La vie devant soi

Momo, je ne veux pas vivre uniquement parce que c'est la médecine qui l'exige.
[...] il faut aimer.

Jusque-là je ne peux pas dire que j'étais un enfant .Encore maintenant ,quand je veux ,je peux monter à bord du voilier du docteur Katz et partir loin seul à bord. Je n'en ai jamais parlé à personne et je faisais toujours semblant que j'étais là.

Ils ont dit:"tu es devenu fou à cause de Celui que tu aimes"
J'ai dit:" La saveur de la vie n'est que pour les fous."

Je me suis fait un vrai malheur avec ce chien. Je me suis mis à l'aimer comme c'est pas permis. Les autres aussi, sauf peut-être Banania, qui s'en foutait complètement, il était déjà heureux comme ça, sans raison, j'ai encore jamais vu un Noir heureux avec raison.

La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive.

Il est venu faire la piqûre à Madame Rosa mais ça a failli mal tourner parce qu'il s'était trompé d'ampoule et il avait foutu dans le cul à Madame Rosa la ration d'héroïne qu'il se réservait pour le jour où il aurait fini sa désintoxication.

Jamais je n'ai été plus content de torcher des culs parce que ça faisait bouillir la marmite et lorsque j'avais les doigts pleins de merde, je ne sentais même pas l'injustice.

moi ce qui m'a toujours paru bizarre,c'est que les larmes ont été prévues au programme.Ça veut dire qu'on a été prévu pour pleurer.Il fallait y penser.Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça .

Et c'est là que j'ai eu un vrai événement. Je ne peux pas dire que je suis remonté en arrière et que j'ai vu ma mère, mais je me suis vu assis par terre et je voyais devant moi des jambes avec des bottes jusqu'aux cuisses et une mini-jupe en cuir et j'ai fait un effort terrible pour lever les yeux et pour voir son visage, je savais que c'était ma mère mais c'était trop tard, les souvenirs ne peuvent pas lever les yeux.

C'est moi qui m'occupais des autres mômes, surtout pour les torcher, car Madame Rosa avait du mal à se pencher, à cause de son poids. Elle n'avait pas de taille et les fesses chez elle allaient directement aux épaules, sans s'arrêter. Quand elle marchait, c'était un déménagement.