Citations sur Le monde sans vous (27)
dire ton nom est plus dur que soulever une pierre. Il ne me reste qui'un seul souci sur terre, un souci d'or : porter le poids du temps
les mots ce sont des chiens d'aveugle. Je les entends venir leur odeur les précède.
Un atlas amoureux est forcément extravagant, illustré de cartes et de planches qui ne respectent pas toujours la bonne échelle, jouant des disproportions, surlignant certains lieux, en estompant d’autres, exaltant certains noms, en minimisa nt d’autres. C’est un imprécis de géographie personnelle.
Car c'est toujours à notre insu que se soulève et s'éploie la mémoire, portant d'un coup le coeur à la plus vive incandescence de la tendresse, de la douleur, du chagrin.
Oui, mère, petite Henriette de France, tu es loin de nous tous, tu es loin de Paris, tu es loin de ta vie. Tu es dans les régions du Loin. Bien plus loin même que la Sibérie. Tu es, tu vas, dans l'absolu du Loin.
Tu t'éloignes de ta fin, et c'est un commencement.
On ne connaît même pas l'étendue de sa propre mémoire, et encore moins quelles failles la crevassent, quels courants souterrains la traversent, quel magma éruptif y sommeille. Mais l'intuition poétique peut y donner accès, parfois, comme l'avait compris et expérimenté Ossip Mandelstam, qui comparait la poésie à une "charrue qui affouille le temps afin d'en faire émerger les couches profondes, le tchernoziom".
L'inconnu est double, où je lâche mon regard et mes mots : celui, géographique, de l'immensité sibérienne, et celui, radical, de la disparition.
Toi, ma mère, ta chambre funéraire est étroite, sans aucun faste, ton vêtement est simple, et pour tout bijou , tu portes quatre brins de muguet sur la poitrine.
« La terre est un énorme fablier, illustré d’images réelles et plus encore d’images fictives et virtuelles. Mais toutes sont en relation, le réel et l’imaginaire transhument sans cesse de l’un à l’autre, se colonisent mutuellement, tantôt s’enlacent tantôt se heurtent ; leur rivalité est à la fois ludique, amoureuse, très sérieuse, féroce, aussi féconde que meurtrière. La terre-fablier est soumise aux mêmes alternances que celles des pulsations d’un cœur. Rythme vital. »
Car c’est toujours à notre insu que se soulève et s’éploie la mémoire, portant d’un coup le cœur à la plus vive incandescence de la tendresse, de la douleur, du chagrin.