Je m'appelle Dick Lapelouse et je suis tueur à gages pour les gens de peu. Ça signifie que pour éliminer les nuisibles des pauvres, j'applique des tarifs largement en deçà de ceux pratiqués pour les nantis.
J’entre, je vois cet escalier devant moi et je pense à ces romans où vous ingérez cinq cents pages de rebondissements outrageux pour l’intelligence et où, quand vous sentez arriver le dénouement, vous vous rendez compte qu’il ne reste que trois pages. Trois pages pour expliquer les cinq cents autres. C’est l’effet que me fait cet escalier.
Non, il ne chante pas bien, Peyrac ; Il chante comme Claude François. Et pour ma part, j’aurais aimé que le 15 mars 1978, dans un grand mouvement de désespoir communautaire, tous les mordus de ce nain rachitique à costumes lamés rentrent chez eux après l’enterrement et tentent à leur tour d’aller changer une ampoule avec deux pieds dans la flotte.
C’est fou ce que parler arrange les choses. Regardez notre société comme elle va mieux depuis qu’on communique à tout-va.
Croyez-en ma pratique, pénétrer nuitamment dans une chambre habitée n’est jamais agréable. Les odeurs d’hommes endormis sont pestilentielles, et ce, qu’ils soient riches ou pauvres. Celles des femmes présentent le net avantage d’être masquées par les fragrances de leurs crèmes hydratantes. Mais une pièce renfermant un vieux qui sommeille est à elle seule une expérience olfactive que rien ne dépasse.
Comme dit la femme de ménage en rentrant de vacances, je reviens à mes moutons.
c’est sans la moindre difficulté que j’accule cet homme dans l’angle de sa cuisine, sans le moindre problème que je le maîtrise et, lorsque je lui enfile un sac plastique sur la tête, il n’a même pas la force de se défendre.
Déjà époumoné par son footing de galérien, il suffoque moins de deux minutes avant de s’effondrer sur le carrelage. Aucune trace de lutte, pas d’intrusion suspecte dans les lieux, que je quitte à la nuit tombée en retirant mes gants en latex et mes surchaussures en coton.
Sur le chemin du retour, j’appelle Sonia Van Veckt. Elle pleure un peu, avant de murmurer un tout petit merci qu’elle s’en voudra peut-être toute sa vie d’avoir prononcé.
Ou pas.
Je n’en saurai jamais rien.. (p. 16)