Sentir qu'on a besoin de nous est un désir profondément humain.
La terrible vérité : on fait souffrir ceux qu'on aime le plus parce qu'on les connaît trop bien. On leur fait mal avec une efficacité vicieuse.
Ce dont j'ai besoin, c'est d'une pause dans l'incertitude. Au lieu de ça, je ne ressens que fragilité. Irritabilité.
(Pourquoi est-ce si facile de tant blesser les gens qu'on aime ? Peut-être parce que nous ne connaissons que trop bien leur talon d'Achille.)
T.S Eliot disait que la plupart des gens ne vivent leur vie qu'à moitié, mais durant cette période, Elayn semblait faire partie des rares exceptions, des chanceux à l'âme débordante, qui vivent leur vie à fond.
Je n'habite pas mon corps comme il faudrait. La vraie version de moi-même se trouve ailleurs.
J'écris pour prendre le contrôle. Pour stabiliser la confusion. Ça ne marche pas. Je tourne en rond, trop mal au crâne. Partout, dans chaque recoin de mon monde : une cassure, un éclat. Mon cerveau n'est pas fonctionnel. Il est incapable d'écrire, d'avoir les idées claires. Voilà, c'est ça. C'est désespérément ça.
Le mystère de ma mère et de sa mort l'emporte sur tout le reste. Voilà. Faire renaître une femme par l'écriture. La faire revivre. Parce que je nage en pleine confusion, là.
Et j'ai besoin de coucher sur le papier ce qui s'est passé, rassembler les pièces du puzzle et en faire quelque chose de cohérent. Et aussi parce que l'écriture est mon moyen d'ancrage dans le tourbillon de la vie.
« Je veux rentrer à pied », articule l'adolescent submergé par l'émotion tout en repoussant le bras de sa mère. Il descend de la voiture en stationnement et se met à effectuer de grandes et furieuses enjambées à toute allure. « J'ai besoin d'être seul. » Je suis frappée par le gouffre qui se crée parfois entre une mère et son enfant : profond, impossible à traverser. L'impuissance d'une mère. Au moment où j'ai juste envie de le serrer contre moi. […] Son enfermement résonne alors en moi comme un reproche. p.97