J’ai longtemps cru qu’on devenait une artiste à partir d’une enfance difficile ou alors si on avait connu un drame ou bien la guerre, ou alors si on avait un don. Mais ce n’est pas ça. On devient artiste parce qu’on est sensible et parce qu’on est mal dans le monde. Ce n’est pas une question de don mais d’incapacité à vivre avec les autres. Et cette incapacité à vivre crée le don.
(Marina Abramović)
Un jour, on relève la tête et on se rend compte que les autres vivent, et que nous, on est arrêtés.
Il y avait un oiseau dans une cage, sur un balcon fleuri. Elle aurait aimé que tout le monde soit heureux. Même les oiseaux des cages. Elle aurait voulu le libérer. On dit que les captifs si brusquement relâchés ne survivent pas. De la même manière, les oisillons que l’on touche dans le nid et sur lesquels on dépose une infinie odeur humaine meurent en quelques jours.
Est-ce qu’il y a quelque chose après ? Elle a regardé le ciel. Elle l’a interrogé. Le ciel ne répond pas. Le ciel est encore plus silencieux que le père. Elle a posé sa main sur la terre. Voilà ce qui attend, et on fait comme si ça n’existait pas. On continue, presque gaiement, on croit que c’est toujours chez les autres, l’irrémédiable, dans les autres maisons, mais un jour c’est nous que ça frappe, c’est quelqu’un qu’on connaît, qui était là et qui était un peu nous et qui ne sera plus jamais là, ni ici ni nulle part. Il n’y a plus d’endroit où le chercher, aucune ville, aucune grange. Ce que l’on croyait jamais perdre est à jamais perdu. La voix, les gestes. Toutes ces choses que l’autre faisait. À la place, il reste un vide immense.
Et on est seul.
Alors on se demande si on aurait pu faire mieux. Si on a assez aimé. Si on s’est assez occupé.
Pourquoi certains paysages nous émeuvent-ils autant ? Qu'est-ce qu'ils vont toucher en nous? Quelle part sensible ?
Entravée. Empêchée. Prévisible. Elle l'a pensé, qu'elle subissait sa vie plus qu'elle ne la décidait.
Les chats ont sept vies, et au terme de la septième, ils emportent leur maître avec eux.
Une femme. Elle l'a su, à cause des mains (...) Ce serait drôle de pouvoir retrouver les visages à partir des mains.
Jeanne aimait les endroits où l'on ne va pas parce qu'on les rêve.
L'image, l'apparence, ça se contourne, et, sur la durée, les chances se répartissent autrement. A force de vouloir ressembler aux autres, on disparaît dans le paysage