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Cet essai est absolument formidable. J'ai longtemps recherché un livre sur l'histoire de la société de consommation, comment et pourquoi nous en sommes arrivés là, et lorsque j'ai trouvé cet ouvrage j'ai constaté qu'il correspondait exactement à ce que je recherchais.
Anthony Galluzzo décide de retracer l'histoire de la consommation de ses débuts à nos jours, il le fait de façon clair, précise, synthétique, passionnante, abordable tout en étant très érudite.

Il commence par l'avènement du chemin de fer, évènement majeur de la transformation de la société, car comme l'explique Galluzzo le rapport à la marchandise a été totalement bouleversé par cette annihilation du temps et de l'espace, et a par conséquent engendré sa circulation massive et donc son omniprésence dans la vie quotidienne. L'auteur nous décrit ce passage d'une société rurale, où la marchandise était connu dans sa provenance, sa structure et sa composition par tous ceux qui en étaient acteurs et consommateurs, à une société où la marchandise est dénaturée, inconnue et lointaine. C'est à partir de là que les habitudes de vie ont commencé à radicalement se modifier, changeant également le rapport des individus les uns aux autres; la famille, le quartier, le village, aucune sphère n'y échappe.
On lira aussi comment le bourgeois de la seconde moitié du XIXe a été l'ancêtre du consommateur d'aujourd'hui grâce à la naissance des grands magasins initiant ce besoin de renouvellement constant d'achats purement ostentatoires comme autant de signes extérieurs d'affirmation de soi et d'identité.
L'auteur abordera ensuite l'éclosion de la publicité via les "médias de masse", son évolution, son effet sur les mentalités en créant de nouvelles normes et surtout combien à travers elle l'image s'est installée en tant que valeur suprême régissant l'imaginaire collectif et donc les règles de consommation à suivre.
Anthony Galluzzo évoquera également le changement au sein du foyer domestique et l'évolution de la famille au XXe siècle vers un noyau composé seulement des parents et des enfants, contrairement au siècle précédent, quasi totalement influencé et façonné par les normes de consommation qui peu à peu ont transformé le foyer en temple de l'objet et surtout transformé la femme en ménagère domestique censée être aidée par les technologies nouvelles mais qui lui est en réalité asservi.
L'auteur terminera l'ouvrage en évoquant la "contre-culture" apparu durant les sixties et qui finalement était complètement imprégné dans la culture consommatrice qu'ils dénonçaient, puis il finira sur aujourd'hui en décrivant que de nos jours nous avons largement dépassé la société de consommation pour atteindre une société de l'hyperconsommation.

Cet essai je le répète est absolument formidable et fascinant ! C'est sidérant de lire écrit comme cela de façon chronologique la façon dont notre société s'est pas à pas transformée de façon plus radicale qu'elle ne l'a fait depuis l'histoire de l'humanité. C'est un essai qui je trouve nous remet les idées en perspective, nous permet de nous questionner, de constater nos dérives.
Anthony Galluzzo nous livre ici un ouvrage, clair, précis, fluide et chronologique sur un sujet éminemment important.
Je le recommande vivement à tous !
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Nombreux sont les essais consacrés à l'analyse des mutations socio-économiques qui se produisirent à partir de la « révolution industrielle ». La Fabrique du consommateur appartient à cette catégorie et mérite le détour de la lecture par sa finesse d'analyse qui lui évite de tomber dans les lieux communs.


La révolution industrielle n'est pas seulement une révolution technique : elle est aussi une révolution symbolique qui implique la mutation progressive du statut de l'objet – en passe de devenir marchandise. La révolution industrielle lance la guerre des signes qui glissent sur une chaîne signifiante qui devient de plus en plus lisse – et qui parvient donc de moins en moins à capitonner le sens – puisque l'individu tourne autour d'un panneau publicitaire dont les images varient de jour en jour.


Anthony Galluzzo démythifie les autoproclamés grands manipulateurs de l'opinion publique du 20e siècle : Edward Bernays et Ernest Dichter. Ces consultants et promoteurs d'eux-mêmes ont voulu faire croire qu'ils avaient réussi à manipuler l'opinion publique pour donner des envies de consommation à de pauvres bouseux élevés dans le purin. C'est l'arbre qui cache la forêt : en insinuant que le succès de la société de consommation trouve ses inflexions innées dans la psyché de l'homme, les véritables variables, qui font le succès ou l'échec commercial d'un produit, sont écartées. Parmi celles-ci notons « le rapport de forces avec les distributeurs, qui conditionne la valorisation du produit dans les linéaires, l'importance et l'efficacité de la force de vente, les techniques de promotion, la planification des ventes, l'innovation produit, la politique de prix, le packaging », « un ensemble de facteurs hors de contrôle, au premier rang desquels la socialisation des consommateurs et les idées fortement enracinées dans leur culture », mais aussi « des facteurs sociaux et démographiques implacables. »


Tous ces facteurs agissent sur l'industrialisation croissante du monde qui conduisent à la rupture des équilibres traditionnels de la famille. L'enthousiasme des individus pour la société de consommation n'est donc pas déterminé psychologiquement, mais l'efficacité du nouveau mode de production qui se met en place à travers la spectacularisation de la marchandise – se conduisant jusqu'à sa disparition en un simulacre que représente le transhumanisme – semble empêcher tout ralentissement ou abolition du mouvement. Seule la sortie hors du discours utilisateur-marchandise qui caractérise ce mode de production pourrait empêcher sa plus extrême réalisation, c'est-à-dire la greffe de la marchandise en l'homme – l'homme-marchandise, cyborg analogique aux prothèses narcissisantes.


Optimiste quant à la suite des aventures de l'humanité, Anthony Galluzzo annonce avoir « écrit ici le début d'une histoire de la consommation ». Il espère qu'il « reviendra à d'autres, dans quelques décennies peut-être, d'en raconter la fin. » Si ce n'est pas le cas, c'est que les marchandises continueront de parler à notre place.
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Très bonne synthèse des différents travaux sur le sujet. Je reste largement sur ma faim concernant les développements récents du consommateur. Persister à voir dans la situation actuelle une simple accélération de ce qui s'est préfiguré à la fin du XXème siècle, c'est manquer l'autonomisation croissante des individus dans leurs pratiques de la consommation. C'est manquer tous les processus que mettent en place les marques et média pour conserver une légitimité dans leur vie. Il se joue quelque chose en ce moment.
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Ce livre fait partie de la famille de ceux qui s'intéressent à la formidable mutation qu'ont connu les sociétés occidentales depuis les débuts de la révolution industrielle.
Il porte le regard sur un aspect particulier des ces bouleversements : l'impact qu'ils ont eus sur les modes de circulation, commercialisation, et consommation des marchandises, et les répercutions que cela a engendré sur le tissu social.
On suit alors l'évolution de nos sociétés occidentales, de la société paysanne quasi autarcique de l'ère pré-industrielle à la situation présente. On mesure ainsi tout le chemin parcouru, comprend nombre de réorganisations sociales ; on découvre les stratégies mises en oeuvre pour accompagner ces changements, qu'elles soient actives (la concentration de la vente en grands magasins, la publicité marchande...) ou subies (la reconfiguration de la structure familiale avec notamment l'apparition de la femme au foyer). On voit comment ces différents acteurs, marchands et consommateurs, co-construisent ces évolutions sociales. On mesure ainsi la profondeur de l'ancrage de cette nouvelle architecture sociale dans nos sociétés, combien elle en détermine toutes les structures ; et cela permet de dévoiler à ceux qui voudraient changer de modèle de société la réelle ampleur du travail à accomplir.
L'auteur aborde ces questions dans un style vulgarisateur parfaitement réussi, sachant se mettre à la portée des non-spécialistes sans sacrifier la force et la précision de ses analyses. Il porte un regard de sociologue et historien, le plus neutre possible par rapport à son objet d'étude. Ce n'est donc pas un ouvrage politique, mais dont on pourra s'emparer dans une optique de réflexion politique.
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Très bon livre; intéressant, accessible, avec des sources diverses et éventuellement des ouvrages intéressants à aller lire en parallèle.
Il est intéressant de contacter qu'il n'évoque pas tant que ça les conséquences humaines et matérielles de la consommation moderne, mais qu'on sent d'une certaine manière entre les lignes. Je crois que je vais lire le mythe de l'entrepreneur du même auteur après.
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Une analyse impitoyable du pouvoir des marchands. En guère plus d'un siècle, l'organisation de nos sociétés a été totalement bouleversée. En effet, d'une économie quasiment autarcique - petites exploitations agricoles nombreuses, produisant quasiment tout sur place, et n'achetant le reste que sur des marchés de proximité - nous sommes passés à des multinationales, produisant selon des procédés que nous ne connaissons pas vraiment, dans des pays lointains, et nous livrant par conteneurs et par Amazon. Développement des transports, industrialisation de la production, spécialisation à outrance, sont les trois facteurs fondamentaux de cette révolution. Parmi les conséquences, le fait que nous ne savons plus qu'elle est la valeur-travail d'un objet: un savon en contient-il plus qu'un sandwich Mc Do?

Encore fallait-il convaincre les consommateurs de changer de mode de vie. C'est là qu'est intervenue la publicité! L'auteur analyse son évolution de manière aussi détachée qu'implacable. Faisant remarquer qu'à l'origine, simple liste détaillée des caractéristiques du produit, elle est passée à la mise en avant d'image, de la satisfaction de désirs impalpables: en sont témoins, les produits qui rendent plus belle, les voitures qui affichent le standing social... ou encore la cigarette, symbole d'émancipation féminine.

Surfant sur la peur du conformisme, les marques jouent sur notre besoin de se démarquer(*), d'affirmer une identité. L'exemple d'Apple est éclairant: dès les années 80, la sortie du Macintosh, l'entreprise est présentée comme révolutionnaire. Son but selon Steve Wozniak (l'un des deux fondateurs) est d'aider les gens du commun à s'élever au-dessus des institutions les plus puissantes.

L'auteur évoque également les premiers théoriciens de l'ingénierie sociale et de la propagande, entre autre Bernays et Gustave le Bon, plaisamment qualifié de "toutologue". Reflet de son époque, où l'élite bourgeoise est à la fois fascinée et effrayée par les foules, le Bon a indiqué que la foule est stupide, dangereuse, mais que l'on peut la manipuler. Il est plaisant de constater qu'aujourd'hui, est qualifiée "d'ingénierie sociale"... la manipulation des internautes par des escrocs!

Anthony Galluzzo nous rappelle aussi que ce monde de la consommation facile n'est accessible qu'à une petite partie de la population terrestre. La plus grande partie, affectée à la production des biens que nous pouvons acquérir, n'a pas les moyens d'en profiter.

Un monde bien sombre, et qui ne semble pas prêt à changer de modèle...

(*) calembour vaseux, mais je ne pouvais pas le rater. Comme l'écrit Galluzzo, le travail de la marque est de faire exister les différences là où il n'y en a pas, ou peu. Que l'on pense par exemple aux marques de lait, ou même de vêtements tous fabriqués en Asie dans les mêmes ateliers et dont seule l'étiquette diffère.
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Ce livre retrace le parcours qui a changé une société de paysans auto-suffisants en une communauté mondiale d'hyperconsommateurs.
le sujet est passionnant mais aurait facilement pu tourner à l'étude académique indigeste ; ce n'est pas le cas ! L'auteur a réussi à en faire un ouvrage très bien écrit et documenté, qui se lit facilement et présente une trame particulièrement logique pour ce passage d'une société de production à une société de consommation. de nombreux sujets connexes y sont abordés (l'évolution de la famille, de la femme, etc).
Une lecture riche à conseiller !
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