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Citations sur La pleurante des rues de Prague (60)

Elle a toujours cette allure de quelqu'un qui s'en va, de quelqu'un qui s'éloigne pour ne plus revenir, et cependant, chaque fois qu'elle paraît, elle arrive en plein cœur du témoin de son apparition. Elle avance à rebours dans le regard et la mémoire.
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Le mot enfant sonnait d'un son si juste que tout mensonge, toute violence et toute lâcheté dont on souille à foison la réalité désignée par ce mot se trouvaient aussitôt dénoncés ; la lumière la plus crue tombait sur le grouillement de crimes commis à l'égard des enfants.
Le mot enfant sonnait clair et très haut. Il exigeait justice. Il réclamait son dû : le respect, la pudeur, et un amour soucieux de l'adulte à venir, de l'adulte en lente et si fragile déhiscence. Il n'accordait aucune excuse à toute atteinte qui lui était portée.
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Les amants délaissés rasaient les murs, le front baissé, les lèvres closes, bleuies de froid. Nul ne les remarquait – on est si fade quand on chute au plus profond du malheur qu’on en devient insignifiant.
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La terre vers laquelle il nous faut sans cesse revenir, par tous les chemins, qu’ils soient de boue, de pierre, d’eau ou de ciel. Et les chemins de l’encre participent de tous ; ils sont des raccourcis. Des raccourcis en tortueux labyrinthes qui nous font déboucher, parfois, abruptement, sur la plus claire des clairières. Un instant la vie est là, et nous sommes au monde. Nous nous tenons au vif, au mitan du monde, dont il nous semble frôler enfin le sens et la pleine beauté. Un instant la vie est là, lumineuse, et le monde nous est offert. Cela ne dure pas, mais cela laisse des traces, - runes d’amour fou gravées au profond de la chair, de la mémoire, et du désir de la pensée. Runes qui longtemps, longtemps, scandent leurs chants en sourdine dans notre sang.
Ces textes-là, qui naufragent le cœur pour mieux le rendre universel, fût-ce le temps d’un battement, la géante au pied clochant les traverse de part en part. Ses pas résonnent dans leurs mots, ses larmes luisent entre les lignes.
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Elle était là, si pleinement et étrangement là, dressée dans sa majesté de mendiante, dans son silence bruissant d'un long et ténu chuchotement de larmes, dans son infinie douceur de pleurante. Elle était là, tout à fait invisible et tout à fait présente, géante immatérielle au coeur très nu et miséricordieux.
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Nous vivons de désormais en désormais.
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C'est que, sous ses grands airs, l'Histoire pue. il conviendrait de le sentir, et il importe de le dire, pour que l'on sache à quel point la douleur des victimes fait vraiment mal et que l'on n'oublie pas qu'une larme pèse un poids gigantesque.
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C'était un temps où certains hommes avaient ordonné à d'autres hommes de porter une étoile, rien qu'une étoile, à l'exclusion de toute autre chose, fût-ce leurs propres noms. C'était un temps où l'âme humaine puait vraiment comme le poil de chien mouillé, pouilleux. Mais ce temps n'est nullement révolu, il n'a jamais cessé d'être.
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A Prague, dès la fin de l’automne et pendant tout l’hiver, la brume a une odeur, et même une consistance. Certains soirs elle se fait presque palpable tant elle est dense et ocrée. Les fumées de la ville gonflent et teintent la brume, la poussière du lignite flotte dans l’air avec un goût âpre, et suave cependant. Les villes, comme les corps, ont une odeur, une peau.
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Elle est entrée dans le livre. Elle est entrée dans les pages du livre comme un vagabond pénètre dans une maison vide, dans un jardin à l'abandon ...
Le goût de l'encre se levait sur ses pas.
     
... Ses déambulations semblent mues par de secrètes urgences, et son sens de l'orientation est le plus déroutant qui soit... Elle fraye avec les morts autant qu'avec les vivants, son ouïe perçoit les plus infimes souffles, les plus lointains échos. La couleur de l'encre, mille fois séchée et ravivée, luit depuis toujours sur les traces de ses pas.
     
Elle s'est engouffrée dans le livre. C'est toujours ainsi qu'elle procède ; à la façon du vent ...
Elle marche sans jamais se retourner ...
Le vent, le vent de l'encre se lève à son passage et souffle dans ses pas.
Et le livre qui suit, n'étant composé que des traces de ses pas s'en va lui aussi au hasard.
     
... Le hasard qui préside aux apparitions de cette étrange vagabonde et qui guide ses pas de passe-muraille ne se laisse pas réduire au fortuit, encore moins au caprice. Il y a tant de gravité dans cette femme errante, tant de patience et d'endurance ...
Le vent, le vent de l'encre qui souffle dans ses pas fait se courber, se balancer les mots, déracine des images qui demeuraient enfouies dans la mémoire à la limite de l'oubli, et par avance effeuille les pages du livre qui ne peut être que fragmentaire, inachevé.
     
     
(Prologue, 1 & 2. Éd. Gallimard coll. Folio, pp. 15-18)
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