Les caves du Vatican /
André Gide
Nous sommes en 1890. Anthime
Armand Dubois, riche franc-maçon s'est installé à Rome avec sa femme Véronique. Il se livre à des expériences pseudo-scientifiques et à la suite d'événements curieux, lui le blasphémateur et iconoclaste en tout genre, décide de se convertir au christianisme jusqu'à se complaire dans une extase séraphique dans la prière, agenouillé avec son épouse. Il est abandonné de fait par la Loge ce qui le précipite dans la ruine matérielle et la déréliction.
Julius Baraglioul est marié avec Marguerite, la soeur de Véronique. Il est écrivain et vit à Paris. Son père Juste-Agenor, sur le déclin, lui fait parvenir un message afin qu'il s'informe d'un certain Lafcadio Wluiki, un fils bâtard roumain de dix-neuf ans, qui en fait n'a jamais connu son père. Celui-ci vit avec Carola Venitequa, ancienne amante de son ami Protos.
Les surprises ne vont pas tarder, car Protos est un escroc et gueusard de belle envergure et pour obtenir des fonds, se livre à un chantage sur un pseudo enlèvement du Pape qui serait enfermé sous bonne garde dans
les caves du Vatican. Déguisé en ecclésiastique et sachant user d'une discrète onction cardinalice pour abuser de la crédulité des gens pour leur soutirer de l'argent, il organise une « Croisade pour la délivrance du pape » et l'organisme aux multiples et ténébreuses ramifications se nomme le « Mille pattes ». C'est un certain Amédée Fleurissoire, mari d'Arnica soeur de Véronique et de Marguerite qui est chargé de la transaction et se rend à Rome, pendant que Julius va aussi à Rome pour un congrès littéraire. Un jeu de dupe s'installe qui peut conduire à la perte de beaucoup d'argent
La suite est dominée par le personnage de Lafcadio, maître chanteur, prisonnier de sa mystique de l'acte gratuit. Pour lui le mal peut être aussi gratuit que le bien. Haut débat philosophique ! C'est un mal que l'on peut faire par luxe, par jeu, par plaisir. Sans motif d'intérêt . Ni la passion ni le besoin ne le motivent.
« Sa raison de commettre son crime, c'est précisément de le commettre sans raison…Il est ce qu'on appelle un homme libre. »
C'est dans un vieux train italien que tout va se jouer. Que se passerait-il si Lafcadio poussait cet inconnu qui est en face de lui hors du train, comme ça, gratuitement, un crime pour rien ? Ça n'aurait aucun sens, mais c'est justement pour ça que ce serait grisant : la liberté dans l'acte gratuit... Les mécanismes de la pensée, les rouages de la décision, la teneur de notre liberté : autant d'aspects de la nature humaine qui fascinent
Gide, et qu'il traque dans toute son oeuvre, flirtant avec les frontières de l'absurde, non sans humour, mais toujours avec style et raffinement.
André Gide a qualifié de sotie ce récit paru en 1914, saugrenu et délibérément décousu. D'une partie à l'autre, l'histoire court vue sous un angle différent avec des personnages nouveaux. La lecture du récit requiert une certaine attention sans être difficile, le style étant très agréable et d'une belle richesse sémantique et lexicale avec quelques mots désusités.
Une parodie loufoque qui nous fait découvrir un
Gide qui ici érige le jeu et l'humour noir en règle de vie se livrant à une réflexion sur l'acte gratuit, la morale en général et la religion. le scandale fut total à sa parution et notamment dans les milieux catholiques.