La punition qu'elle mérite

Elle avait connu cet état d’exaltation où le cerveau cesse de fonctionner pour céder les commandes au corps et où, dans l’urgence de satisfaire son désir, l’on oublie toute considération pour l’avenir. Et, ne connaissant pas d’autre mot pour qualifier cette forme d’obsession où l’attirance sexuelle occupe toutes les pensées, elle l’avait appelé « amour ». C’était ce mot-là qui était employé au cinéma, non ?

Sauf que Barbara était pourvue d'assez d'imagination, et puis elle savait compter. Pour elle, un plus un plus deux faisaient quatre, le premier 1 étant la voiture, le deuxième 1 étant l'obscurité, et le 2 étant le nombre de personnages dans la course : Ruddock et sa compagne. Ça faisait quatre, oui, et trois possibilité : 1) une conversation dans le noir à propos des problèmes économiques de l'Angleterre, 2) des aveux de fautes nécessitant la couverture des ténèbres, et 3) ce qui se fait couramment dans une bagnole, la nuit, entre un homme et une femme.

Elle a un problème et elle cherche la solution dans l'alcool. Je suis désolée, mais c'est la pure et simple vérité.
- La vérité est rarement pure et jamais simple, murmura-t-il.

A une époque où les gens de soixante- cinq ans ne sont plus considérés comme des " croulants", une femme d'une quarantaine d'années peut paraître éblouissante de jeunesse...

Ce n'est pas parce que les enfants sont adultes qu'on ne s'en occupe plus. Vous le découvrirez peut- être un jour...

Avec l’électricité qu’il y avait dans l’air, se dit Barbara, on aurait pu faire marcher un frigo pendant un mois.

Elle se fichait des prières. La seule aide sur laquelle elle pût compter se trouvait en elle.
Or les fidèles qui articulaient des mots en même temps que le prêtre croyaient en autre chose qu'en eux-mêmes. Elle aurait voulu y croire elle aussi, en cette chose, parce que, justement, elle n'avait plus du tout confiance en ses propres capacités.

- Bon, on va allumer la télé. Vous voulez passer d'abord au petit coin ?
- C'est quoi que vous me chantez là encore ? Je sais quand j'ai envie de pisser, mon garçon.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Quand j'aurai besoin qu'on me secoue la b...
- J'ai compris, merci.
(...) Il aurait été plus sage qu'il s'aide d'une canne, mais ce vieux schnock était plus têtu qu'une mule.
(p. 17)

La neige se mit à tomber sur Ludlow en fin de journée. C'était l'heure à laquelle les habitants faisaient presque tous la vaisselle, prélude à une soirée télé. A vrai dire, une fois la nuit tombée, il n'y avait pas grand-chose à faire dans cette ville, à part zapper d'une chaîne à l'autre ou prendre le chemin du pub. Et comme, bon an mal an, Ludlow et ses vieilles murailles attiraient de plus en plus de retraités en quête de tranquillité et de nuits paisibles, il ne se trouvait personne pour se plaindre du manque de distractions nocturnes.

- Elle boit, inspecteur.
Silence à l'autre bout. Puis, finalement :
- Que voulez-vous dire par "boire" ?
- Comment ça ? Vous le savez pertinemment. Elle a un problème et elle cherche la solution dans l'alcool. Je suis désolée, mais c'est la pure et simple vérité.
- La vérité est rarement pure et jamais simple, murmura-t-il.
(p. 251)