Chaque brûlure de cigarette, chaque estafilade, chaque plaie mal recousue lui confère un charme supplémentaire. C’est comme si sa peau était le témoin de sa souffrance, de son courage. Quand je le regarde, je peux lire son histoire en suivant chacune de ces marques.
La légèreté, la douceur. L’apesanteur.
L’air n’est pas étouffant. Juste tiède. Tiède et nourrissant, tel le liquide amniotique d’un ventre maternel.
Peu de temps après son arrivée dans cette maison maudite, Tama a compris que Charandon était un homme violent. Derrière une belle façade de respectabilité se cache un monstre aux pulsions incontrôlables. Tama ne peut oublier le jour où il a massacré un chat à coups de pelle, simplement parce que la pauvre bête avait mordu Adina qui tentait de l’attraper. Charandon s’était acharné sur l’animal, et ce qu’elle avait vu dans ses yeux à ce moment-là, elle le revoyait chaque fois qu’il s’en prenait à elle. Une étincelle glacée de jouissance malsaine.
Elle me disait qu'un jour, je deviendrais un homme et que tout s'arrangerait. Elle s'est bien gardée de me dire qu'il y a des croix qu'on porte sur son dos toute sa vie. Qu'on devienne un homme ou pas.
La liberté commence où l'ignorance finit.
En découvrant cette phrase de Victor Hugo, j'ai réalisé à quel point j'avais eu raison de me battre pour apprendre. Certes, lire ne m'a pas empêchée de rester une esclave des années durant, mais chaque jour, ça m'aide à me sentir plus forte.
Chaque jour, ça m'aide à briser mes chaînes, maillon après maillon.
La femme de ménage... Tama a envie de lui rappeler qu'elle n'a pas quinze ans. Qu'elle n'est pas encore une femme. Qu'à ce rythme, elle n'en deviendra sans doute jamais une. Morte bien avant.
On m'a démontré que les dinosaures avaient foulé notre sol mais personne n'a pu me prouver que les dieux veillaient dans nos cieux.
Dans un sombre cauchemar, j’ai vu le jour se lever. Encore un jour à supporter. J’aurais voulu la nuit, celle qui tombe sur vous de manière définitive.
Mais la mort décidément ne veut pas de moi.
La liberté commence où l'ignorance finit.
Sans lui, je suis quoi ?
Une orpheline, une ancienne esclave, une petite bonniche. Une clandestine.
Une sans-papiers.
Une Sans-Amour.