Les fleurs

L’odeur du café lui donne envie de prendre un café, ça se comprend, le café n’est bon qu’au café.

J'avais deviné qu'elle était médecin, ça m'excitait, j'en étais sûr, j'avais envie de lui dire. Alors juste avant d'arriver à Metz, j'ai osé, je lui ai demandé. J'ai dit Madame excusez-moi, mais par hasard ne seriez-vous pas médecin ? Comme si on était médecin par hasard. Et elle. Elle a répondu oui, en effet, je le suis, pourquoi, vous ne vous sentez pas bien ?

Il est seul, debout. Le seul qui soit encore debout. ça le change un peu. D'habitude on le range plus volontiers dans la catégorie des types à genoux.
Il est encore un peu essoufflé, un peu intimidé. Il ne regarde personne. Il sent encore sur lui comme des regards qui traînent.
Il est le type qui est monté au dernier moment. Le type qui a gêné la fermeture des portes. Malgré le signal sonore. C'est interdit. Et dangereux. Parce que c'est interdit. Parce que c'est dangereux.

 C’est toujours quand j’ai fini d’écrire que me viennent des idées intéressantes, ce qui fait que je suis réduit à écrire des histoires comme celle-ci, pas intéressantes...

Je lui dirais voyez-vous, le rouge des fleurs de votre jupe, ça me rappelle un premier sang. Non. Si. Perpétré en plein été dans un grand champ, clairsemé, non, parsemé de fleurs, voilà, il y avait beaucoup de fleurs, ça faisait des taches, de larges taches, non, des plaques, oui, par vagues, et la brise était tiède, non, le vent soufflait en rafales chaudes, non plus, enfin bref, sous les grands coups de zeph tout le champ se vangoghisait.

On n’est jamais tranquille. On essaie, non, pas d’oublier, même pas, on n’essaie pas, on sait bien qu’on ne peut pas, on laisse faire, ça se dissipe, s’estompe, ça redevient supportable, et puis crac, sous un quelconque prétexte, non, pas un prétexte, un mot, un hasard, une couleur, le mot qui désigne cette couleur et allez, ça remet ça, on repart.

Les mêmes gens, sauf qu’ils vont dans l’autre sens, c’est toujours troublant, c’est déjà troublant de voyager avec des gens qui ne vont pas là où vous allez mais quand ils vont dans l’autre sens, c’est encore plus troublant, on a envie par-dessus la voie de leur demander qui ils sont, où ils vont.

Elle le voit venir sur elle. Elle croit qu’il lui veut du mal. C’est toujours comme ça. Quand on veut du bien aux gens. On a toujours l’air de leur vouloir du mal.

Les pensées poussent au portillon de la pensée. Elles ont envie de se faire penser par lui. Elles exigent qu’il les pense. Tout en sachant. Car elles savent. Elles savent que lui, si par malheur, bonheur pour elles, malheur pour lui, s’il regarde encore les fleurs, elles le savent, il ne pourra plus s’empêcher de penser.

Pas besoin de savoir pour penser. On serait quand même mieux sur le quai. Faudrait qu’on descende. Je peux quand même pas lui demander de descendre. Madame, j’ai quelque chose à vous dire, descendons. Ça va pas ?