". Cette unité de mesure se fond parfaitement dans l'univers de Mathieu Gaborit mais j'ai trouvé qu'elle était souvent (trop souvent ?) répétée.
Hormis cela, je tiens à souligner la formidable imagination de l'auteur. Ce tome 1 de "La cité exsangue" est une superbe mise en bouche. Un premier volume introductif duquel je suis ressortie un peu frustrée de ma lecture (car presque trop court), mais aussi très curieuse de connaître la suite. Mais surtout, désormais, j'ai terriblement envie de découvrir les précédentes aventures de Maspalio!


Maspalio, protagoniste principal, est un personnage qui a su me toucher. J'ai été impressionnée du charisme de ce si petit homme… Particulièrement respecté de toutes ses anciennes connaissances, ce farfadet a de la personnalité et un sacré caractère ! Pour un "prince des voleurs" il a un sens du devoir et un honneur à toutes épreuves. Il m'a beaucoup ému lorsqu'il évoque Cyre, j'en avais des frissons de ressentir une telle profondeur de sentiments vis à vis de l'amour de sa vie (car ne nous mentons pas, c'est bel et bien l'amour de sa vie). Ce héros imparfait (j'ai aimé cela!), a également un attachement très fort pour sa cité. Tellement que ça en est émouvant. Je suis d'ailleurs particulièrement curieuse de savoir pourquoi il s'est exilé pendant 10 ans…?


Je me pencherai sans aucun doute sur les précédentes oeuvres de Mathieu Gaborit afin de lever le mystère sur mes interrogations (d'autant qu'une intégrale vient de sortir). J'ai hâte de lire les aventures précédentes de Cyre et Maspalio. On sent qu'un lien fort unit ces deux protagonistes. Leur attachement a l'air d'être basé sur le respect et la confiance. Ils ont beaucoup d'estime l'un pour l'autre et j'ai été touchée par cette relation qui n'est pourtant qu'évoquée dans ce tome 1... Mèche est pourtant la seconde protagoniste principal de cet ouvrage et pourtant c'est l'histoire de Cyre qui m'attire particulièrement. En parlant de Mèche (dont la révélation ne m'a pas surprise…) et de Cyre, j'ai adoré le lien qu'évoque l'auteur entre les lutins et leur arbre, j'ai trouvé cela très poétique !


En conclusion, c'est un univers riche que Mathieu Gaborit propose. Préparez-vous à croiser des créatures de tous genres (lutins, farfadet, Ogre & cie), à être émerveillé et ému avec un rythme régulier et des touches d'humour que j'ai particulièrement apprécié !

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Un titre que je n'ai pas du tout aimé. le peu de pages a fait que je ne l'ai pas abandonné. Je suis malheureusement restée complètement hermétique à l'histoire et aux personnages, me désintéressant complètement de ce qui s'y passait.

C'est dommage. L'idée d'un héros farfadet, vieillissant, au passé tumultueux, de retour dans sa cité, m'intriguait. Mais la sauce n'a pas pris.
J'ai la sensation que ce récit prend ses racines dans d'autres récits qui me sont inconnus. Si c'est le cas, cela a forcément joué sur ma compréhension de l'univers. La faute est mienne, je n'avais qu'à mieux me renseigner lorsque je l'ai acquis en salon.

Un titre qui a sûrement déjà trouvé son public. Je n'en fais juste pas partie.
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Se plonger dans La Cité exsangue, ce n'est pas seulement, pour le lecteur qui découvre en retard l'univers de Mathieu Gaborit (c'est mon cas), être entraîné dans une errance tour à tour héroïque, burlesque, dramatique, au fil d'un récit faussement débraillé, en réalité très habilement agencé; ce n'est pas seulement effleurer un univers baroque, à la fois familier (des géants, des lutins, des démons, des ogres...) et dépaysant au possible (toutes les créatures mentionnées apparaissent sous un jour nouveau, étonnant), un monde qui grouille de créatures et d'usages disparates, qui plus est en constante évolution.

C'est aussi goûter le plaisir d'une phrase à la fois vive et charnue, rythmée et ouvragée, volontiers canaille sans perdre une allure aristocratique. Une rencontre possible entre grand public amateur de récits prenants (les rebondissements sont légion, les personnages dessinés avec netteté) et lecteurs attachés à la singularité d'un style qui charrie grossièretés joyeuses et formules inédites, qui confinent à la poésie.

En soi, le principe de la narration n'est pas follement nouveau: un anti-héros tout à fait charismatique et filou, d'apparence cynique mais sentimental à ses heures, Maspalio, conte avec la gouaille qui le caractérise ses mésaventures au sein de la sombre cité d'Abyme, qu'il a quittée trop longtemps et dont il découvre le nouveau pouvoir, bien trop rigide et répressif à son goût de farfadet anarchiste. Mais au lieu de se laisser aller aux facilités d'une voix cocasse ou de l'amertume d'une société qui s'enferme dans les procédures administratives aliénantes, Mathieu Gaborit s'amuse à réunir les contraires, sans trop se soucier du bon goût mais avec un sens de la cohérence interne remarquable. Il s'agira bien d'une cité "exsangue", avec toute l'atmosphère crépusculaire qui va avec (le long supplice des "Gros" est particulièrement saisissant, la dépouille suspendue du Maître-géant etc., tout un monde extraordinaire voué à disparaître), mais constamment vivifiée par des formules toniques et inventives.

"De l'ardeur, du mordant", demande-t-on au vieux Maspalio qui pourrait céder à l'abattement. L'ardeur et le mordant, voilà bien deux vertus qui ne font pas défaut au roman. Au détour d'une phrase, le lecteur, loin d'être tenu par la main pour suivre un sentier prévisible, est invité à faire un pas de côté, voire à sautiller. Par exemple, il est question dans les premières pages d'une ogresse absolument hostile et répugnante, mais qui tout à coup, à la faveur de la clarté du soleil déclinant, voit sa peau devenir aussi appétissante qu'"une brioche au sucre".

On peut craindre un moment de devoir suivre un personnage certes sympathique, mais fatigué, dépassé par les événements, réduit à fuir et à tout comprendre avec un train de retard. Là encore, l'auteur évite de l'enfermer dans la passivité avec une spectaculaire séquence finale qui nous donne à voir les toits d'Abyme, quartier après quartier, dans une course étourdissante où enfin ses talents d'invocateurs sont à l'honneur. Un véritable morceau de bravoure qui ouvre sur une invitation à une suite - procédé qui d'habitude m'exaspère (je n'aime pas du tout les "cycles"), mais qui là me fait trépigner d'impatience. Et en attendant, je vais lire avec une gourmandise certaine les récits de l'Abyme d'avant.
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Le texte de Mathieu Gaborit dévoile deux pépites flamboyantes, attachées l'une à l'autre comme les deux tenants d'une fusion symbiotique, l'âme souffrant de mille maux. Il s'agit de la chatoyante et voluptueuse cité des ombres, Abyme, d'une part, et d'un revenant, farfadet de son état, Maspalio.

Ce n'est qu'après dix ans d'absence que l'ex-Prince des voleurs remet les pieds dans sa ville chérie. C'est donc à travers son regard que nous découvrons les rues, la taille des quartiers et les ambiances nouvelles. Seul son jugement, comparant les deux périodes, nous donneront des indices sur l'ampleur des changements, ainsi que leur nature.

Pour les novices, et nouveaux touristes, une brève description d'Abyme s'avère nécessaire. Sachant d'avance que je ne rendrais pas grâce ni à la plume, ni à la créativité de Mathieu Gaborit car la ville en soi est un personnage attachant et haut en couleur.

Abyme est une perle, loin d'être un symbole de pureté, elle possède l'attirance d'un joyau unique, merveilleux, doux et corrosif à la fois. Tumultueuse et impétueuse, elle le fut il y a quelques années, alors que démons et autre engeance infernale circulaient librement dans ses artères. Aujourd'hui, elle conserve sa perméabilité aux forces chaotiques des enfers, mais l'Acier l'aseptise doucement mais sûrement, effaçant toute velléité démoniaque, éradiquant sa personnalité, détruisant son ADN, bref, annihilant son âme même…

Les ogres, les gros, les lutins, les farfadets et les hommes qui se côtoient habituellement dans ces rues, se retrouvent anémiés mentalement, surveillés par l'Acier qui exige une pureté aussi bien de l'esprit que du corps. Ainsi, ce qui faisait sa particularité, les excès de vitalité, la gourmandise, les chamailleries ne sont que souvenirs. Les pas feutrés ont remplacé les joutes verbales, alors la cité semble vivre au ralenti… au bord du gouffre, à moins qu'elle n'attendent que l'étincelle apte à rallumer la flamme de ses passions.

Maspalio vous invite à visiter Abyme, un cité unique où le danger n'a d'égal que la fascination pour les lieux. Entre deux coups de pinceaux, une cavalcade, un moment d'empathie, vous passerez par de multiples émotions. La plume de Mathieu Gaborit est à la hauteur de cette magnifique cité, menacée de déclin par les adeptes de l'eau de javel. Qui gagnera, la passion ou le conformisme ?

critique bien plus complète sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2018/0..
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Hier, j'ai ouvert Abyme II le Retour.

Ce faisant, il y avait autant d'inquiétude que d'impatience dans les battements de mon coeur.
Je m'explique:

J'aime énormément le travail de M. Gaborit. J'ai commencé à lire ses livres il y a 20 ans (Wééé, je sais, allez vous faire voir) et je suis tombé profondément amoureux du style de cet auteur. Ça ne m'empêche pas d'être critique par rapport à tout ce qu'il a écrit et il a sorti des séries qui m'ont moins fait rêver, voir m'ont laissé sur ma faim. Seulement Abyme, c'est un peu le Graal de cet auteur, un livre que chacun reconnaît comme étant une référence dans le monde du fantastique, un monument à la gloire d'une cité, un mélange savamment dosé de policier et d'aventures matinées de magie et de romance. Un opus presque parfait. J'écoutais il y a peu un artiste musical qui expliquait sans malice qu'un auteur sortait un voir deux tubes exceptionnel au cours de sa carrière, quelques autres intéressants et que le reste était souvent médiocre.
Abyme, c'est le tube de Gaborit.
Aussi, lorsqu'on t'annonce que l'auteur prend le chemin du retour dans cet univers, tu ne peux t'empêcher de frissonner. de plaisir d'abord, parce que tu te rappelles des émotions qu'a créé chez toi la lecture de ce bouquin, mais de crainte également en pensant qu'il puisse se planter et abimer (haha) les souvenirs qu'il te reste de tes aventures dans ce monde.

Pour parodier, le résumé de la quatrième de couverture pourrait être celui-ci :
“Maspalio revient à Abyme et il n'est pas content”.
Presque. Sauf que.

Sauf que c'est écrit avec une force extraordinaire, un emploi du verbe et une construction diabolique qui t'entraîne et te bouscule, qui souffle et fait danser l'imaginaire du lecteur comme peu savent le faire. Sauf que c'est pas juste un retour, c'est un chamboulement immense. L'auteur n'hésite pas à bousculer ce qu'il a créé pour mieux te tordre les tripes, t'amener à pleurer au rythme des découvertes de Maspalio, et t'interroger sur l'avenir de cette magnifique cité. C'est magnifique de puissance et de ravage, c'est beau et ... crépusculaire. Loin des poncifs, Gaborit n'a pas hésité à retravailler son univers pour mieux le distordre et le corrompre. Il ne s'est pas contenté de reprendre sa cité, il a avancé une histoire dans des quartiers qui n'avaient pas été décrit dans les premières aventures, il s'est enfoncé dans les tréfonds de sa création pour continuer l'oeuvre toute en la naissant différente. Il y a tant de reproche à faire à ceux qui prennent leur univers et se contentent de recopier une fois qu'ils ont trouvé le filon. Ici l'auteur prend des risques et des gros. C'est un effort qui mérite d'être salué tant il surprend le lecteur et le pousse à avancer plus avant pour comprendre où l'écrivain veut l'amener.

J'ai un peu douté, je l'avoue sans honte; et j'ai l'horrible bonheur de m'être fourvoyé. J'ai ouvert le bouquin à 11h00, hier. Il était terminé quelques heures plus tard, sans que j'ai pu m'en défaire, sans que je ne me sois lassé, sans que je ne me sois rendu compte que je dévorai le volume en laissant dangereusement, la fin arriver. J'ai ris et eu mal au coeur, j'ai senti une boule d'angoisse envahir ma gorge; le texte a pris le pas sur mon intellect pour faire naître des émotions subtiles, un mélange terrible de joies et de peines, de peurs, de rires. le frisson est bien présent: on suit sans peine le retour du farfadet dans cette nouvelle errance. C'est la dernière charge d'un cavalier, celle pour l'honneur, la rédemption; le dernier sursaut d'orgueil d'une créature de légende qui se bat pour sauver l'avenir et les principes auxquels il tient, c'est beau, c'est grand. Et c'est d'autant plus magnifique qu'on craint que ce ne soit inutile. C'est un western fantastique et surtout ce que j'ai lu de mieux depuis un bon moment.
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Le prince voleur Maspalio s'est retiré dans les Abysses n'ayant pas voulu être l'artificier d'Abyme. Mais sa bien aimée Cyre va lui faire changer d'avis et notre farfadet flamboyant va revenir à Abyme. Mais il va débarquer dans un monde qui ne ressemble plus à celui qu'il a quitté. Les Liturges de la Cure et les Agents de l'Acier ont un contrôle total sur la ville. Il va se trouver confronté à la Mufle puis apprendre rapidement que Cyre a été tuée. Il va devoir se réfugier dans le quartier des Lutins mais ne tardera pas à être emprisonné, trop prétentieux il va devoir en rabattre, difficile pour lui d'être humble. Et pourtant il n'a guère le choix s'il veut découvrir pourquoi la jadis belle cité d'Abime où se côtoyaient jadis mortels et démons est devenue cet enfer. Qui va mener la rébellion contre l'Acier?

Des personnages hauts en couleur, un univers sombre et crépusculaire, un héros improbable, touchant et flamboyant malgré sa déchéance.
Intéressant cet auteur que je découvre avec ce livre.
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Je suis terriblement embêtée.
Comme la pluie dégorgeant encore et encore un champ bien embourbé
Comme le vent glaçant qui siffle au plus fort le jour où on ne s'est pas assez habillé
Je n'ai pas du tout aimé.
J'en suis tristesse.

Je ne sais pas si c'est que je n'avais pas la tête à ça, si la magie cette fois sur moi n'opéra [lyrique] pas, mais j'ai trouvé déjà les dialogues pour la plupart affreusement inutiles, laids et plats. Les personnages, pour qui les rencontre une première fois, trop rapidement esquissés pour s'y attacher.
Abyme m'avait conquis (surtout à sa première lecture). La magie des scénettes, de l'instant, la poésie de cette ville, telle un Monstre-Fée, aussi repoussante qu'obsédante, son peuple, mélange de démons et danseurs de divers acabits ; bref tout ce qui m'a charmé dans le premier tome, je ne l'ai pas retrouvé ici.
Ou plutôt si parfois ça remontait dans les arbres, leurs liens aux lutins, quelques phrases, mais j'ai trouvé ça noyé, dans une action qui parfois n'était pas clairement expliquée (l'acier et ce en quoi il a transformé Abyme me semble encore bien obscur) (j'aime visualiser mes univers de lecture) ; noyé dans des palabres (j'y reviens encore) qui n'avaient pas lieu d'être.

Serait-ce qu'Abyme, comme le monde imaginaire, ait décidé de me fermer ses portes au nez ?
Et oui, tristesse.
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Aux portes de la ville d'Abyme se tient Maspalio. Après 10 ans d'exil loi de cette ville qu'il chérit tant, le farfadet ancien Prince-Voleur, est de retour à la demande d'une amie très chère. Cependant, alors que Maspalio s'apprête à retrouver une ville dont il connait le fonctionnement par coeur et qui lui ressemble, il est stoppé net dans son élan à la porte d'Abyme ! A partir de ce moment, le retour à Abyme va ressembler à un long chemin de croix pour Maspalio entre désillusions et incompréhension. le farfadet va devoir naviguer à vue dans cette ville en pleine transformation qui n'est plus que le fantôme de la ville de sa jeunesse.La cité exsangue de Mathieu Gaborit, premier tome du cycle Les nouveaux mystères d'Abyme, c'est avant tout deux personnages. Deux personnages incroyablement liés, une symbiose aussi étonnante que discordante et qui frappe le lecteur dès les premières lignes. Entre Maspalio et Abyme, l'histoire a été longue et profonde et la séparation surement déchirante. Quand Maspalio décide de revenir dans cette ville qui a gravé sur lui sa marque, la prise de conscience des changements qui se sont opérés est violente pour la farfadet. A partir de ce point, l'auteur n'aura pas de pitié pour son héros qui subira de plein fouet les conséquences de son retour et cela jusqu'à toucher le fond de la plus froide geôle d'Abyme.
Les mots de Mathieu Gaborit m'ont littéralement transporté à Abymes aux cotés de Maspalio avec ce récits écris à la première personne. Une fois les premières lignes lues, qu'il a été difficile de refermer la cité exsangue ! Je n'ai d'ailleurs mis que deux jours pour arriver au bout des quelques 250 pages et je peux vous dire que vu mon rythme de lecture en ce moment avec un bout de chou de 8 mois, c'est limite un exploit ;) Tout ça pour vous dire que je me suis laissée prendre par la découverte d'Abyme, j'ai cherché à voir par les yeux de Maspalio, à retrouver l'histoire de cette cité aux mille facettes. Durant ma lecture, j'ai aussi compris que je n'aurais surement pas toutes les clés pour comprendre les blessures de Maspalio et les transformations d'Abyme et qu'il faudrait que je sois patiente pour que la cité se dévoile à moi au fil des pages. Mais également que je ne pourrais pas comprendre tout les détails avec ma seule lecture de ce premier tome.
La plume de l'auteur, je l'ai trouvé à la fois dure et poétique à l'image de cet univers esquissé avec talent. Un monde en nuances de gris où des pointes de couleurs vives apparaissent quand s'entrouvre devant nous une fenêtre sur l'Abyme de Maspalio. Une fantasy noire donc mais qui cache de nombreuses merveilles et qui même quand elle nous emmène dans le plus profond désespoir, arrive sans retournement de situation fantasque, à nous faire entrevoir une autre issue. J'ai aimé ce récit où l'auteur nous décrit autant qu'il nous suggère cette cité complexe et riche, mystérieuse et cosmopolite, où farfadet, lutin, trolls et nains se croisent et se heurtent dans une danse dont seule Abyme semble capable.En bref, un très gros coup de coeur pour une plume, un univers et des personnages fabuleux. Je sens que pour le moment je n'ai fait que toucher du doigt l'impressionnant univers créé par Mathieu Gaborit mais je suis pourtant sous le charme. Les retrouvailles de Maspalio avec sa cité ont été rudes mais également pleine d'émotions et le lecteur en ressent d'ailleurs un panel impressionnant : entre appréhension, peur, colère, joie et émerveillement il n'y a pas de temps mort émotionnel. En 250 pages, l'auteur nous propose un livre bouillonnant, avec une foule de personnages charismatiques et un environnement hallucinant de diversité. Que vous dire d'autre ? Je ne sais pas si ce livre est la meilleure entrée dans l'univers de Mathieu Gaborit mais je peux vous assurer qu'il vous offrira une expérience marquante. Un magnifique moment de lecture pour un récit mâtiné de Dark Fantasy incroyablement riche et magiquement bouleversant. A découvrir ? absolument !
Lien : http://chutmamanlit.blogspot..
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