Jeanne d'Arc : Jeune fille de France brûlée vive

On l'appela, mais elle fit mine de n'avoir pas entendu et, enfourchant son cheval, elle se dirigea hors de la ville, et s'arrêta en plein champ. Elle descendit lestement de sa monture, s'agenouilla, pria, puis murmura qu'elle allait passer la nuit ici, sur ce lit d'herbes humides.

Certains reconnaissaient la Pucelle, celle dont on disait dans les prêches des frères mendiants qu'elle était la fille de Dieu et qu'elle avait remporté toutes les batailles, car Dieu l'avait chargée de conduire le roi à Reims et de bouter l'Anglais blasphémateur hors de France.
Ils cherchaient à la toucher, à la retenir, mais elle donnait un coup d'éperon, s'éloignait des hommes d'armes, des archers et aussi des valets, des moines et des ribaudes que l'on rencontrait dans cette foule.
Il fut difficile de se frayer un chemin parmi ces trente mille personnes qui se pressaient dans les rues de Gien.

La guerre au service du roi Charles n'était pas seulement le moyen de retrouver la paix perdue depuis si longtemps, mais la seule ressource. On y pouvait capturer un chevalier qu'on rendait contre rançon, on pouvait piller les villes ralliées aux Anglais et aux Bourguignons, se nourrir ainsi, et le roi verserait, on l'espérait, une solde.

J'entendis le roi lui dire de sa voix cérémonieuse et douceâtre :
" J'ai pitié de vous et de la peine que vous endurez."
Il lui ordonna de prendre du repos.
Et tout à coup, Jeanne éclata en sanglots, comme si les paroles du roi, l'attention qu'il lui portait l'avaient bouleversée, à moins que ce ne fût la déception, car derrière les lèvres du roi, j'avais senti, sans doute comme Jeanne, le cœur indifférent du monarque.

Alors que ce samedi 18 juin de l'an 1429 nous chevauchions vers l'armée anglaise dont nos coureurs qui l'observaient nous disaient qu'elle comptait au moins cinq mille hommes d'armes, des archers et des arbalétriers par centaines, des chevaliers, des chariots, une avant-garde et une arrière-garde composées d'Anglais d'Angleterre prêts à se battre contre les Français jusqu'au dernier sang, je ne cessais de penser et de me souvenir de mes quinze ans, de ce 25 octobre 1415 et des sept mille chevaliers français massacrés sur le plateau d'Azincourt.

Jeanne s'est élancée, son étendard levé, criant aux hommes d'armes d'avoir bon courage. Or les gens du roi, les routiers, les capitaines et même le beau duc d'Alençon avaient reculé devant la résistance anglaise, et c'est Jeanne en se portant en avant qui les entraîna.

Je sais bien que je dois mourir, disait-elle, mais je ne sais ni quand ni comment. Je ne sais l'heure.

J'étais parmi les quelques chevaliers et écuyers qui l'escortaient et je m'émerveillais de la voir monter son destrier comme eût pu le faire un homme d'armes familier des choses de la guerre depuis sa jeunesse.

Jamais je n'avais vu tant d'hommes et aussi de femmes en proie au désir de guerre.

Elle avait parlé avec colère et presque violence, puis elle avait, comme un chef de guerre, interrogé le Bâtard d'Orléans et il lui rendait compte, lui le combattant de tant de batailles, comme si Jeanne lui avait imposé son autorité.