On n’avait pas besoin de parler, on écoutait la mer et les oiseaux, c’était si beau ! Sans rien dire, il a commencé à me dévêtir et je me suis laissé faire. Je me suis vite retrouvée toute nue, toujours à la fenêtre et Prosper me caressait les seins. Je le sentais rempli de désir, alors il m’a attirée sur le grand lit. Nous nous sommes aimés avec une espèce de folie qui, moi, me plongeait dans une joie incroyable, comme si une nouvelle vie pleine de plaisir, de gaieté et d’insouciance se présentait à ma porte. Au retour à la maison, je me suis couchée avec, en moi, la nervosité qu’apportaient toutes ces idées.
Et petit à petit, je me suis dit que Prosper n’avait plus d’amour pour moi. J’ai mis du temps à me mettre ça dans la tête – ça fait tellement de mal – mais c’est rentré quand même, c’est devenu une vérité. Celle que je ne voulais pas voir, que je ne pouvais pas supporter. La rage s’est installée en moi. La rage d’avoir été bernée par un coureur de jupons, d’avoir espéré tant de bonnes choses et de voir tout s’écrouler, comme une carriole tombant dans le fossé. Ce fardeau-là m’écrasait de plus en plus, chaque jour, et j’avais bien du mal à faire belle figure au salon.
Et puis, la lampe, elle n’éclaire pas beaucoup. Mais j’étais sûre que c’était ça, qu’il l’emmenait sur notre canapé. Là, j’en ai pleuré des larmes, pour de bon, j’en ai passé des nuits dans le malheur, dans la peine qui me pesait sur la poitrine, dans le mal qu’il me faisait, Prosper. Et j’étais seule, à ne pas pouvoir en parler. Et puis, de toute façon, j’étais trop fière et trop malheureuse pour raconter que je m’étais fait avoir, qu’il m’avait roulée à coups de boniments.
Elle, c’est Irène, la femme à Dubus. Mais tout le monde l’appelle Belle-en-cuisse. Oh, pas devant elle, on n’oserait pas. Encore que, à bien réfléchir, c’est plutôt un compliment. Belle-en-cuisse, c’est Mahouin, le docteur qui l’a appelée comme ça. Rapport à ses longues jambes fines. Il faut dire qu’elle ne se gêne pas pour les montrer, pantalon serré, jupe moulante – tout le monde le sait, ma pauvre Irène que tu as de belles jambes, faudrait pas trop en faire quand même !
Je sentais bien que c’était la fin mais ne pouvais m’empêcher de tomber dans les faux espoirs, les illusions naïves quand il passait, en coup de vent, embrasser Mickaël et qu’il me parlait gentiment. Oh, peu de mots, juste le nécessaire, mais il n’y avait pas de tension, pas de méchancetés comme celles qu’on imagine quand on parle de séparation, d’échec. Non, c’était juste des questions de mon côté et des embarras, des fuites chez mon Raymond.