Soit. Ce piquet restera planté là, comme le signe du pardon que tu fus trop pauvre pour concéder.
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Il est trop tard, maintenant. Il faut juste pardonner. Nous offrir cela l'un à l'autre : c'est le présent des pauvres qui n'ont rien d'autre à s'échanger.
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Regarde moi. Regarde bien mon visage. Est-ce qu'il te semble que c'est là le visage de la vie ?
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Le jour est lent et la chaleur épaisse comme un nuage de poussière. Les femmes autour d'elle s'affairent, nerveuses comme des oiseaux aux premières lueurs du jour.
J’ai satisfait les plaisirs du fils, on me congédie. Ils m’ont appris à saigner. Je vais leur apprendre à pleurer.
Je parle aux cailloux. Certaines nuits, je pousse de grands cris pour faire danser les étoiles.
Elle sait, elle, que la vie se soucie peu de la volonté des hommes, qu'elle décide à leur place, impose, écarte les chemins qu'on aurait voulu explorer et affaiblit ce qu'on croyait éternel.
Les journées sont vastes et n'ont besoin d'aucun mot.
Aujourd'hui, elle sent qu'il n'a plus besoin d'autres voyages. Il est prêt. Il sait ce qu'il doit savoir. Alors, lorsqu'il se tait, lorsque la nuit est tombée et que les chèvres se sont regroupées, serrées les unes contre les autres en prévision du froid qui va descendre des montagnes, elle le regarde et lui dit simplement : " Demain, nous partirons. " Elle le dit avec une voix qui ne laisse aucun doute. Il n'est pas besoin de préciser ni où ni pourquoi. Il comprend que ce qu'ils vont quitter demain, ce ne sont pas seulement ces terres de cailloux, cette vieille hutte où s'entassent des objets d'exil et les montagnes alentour, c'est leur vie même.
Ici vivait Salina qui s'éloigne, laissant derrière elle ce fatras de vie, mélange de branches et de pierres qui n'accueillera plus que le vent. Il le contemple et il est surpris de constater qu'il n'éprouve aucune tristesse à ce départ. Le reste l'attend, et il est plus vaste, plus enivrant.