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3,7

sur 2153 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bernard Profitendieu, à l'approche du baccalauréat, apprend que son père, juge d'instruction de son état, n'est pas son vrai père, et décide de déserter le foyer familial. Il se réfugie chez Olivier Molinier qui l'héberge secrètement la nuit. Olivier a deux frères : l'aîné, Vincent étudiant en médecine gaspille l'argent de ses études pour subvenir au besoin de Laura Douviers à qui il fit un enfant lors d'un séjour en cure et dont le mari vit en Angleterre; Georges, inscrit à la pension Vedel et qui, sous l 'influence de camarades, est prêt à faire les quatre cents coups, écouler de la fausse monnaie justement. le titre du roman ne pourrait se justifier par le seul épisode de Georges écoulant de fausses pièces si n'entrait en scène Edouard, l'oncle d'Olivier dont les rapports avec ses neveux sont nimbés d'une homosexualité latente. Edouard représente l'écrivain. Fasciné par le récit d'Olivier au sujet de son oncle, Bernard l'espionne à son rendez-vous à la gare et le suit à distance. Edouard perd son ticket de consigne permettant à Bernard de retirer la valise de celui-ci et d'y apprendre bien des secrets de famille grâce au "Journal d'Edouard" , passages récurrents donnant plus au moins le point de vue du narrateur qui se mêle parfois à celui de l'auteur. Il est ainsi singulier qu'Edouard soit en train d'écrire un roman s'intitulant les faux monnayeurs. de même, au milieu du livre, l'auteur se met à juger ses personnages tout en s'autocritiquant. le pendant sombre d'Edouard se retrouve chez Passavant, auteur à la mode admiré de jeunes gens qui après avoir aidé Vincent financièrement tout en l'initiant au jeu et en le corrompant, jette son dévolu sur Olivier avec qui il prétend fonder une revue. La jalousie d'Edouard est évidente et ne s'exprime que sur le plan littéraire :

"Pour Passavant, l'oeuvre d'art n'est pas tant un but qu'un moyen. Les convictions artistiques dont il fait montre ne s'affirment si véhémentes que parce qu'elles ne sont pas profondes; nulle secrète exigence de tempérament ne les commande; elles répondent à la dictée de l'époque; leur mot d'ordre est: opportunité. "(94)

Edouard se rend régulièrement chez un vieux professeur de piano, La Pérouse qui déprime en l'absence de son fils, de leçons qu'il ne donne plus et en compagnie de sa femme qui sombre dans le gâtisme. La Pérouse mentionne l'existence de son petit-fils, Boris qu'il ne connaît pas, vivant en Pologne avec sa mère, ancienne élève de la Pérouse devenue la maîtresse de son fils mort depuis. Lors d'un séjour en Suisse avec Bernard comme secrétaire, Edouard fait la connaissance de Boris, inséparable de Bronja, jeune fille "pure" dont il est amoureux. Il est aussi accompagné de Sophroniska, psychanalyste qui soigne les nerfs fragiles de Boris. Pour Gide, c'est l'occasion de mentionner cette science encore balbutiante:

"Je crois qu'on peut trouver leur origine dans un premier ébranlement de l'être dû à quelque évènement qu'il importe de découvrir. le malade, dès qu'il devient conscient de cette cause, est à moitié guéri. Mais cette cause le, plus souvent échappe à son souvenir; on dirait qu'elle se dissimule dans l'ombre de la maladie; c'est derrière cet abri que je la cherche, pour la ramener en plein jour, je veux dire dans le champ de la vision. Je crois qu'un regard clair nettoie la conscience comme un rayon de lumière purifie une eau infectée." (221)

C'est aussi en Suisse que Bernard tombe amoureux de Laura d'un amour tout platonique. La jeune femme, un peu effrayée repart rejoindre son mari à Londres.

Tous ces personnages (Boris, La Pérouse et Georges) se retrouvent ensuite, à la rentrée, à la pension Vedel, institution privée d'un autre temps où les maîtres, les surveillants et les élèves vivent en cercle fermé et dirigée dans les faits par Rachel, soeur de Laura, qui engage ses propres fonds tandis que la pension périclite. le vieil Azaïs, sorte de pasteur idéaliste et rigoriste, est tenu dans l'ignorance de ces faits tandis que Sarah, la jeune soeur de Rachel file le parfait amour - charnel celui-là - avec Bernard et que les élèves de la pension jouent à de drôles de jeux incluant Boris.

Voilà un vaste roman où s'entrecroisent de nombreux personnages en même temps que les thèmes chers à Gide: qu'est-ce que la création littéraire? - en ce sens, Edouard semble bel et bien être son double comme si son roman, portant le même titre que celui de Gide, s'inscrivait en filigrane de celui que nous lisons. On y retrouve son goût pour l'exploration de l'inconscient et notamment en ce qui concerne les sentiments humains tour à tour empreints de sensibilité exacerbée, de mysticisme et parfois de jalousie. La révolte adolescente initiale de Bernard elle-même en montre l'absurdité mais aussi que le personnage ne peut plus être maître de son destin dès lors qu'il a pris telle ou telle voie:

"L'habitude qu'il a prise de la révolte et de l'opposition le pousse à se révolter contre sa révolte même. Il n'est sans doute pas un de mes héros qui m'ait davantage déçu, car il n'en était peut-être pas un qui m'eût fait espérer davantage. Peut-être s'est-il laissé aller à lui-même trop tôt." (276)

Sont tout aussi récurrents les thèmes de l'homosexualité plus ou moins révélée mais aussi de la séparation de l'âme et du corps dans le personnage de Bernard tiraillé entre Sarah (le corps) et Laura (l'âme) comme dans "Si le grain ne meurt":

Il se remémore ce que Laura lui disait alors: "je ne puis accepter de vous cette dévotion que vous m'offrez. le reste aura ses exigences, qui devront bien se satisfaire ailleurs." (384)

C'est par cette phrase que l'on comprend la souci de Pauline Profitendieu, mère de Bernard dévouée et discrète, donnant le change tandis que son mari la trompe. Car les faux monnayeurs montre aussi -si besoin était- que le roman est un mensonge et, à l'instar d'un Hemingway, cache dans le non-dit des révélations essentielles tout comme la psychanalyse permet de révéler l'inconscient, de le mettre en lumière. L'utilisation du personnage d'Edouard permet à Gide d'en jouer à l'infini, le jugeant en tant que personnage et par son "journal" s'autocritiquant, allant même, avec distance se moquer de lui-même dans le passage où Edouard, pontifiant et Pygmalion, lit un extrait de son oeuvre à Georges qui le ridiculise. Auteur, narrateur et lecteur putatif se renvoient la balle d'une manière assez subtile malgré les rencontres un peu artificielles des personnages entre eux. Mais là aussi, cela participe du mensonge de cette "fausse monnaie" de la réalité qu'est le roman selon Gide.
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J'ai eu du mal à lire le roman, qui m'a pris environ 3 semaines à découvrir. La raison principale à ce problème de lecture est du à la mise en page de la collection Folio de Gallimard, et plus principalement à leur police de caractère de plus en plus minuscule et qui est juste illisible.

Malgré tout, quand j'ai réussi à m'y mettre, ce roman a été une très belle découverte pour moi. Beaucoup de sujets abordés, des intrigues riches et surtout, de très belles réflexions sur les techniques d'écriture avec une narration non-linéaire et déroutant par rapport aux techniques traditionnelles. Ce roman est protéiforme, à la fois journal intime, roman, autobiographie, essai sur la littérature : ce qui en fait l'un des précurseurs du genre du Nouveau Roman, au milieu du XXeme siècle.

Pour en savoir plus, je vous invite à lire l'article.
Lien : https://derivedelivres.home...
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J'ai adoré ce livre. La galerie de personnages est fournie et bariolée, les descriptions parfois poétiques et souvent très détaillées de Gide me plaisent, je crois qu'elles agacent certains mais je vois en elles un beau moyen de me représenter les scènes au mieux. L'histoire est originale, des thèmes assez polémiques (parler d'homosexualité en 1925!) sont abordés. J'avais besoin de faire des pauses en le lisant, d'alterner avec des livres moins "lourds", mais j'y revenais toujours avec le même plaisir. C'est devenu pour moi un classique. Je le recommande chaudement.
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Un roman sur la vie. Sur la jeunesse, sur la vieillesse, sur l'amour, sur l'amitié, sur les erreurs, sur les passions, sur la famille, sur le bonheur. Un roman qui est aussi une mise en abîme, Gide se met en scène dans les personnages, et le protagoniste lui même, écrivain, relate l'écriture de son roman qui s'avère être les faux monnayeurs... Il est intéressant au cours de notre lecture de s'interroger sur le texte, l'histoire, les personnages, les intrigues, mais aussi les sous-textes qui se réfèrent à Gide et sa propre vie.
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Intéressant parce-qu'il renouvelle l'écriture de son époque mais l'inconvénient c'est que l'on adhère ou que l'on rejette ce procédé parce-qu'il y a une absence de continuité narrative. Les intrigues s'entremêlent sans cesse et implique le lecteur à se plonger dans le roman de façon intensive. Lecture recommandée tout de même.
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Un roman déroutant au départ, mais que j'ai ensuite apprécié quand j'ai réussi à "rentrer" dans l'ambiance du livre. En effet, il n'y a pas d'intrigue, pas de fil directeur. C'est une sorte de fresque dans laquelle on suit différents personnages liés les uns aux autres par un moyen ou un autre. On commence avec Bernard Profitendieu, lycéen qui découvre qu'il est un bâtard et s'enfuit de chez lui. Il trouve refuge chez son ami Olivier, dont on découvre ensuite le frère, Vincent, qui a mis enceinte une femme mariée qu'il n'aime plus. On lit ensuite le journal d'Edouard, l'oncle d'Olivier, un écrivain qui essaie d'écrire un roman intitulé "Les Faux-Monnayeurs"... Il y a de nombreuses autres petites intrigues et de nombreux autres personnages tout aussi intéressants, mais il n'est pas possible de tout raconter en une seule critique ! Et c'est ce qui fait la particularité de ce roman : il est impossible à résumer. On y trouve de nombreuses réflexions littéraires et autres, puisque la fausse monnaie du titre désigne, en plus du sens propre avec un trafic mené par un groupe de lycéens, au sens figuré la fausse monnaie morale, l'hypocrisie.
Un classique qui n'est pas aussi connu qu'il devrait l'être ! C'est un roman complexe mais très intéressant, que l'on devrait lire deux fois : une première pour le plaisir de suivre l'intrigue, et une seconde pour comprendre toutes les réflexions que Gide veut nous amener à avoir à partir de son oeuvre.
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Les Faux-Monnayeurs est un livre qui sort de l'ordinaire et qui se présente comme le roman d'un roman. Nous sommes tout de suite plongés dans l'histoire, le roman commence in media res par la découverte par Bernard de sa bâtardise. Les personnages sont nombreux , Gide nous offre une multiplicité des points de vue. le livre est divisé en trois parties dont deux qui se déroulent à Paris et une à Saas-Fée en Suisse. Edouard est un jeune homme qui tient son journal, il veut écrire les faux-monnayeurs et va se lier d'amitié avec Bernard. Ce dernier va dérober la valise d'Edouard à la gare alors qu'il parle avec son neveu, Olivier. La découverte du journal par Bernard nous permet d'en apprendre plus sur les personnages, il prend une fonction informative. L'intrigue est complexe, il n'y a quasiment aucune description mais Gide se justifie dans son journal. L'action s'organise autour d'une bande d'adolescents qui s'affranchissent de leur famille. de nombreux thèmes sont présents : l'adolescence, l'amitié, l'homosexualité, les relations familiales et l'écriture d'un roman. Edouard initient les plus jeunes, une relation de maître/disciple s'installe avec Olivier et Bernard. Ce livre peut se lire comme un roman d'apprentissage dans lequel les ados évoluent vers l'âge adulte. Ils vont découvrir l'amour, voyager, rencontrer de nouvelles personnes et se remettre en question. Ce livre est unique dans son genre, il présente une réflexion sur le roman extrêmement intéressante. Gide m'a conquise avec ce premier roman et je compte bien lire d'autres livres de cet auteur. LISEZ LE !
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Formidable récit de l'adolescence, de l'amour, mélant roman de formation, policier, d'aventure, au coeur d'une histoire riche de personnages, de symbolique et d'intrigues. Avec Les Faux Monnayeurs, Gide a bouleversé mon point de vue sur le rôle du lecteur.
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Pour mon entrée en terminale littéraire, j'ai dû lire ce roman de Gide. Dès ma première lecture, il m'a vraiment touchée. A la deuxième, il m'a complètement bouleversée. A travers celle-ci j'ai pu remarquer les petites subtilités de l'auteur, ses manies, sa pensée profonde si bien que ce roman pourrait aussi être désigné en tant qu'essai poétique. Les personnages sont incroyables, mes coups de coeur sont tout de même Edouard l'écrivain, Olivier et Armand le nihiliste. La relation entre Olivier et son oncle m'avait un peu choquée lors de ma première lecture (au niveau de "l'inceste" et de la différence d'âge), mais j'ai su surmonter ça et apprécier pleinement l'histoire que nous dresse André Gide. Ce livre est un coup de coeur que je vais m'empresser de relire très vite.
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J'ai découvert avec beaucoup de plaisir ce classique d'André Gide, cet auteur qui m'était au préalable relativement méconnu et que j'avais injustement étiqueté de scolaire ou d'ennuyeux. Et ce fut une très belle découverte : lire c'est oser prendre des risques.

Pourquoi lire « Les Faux-Monnayeurs » d'André Gide ? Réponse en trois temps.

Il constitue une formidable ratatouille de personnages, flânant dans le Paris du début du XXème siècle, qui ont soif de liberté, de littérature et de plaisir. La plupart des personnages ont en commun la révolte face au préétabli et à la prédestination familiale. C'est le roman d'une jeunesse avide de liberté dans une société conservatrice, patriarcale et extrêmement coincée. Aucun d'eux n'a un but précis, ils déambulent dans le roman comme dans la vie : la liberté domine ici l'histoire, le chemin prime sur la destination.

C'est le roman, par excellence, de la mise en abyme. L'un des protagonistes est romancier et écrit au fur et à mesure un livre intitulé « Les faux-monnayeurs ». le lecteur suit donc tout au long de l'histoire la construction même du roman, avec les réflexions de l'auteur qui est lui-même acteur de l'histoire. On est donc dans une pensée sur le roman et sur l'écriture romanesque en général. de plus, le livre est composé d'une multitude d'actions entremêlées, sans intrigue centrale réellement dominante. Cette construction narrative originale renforce l'intérêt de (re)découvrir cette oeuvre.

Même si elle est brièvement abordée dans le livre, la circulation de fausse monnaie n'en est pas le sujet. le « faux » porte ici sur l'écart entre le paraitre et l'être des différents personnages, ainsi que sur les faussaires de l'esprit, de l'amitié ou de l'amour. L'illusion des normes conservatrices et, par corolaire, l'illusion des révoltes de la jeunesse, qui est incapable de s'en éloigner, sont intelligemment traitées dans cet ouvrage. Les thématiques, comme la fragilité de l'amitié et des relations familiales, sont toujours très actuelles.

Lien : http://evanhirtum.wordpress...
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