Ce livre a été un grand bonheur de lecture et j'en conserve la trace.
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Sans doute seras-tu étonné par cette pizza linguistique. L’explication est pourtant simple. Elle est contenue dans De Vulgaris Eloquentia, l’un de mes plus importants écrits théoriques. Dans cet essai que j’ai rédigé au début du XIVe siècle, je reconnais que la langue d’oil est la plus adéquate pour écrire en prose vulgaire (« Allergat ergo pro se lingua oïl quod proper sui faciliorem ac delectabiliorem vulgaritatem quicquid redactum est sive inventum ad vulgare prosaycum, suum est… »), tandis que la langue d’oc et, en particulier, la langue du sí (le toscan, auquel je me permettrai d’ajouter, avec le recul que me donne cette réincarnation, le castillan) sont les plus appropriées à la poésie. Donc, dans cette nouvelle Comédie tout ce qui concerne la poésie est écrit soit en italien (toscano), soit en espagnol (castellano), et tout ce qui concerne le récit en prose est rédigé principalement en français, et parfois en anglais, langue du iö (ja ou yes), hypocritement romanesque mais excellente pour englober et occulter tout type d’obscénités. N’aie pas peur, lecteur. Aujourd’hui toute hôtesse de l’air parle plusieurs langues. Alors toi, intellectuel de haut vol, tu peux faire pareil. Toutefois, pour le cas où tu ne pourrais lire qu’une seule langue, je te laisserai en bas de page quelques notes qui renvoient à mon œuvre, surtout à ma première Commedia, dont le texte sert de guide à celui-ci et, en quelque sorte, de langue de référence à toutes les autres. C’est une façon inédite d’écrire et de lire qui se situe – enfin ! – au-delà du roman, mais ce n’est pas plus compliqué que de jouer avec un hypertexte sur un ordinateur, tu en auras vite la confirmation.
A Temuco j'étais toubib dans une société américaine qui exploitait les merveilleuses forêts vierges disséminées autour du lac Huili-pilun,près du volcan Villarica. Métis et parlant l'araucan,j'avais été embauché pour soigner l'alcoolisme des Indiens qui travaillaient dans les scieries.Je devais également,de temps à autre,me rendre dans les familles des cadres américains pour faire face à quelques urgences médicales....... C'est ainsi que j'ai connu Béatrice,splendide blonde aux yeux verts originaire de New York,dont la beauté dépassait par sa sensualité celle de Béatrice Portinari,mon grand amour florentin d'autrefois.
Quitte à t’agacer ou à te décevoir, il vaut mieux – lecteur – que je te dévoile tout de suite mon secret : je ne suis pas du tout celui que l’on croit. Non. Je suis bel et bien Dante Alighieri réincarné et cette histoire que tu commences à lire est une nouvelle Divine Comédie.
Bien sûr, je te dois quelques précisions. Moi-même j’ai eu beaucoup de mal à accepter le fait, ma réincarnation s’étant produite, naturellement, dans un autre corps et dans une ville située aux antipodes de ma Florence aimée. Ce fut à Temuco, capitale de l’Araucanie, dans la région australe du Chili (où la langue officielle est l’espagnol et le dialecte des Indiens du coin, l’araucan), que de nouveau je vis le jour. Ne sachant pas un seul mot d’italien, et pour cause, j’ai dû surmonter bon nombre d’obstacles pour réaliser que j’étais Dante Alighieri, cela va sans dire ! Et pour couronner le tout, lorsqu’enfin j’ai eu la révélation de ma véritable identité, non seulement je ne savais rien de métrique, de prosodie, de poétique, mais je n’avais même pas lu La Divine Comédie, mon étonnant chef-d’œuvre écrit au début du XIVe siècle, à l’époque où j’étais Florentin.