Les mannequins ne sont pas des filles modèles

Un mètre quatre-vingt, un visage d'ange, des côtes saillantes ? Si elle n'était pas mannequin, elle revenait d'un séjour sportif au Darfour.

Je composai le code, puis montai au quatrième. J'étais beau comme un abricot, sensuel comme un pêche melba, fier comme un paon, excité comme une comparaison qui ne me venait pas à l'esprit.

"Tu sais quoi, Mouss, les filles, c'est comme la vodka."
Il me regarda stupidement, le regard encore embrumé de sommeil.
- Quoi, c'est des patates fermentées ?
- Non, mais ça donne vraiment mal au crâne le matin.

Quand on a vu une chorégraphie on les a toutes vue. Après tout, il ne s'agit que de suivre des mouvements en rythme, en tentant de se montrer le plus sensuel possible. N'importe qui en était capable. Pas moi, mais c'était dû à une déficience naturelle à la naissance qui m'avait laissé avec le sens du tempo d'une épagneul atrophié.

Entre Stéphanie qui avait deux ans d'avance dans ses études de médecine et Aurélie qui déduisait en quelques secondes les raisons de ma présence, où allait le monde si les top models avaient aussi un cerveau ?

Je pris place sur un large canapé de cuir noir. Sur un mur, un écran plat diffusait Fashion Tv. De l'autre côté, je pouvais voir NRJ Hits en muet. Je me demandais vaguement quel était l'intérêt d'une chaine musicale sans le son.

Tu sais, trente ans de mariage, ce n'est pas quelque chose de facile. Comme dans tous les couples, comme au vélo, il y a des côtes, des descentes et des plats. Mais c'est les plats qui finissent pas nous épuiser. Tout doucement, insidieusement, on finit par perdre le désir, le plaisir de voir l'autre. Ce n'est plus de l'amour mais de la colocation. On s'ennuie, on se lasse, c'est humain. p.285

Je voyais. Jusqu'à maintenant, je ne m'ètais pas vraiment posé la question, mais la manière dont elle la formulait faisait remonter en moi l'ego du petit coq que tout homme a chevillé au corps. Quoi elle allait voir un autre mâle? Un rival? Je sentis mes plumes s'ébouriffer dans le vent.

Juin frappait aux portes de Paris et une chaleur caniculaire ("on n'a jamais eu aussi chaud", "il va falloir arroser nos vieux", "ya plus de saisons") avait remplacé la fraîcheur surprenante de ces derniers jours ("on n'a jamais eu aussi froid", "c'est honteux de porter un pull en été", "ya plus de saisons").

Pour ma part, je n'étais pas sûr de pouvoir presser sur la détente, mais elle avait assez de conviction pour deux. Avec ses yeux égarés, sa bouche étirée en un pli meurtrier, la position de tir qu'elle avait spontanément adoptée, je la sentais capable de faire un carton sans même se casser un ongle.