Les amoureux de Sylvia

Le pasteur de Monkshaven était un vieil homme bienveillant et paisible, qui détestait par-dessus tout les conflits et les eaux troubles de la discorde. C'était en théorie un tory véhément, comme tous les ecclésiastiques de l'époque. Il avait deux bêtes noires : les Français et les sectes dissidentes. Il était difficile de dire lesquels il méprisait et craignait le plus. Peut-être haïssait-il davantage les dernières, car il avait plus de contacts avec elles qu'avec les Français ; qui, de plus, avaient l'excuse d'être papistes, alors que les dissidents auraient pu faire partie de l'Église anglicane s'ils n'avaient été totalement pervertis. Pourtant, en pratique, le Dr. Wilson ne dédaignait pas de dîner avec un Mr. Fishburn, qui était un ami personnel et un disciple de Wesley. Mais aussi, comme disait le pasteur, Mr. Wesley avait étudié à Oxford, ce qui faisait de lui un genteleman; et il avait été ordonné ministre du culte de l'Église anglicane, une grâce dont il ne pouvait se départir.

Chapitre VI. Les funérailles du marin

Bien entendu, dans une maisonnée comme celle-là, Sylvia était toujours reçue à bras ouverts. elle était jeune, jolie et vive, et apportait avec elle un vent de fraîcheur agréable qui semblait l'entourer comme son atmosphère personnelle.

Chapitre VI. Les funérailles du marin

(...), Monshaven ressemblait à un nid de guêpes qui volaient dans tous les sens et faisaient du raffut comme jamais. Et chaque guêpe avait le dard sorti, prête à lâcher son venin dans sa rage et sa soif de vengeance.

Chapitre V. Histoire de recruteurs

L'une des fermes sur la falaise avait été achetée peu de temps auparavant par le père de Sylvia. c'était un homme qui avait beaucoup bourlingué : tour à tour marin, contrebandier, maquignon et fermier, il avait un tempérament aventureux et un goût du changement qui avaient fait plus de tort à sa famille et à lui-même que qui que ce doit d'autre. Il était de ces hommes sur le compte duquel tous ses voisins trouvaient fort à redire, mais que tous aimaient.

Chapitre IV. Philip Hepburn

Hester était une grande jeune femme peu charnue mais charpentée, que sa mine grave faisait paraître plus âgée qu'elle ne l'était en réalité. Son épaisse chevelure brune était tirée et lissée, dégageant son large front, et sagement rangée sous son bonnet de limon; elle avait un visage assez carré et un teint olivâtre, mais un grain de peau fin. Le regard de ses yeux gris, honnête et bienveillant, était très agréable; elle avait une bouche un peu pincée, comme on le constate souvent chez ceux qui ont l'habitude de contenir leurs sentiments ; mais quand elle parlait, on l'oubliait, et ses rares sourires découvraient lentement des dents blanches et régulières; quand ils s'assortissaient, comme c'était en général le cas, d'une lueur de gaieté soudaine dans ses yeux tendres, son visage devenait tout à fait charmant. Les couleurs sobres des tissus qu'elle choisissait pour ses vêtements correspondaient aux coutumes religieuses des Foster, mais Hester elle-même n'appartenait pas à la société des Amis.

Chapitre III. Achat d'un manteau neuf

En situant son roman à Whitby, Gaskell peut évoquer non seulement la marine, mais le monde rural et celui du négoce. La ferme des Robson et le magasin où travaille Philipp constituent les deux pôles entre lesquels se déroule la vie de Sylvia. Le port de Witby, la campagne environnante et les landes du Yorkshire offrent un cadre magique à l'histoire. On sent dans cette évocation l'amour de l'auteur pour la nature, présent dans toute son oeuvre.

Introduction

Gaskell montre les passions à l'oeuvre chez des gens ordinaires, et les ravages qu'elles engendrent chez ceux qui n'ont pas les mots pour les dire. Le drame de nombreux personnages du roman vient de leur manque d'éducation. ceci vaut en particulier pour Sylvia, chez qui les dures leçons de l'expérience pallient graduellement l'absence d'instruction. Avec son extraordinaire ses de la nuance, l'auteur crée des personnages tout en demi-teintes, dont on voit bien les lignes de force et les failles, les grandeurs et les limites. L'adversité les contraint à se dépasser, à porter sur eux-mêmes un regard critique et à accepter les autres dans leur complexité.

Introduction

Les évènements des Amoureux de Sylvia se déroulent entre 1794 et 1800, au moment de la guerre contre la France révolutionnaire, sous le règne de George III. L'héroine a seize ans quand s'ouvre le récit. Fille unique de fermiers des environs de Whitby (rebaptisé Monkshaven dans le roman), c'est une jolie sauvageonne insouciante, que tout semble destiner à une vie domestique à l'image de sa mère. Sylvia est aimée de son cousin, Philip, jeune homme terne et sérieux, commis chez un drapier de la ville. Philip, lui, est aimé d'Hester Rose, une jeune fille employée dans le même magasin, que l'autre commis drapier adore en silence. Arrive un beau harponneur, qui s'éprend de Sylvia et chavire le coeur de celle-ci...
A travers plusieurs triangles amoureux, Mrs. Gaskell décline le thème de l'amour frustré. Du simple dépit à l'obsession aveugle et destructrice, elle explore la gamme des sentiments engendre le rejet par l'être aimé. Le récit se déploie sur six années qui retracent la métamorphose de l'héroine. La ravissante tête de linotte de début brille par ses charmes et sa vivacité capricieuse plus que par son intelligence. Peu à peu, sous l'effet des coups du sort répétés, elle se transforme en une sorte de mère courage capable d'abnégation et d'un regard critique sur elle-même. Gaskell dépeint avec subtilité la lente construction d'un personnage fait pour la légèreté, mais qui se trempe au fil des épreuves et prend une envergure affective dont personne ne l'aurait crue capable au départ.

Introduction