Après avoir eu deux coups de coeur successifs pour « Le Sursis » et « Le Vol du Corbeau » de Gibrat, je me réservais avec amour « Matteo » dans un coin privilégié de ma bibliothèque. Ou plus exactement... j'attendais la sortie du troisième volume pour me jeter avidement sur cette série. Que j'ai dévoré d'une traite. Les trois premières époques avalées le temps de le dire.
« Matteo » est plus axé Histoire et Politique que les deux oeuvres précédentes, si bien qu'il m'est arrivé de décrocher par moments. Cependant, je suis toujours aussi émue par les histoires humaines et sensibles de Gibrat, et époustouflée par son dessin, soigné, puissant et coloré, qui parvient à traduire à merveille différents lieux, différentes époques et ambiances. On passe des tranchées sanglantes des années 1914 – 1915 à la Russie Révolutionnaire de 1917, avant de retrouver la France insouciante de 1936, alors que plane la menace nazi et débute la guerre civile d'Espagne.
Dans cette grande fresque historique et romanesque, nous suivons le personnage de Matteo, un jeune homme idéaliste que la vie n'hésitera pas à malmener. Nous le suivons dans son besoin de se sentir utile, d'agir, de se faire une place dans le monde. Sa personnalité va se forger au fil de ses expériences, bonnes ou mauvaises, et c'est un personnage qui évoluera, prendra consistance sous nos yeux. Matteo est terriblement humain, bourré de qualités et de défauts, et si nous nous émerveillons de ses nobles idées, de sa force de caractère, nous nous agaçons de le voir parfois si obstiné et impulsif. Mais Matteo n'est pas seul dans cette histoire et il m'a été impossible de rester indifférente au charme de chacun des autres protagonistes : la belle mais maladroite Juliette, la douce et attentive Amélie, le loyal et touchant Paulin, la mère de Matteo qui cache un très grand coeur sous des airs sévères et revêches, et d'autres encore...
Dans « Matteo », davantage que dans « Le Sursis » ou « Le Vol du Corbeau », j'ai été impressionnée par la prose de Gibrat. Cet homme, non content de dessiner comme un Dieu (ou presque, allez, n'exagérons pas trop), se révèle en plus avoir une plume incroyablement belle et imagée. Il n'hésite pas à réunir poésie et ironie, duo original mais détonnant, pour évoquer de véritable horreurs, et les nombreux passages narratifs de cette oeuvre m'ont touchée par leur puissance.
Cette série très documentée et riche nous éclaire sur des périodes difficiles de l'Histoire de l'Europe. « Matteo » est un véritable puits de connaissances dans lequel le lecteur peut puiser à volonté afin d'éclairer sa lanterne. Et le fait de vivre l'Histoire de l'intérieur, via les sentiments et les émotions des personnages, nous la rend plus proche, plus familière, plus intime.
Vibrant, éblouissant, didactique et intelligent.
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