Comment dire la beauté poignante de ce recueil de poèmes en prose de Claire Genoux ?
Comment dire sa gratitude ?
Comment dire à l'auteur que ses mots sont devenus les miens, ceux que j'étais incapable d'écrire et même de penser quand le corps de ma mère a commencé sa destruction, en avril aussi.
Ce qui est raconté, c'est donc la « séparation de la mère et de la fille ». Raconté, oui, car c'est aussi une histoire, un roman, dit Claire Genoux, entamé dans « l'absence totale des mots pour le dire. »
Commencé et écrit avec des larmes pour « que tu sois moins morte. »
La maladie, la séparation, la mort, étroitement liées aux souvenirs, au jardin, à la maison d'enfance.
« C'est comme coulé ensemble/notre vie à nous/ et sa mort à elle. »
Ecrire pour ne pas devenir folle de douleur.
« Ça pourrait rendre fou/d'avoir été abandonnée comme ça/dans le vent sec/mais fou comment. »
Une histoire universelle. Des mots si beaux, si simples, si légers, qui disent « l'étouffante douleur de se retrouver seule », des mots arrachés au désespoir, des mots justes.
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Sublime. Totalement séduite par les mots de l'auteure. Un thème délicat, la mort d'une mère, dit avec la plus grande justesse et pudeur. Lisez-ce livre, absolument.
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On ne dirait rien
on secouerait seulement la tête
et la lumière frapperait derrière les arbres
on aurait compris à la seule fraîcheur de la terre remuée
il y aurait du vent
on le verrait
il se répandrait sur nous avec la nuit
on aurait été d’abord seule à le savoir
que c’était fini
que ça s’arrêtait
le temps de la maison
ou de l’été dans la splendeur des choses
on aurait vu que ça venait
que c’était déjà sous la peau
que c’était trop de solitude à la fois trop de vide
trop de fatigue transportée
et que ça avait déjà commencé à mourir
mais on pense toujours aux choses après
Les jours qui restent
Ça devient le plus important de la vie
ces jours qui restent avec elle dans la chambre
- mais combien
ce chaud qu'il y a jusqu'au fond des os
l'immensité des arbres
le blanc broyé du temps
ça ne va plus partir
et ça va devenir notre histoire
de la perdre
dans tout ce qu'il y aura après
les livres les voyages les enfants
on pourra seulement se souvenir
comment ça avait été de l'aimer
Elle a fait ça
en écoutant le bruit du vent
des écorces des feuilles des fleurs
le printemps commençait
elle devait sentir
dans la mécanique du corps
le silence soudain du sang
elle pleurait
sans allumer les lampes
pendant deux mois
avec nous à côté d’elle
elle a fait ça
mourir