Ce tome contient les 4 épisodes de la minisérie initialement parue en 1994. le scénario a été conçu par
Keith Giffen (qui a réalisé le découpage des planches), les dialogues ont été écrits par Tom &
Mary Bierbaum, les dessins et l'encrage ont été réalisés par
Dave Johnson (celui qui a réalisé quelques années plus tard toutes les couvertures de la série "100 bullets", à commencer par First shot, last call). Il s'agit d'une histoire complète, mais dont la lecture s'apprécie mieux si l'on est un peu familier de l'univers partagé du Savage Dragon d'Eric Larsen.
À New York, SuperPatriot est poursuivi par 3 petits avions futuristes qui essayent de l'abattre. Il estime qu'ils ont été dépêchés par une branche de l'Alliance de l'Épée (Covenant of the Sword). Après cette échauffourée, il se rend à Washington pour bénéficier de réparations par une agence gouvernementale secrète menée par Jake Farrell. Sous la menace, ce dernier lui indique la localisation d'une antenne locale du Covenant dans le Milwaukee.
Justement dans cette petite ville du Milwaukee, 2 nouveaux superhéros viennent de faire leur début : Liberty (Libby Farrell) et Justice (Justin Farrell). Leur rencontre avec SuperPatriot est assurée d'avance, mais pas le résultat.
En 1992,
Erik Larsen publie la première minisérie consacrée au Savage Dragon, dans laquelle apparaît SuperPatriot pour la première fois (voir Baptism of fire). Par la suite, ce personnage apparaît à plusieurs reprises dans la série "Savage Dragon", et gravite au sein de l'équipe de la série dérivée "Freak Force" (si seulement
Erik Larsen pouvait la rééditer). En 1993, SuperPatriot a droit à sa première minisérie, coécrite par
Erik Larsen et l'incontrôlable
Keith Giffen, avec des dessins de
Dave Johnson. Par la suite, ce personnage continuera de faire des apparitions dans l'univers partagé de Savage Dragon, et aura droit à 2 autres miniséries (en 2002, puis en 2004) écrites par
Robert Kirkman (oui, celui de The walking dead), dont la première a été rééditée dans Superpatriot: Americas Fighting Force (2002) avec des dessins de Cory Walker.
Keith Giffen s'est fait connaître en tant que dessinateur. Il est resté dans les mémoires pour son passage sur la Légion des SuperHéros, avec des scénarios de
Paul Levitz (voir The Great Darkness saga ou The curse). Par la suite, il a commencé à écrire ses propres histoires, souvent en compagnie de dialoguiste comme
John-Marc DeMatteis pour la Justice League International. Il a également réalisé des récits mélangeant superhéros et absurde (l'inénarrable Ambush Bug), ou parodie de gros dur, violence qui tâche et humour absurde (Lobo: Portrait of a Bastich, avec
Simon Bisley et Alan Grant), ainsi que des récits de grande envergure comme Invasion pour DC.
SuperPatriot constitue déjà un superhéros dérivatif dès sa première apparition : un cyborg plus machine qu'humain, capable de transformer ses membres en armes surpuissantes, d'assimiler le métal des voitures ou autres, pour augmenter sa masse corporelle, avec un caractère irascible et réactionnaire. Johnny Armstrong est un vétéran de guerre qui ne se fait pas beaucoup d'illusion sur son gouvernement, mais qui défend les États-Unis, un patriote (comme son nom l'indique).
Il est possible de repérer dans cette histoire ce qu'apporte chacun des créateurs. C'était la (première) grande époque d'Image Comics, c'est-à-dire que la priorité est donnée aux dessins, sur le scénario. le scénariste et le dessinateur jouissent d'une grande licence artistique pour privilégier l'image marquante, aux dépends de la cohérence de l'intrigue (parce qu'à ce niveau-là parler de vraisemblance relève du contre sens).
Ça commence dès la première séquence où scénariste et dessinateur demandent au lecteur d'augmenter sa suspension consentie d'incrédulité à un niveau lui permettant d'accepter que de petits avions de chasse futuristes soient capables de poursuivre un individu dans les rues de New York (incroyable manoeuvrabilité, incroyable vitesse de réaction de la cible, vraiment incroyable).
Dave Johnson s'en donne à coeur joie avec des images présentant une grande profondeur de champ, dans les rues vraiment très (trop) dégagées de New York. Chris Eliopoulos s'en donne également à coeur joie avec un énorme lettrage pour les onomatopées figurant le bruit des armes à feu.
Les bases souterraines de l'Alliance de l'Épée ont des dimensions de cathédrale et elles sont situées sous les plus grandes mégapoles du monde (en toute discrétion bien sûr, et avec des dessins très impressionnants). SuperPatriot se montre capable de transformer ses bras en d'énormes fusils présentant un volume supérieur à celui de départ, sans apport de masse supplémentaire (c'est logique). Qu'il s'agisse de SuperPatriot ou des hommes de main, Johnson les montre en train de défourailler à tout va sans jamais tomber à court de munitions (ils disposent certainement d'un bonus "Munition illimitées").
En plus de l'approche maison de la narration à la manière Image, le lecteur habitué à
Keith Giffen identifie également rapidement sa patte inimitable. Il y a donc une histoire assez linéaire, mais avec des surprises régulières, un touche de cynisme, des personnages aux réparties cassantes, et un brin de loufoquerie. le scénariste s'empare de la mythologie développée par
Erik Larsen dans sa série "Savage Dragon", comme un professionnel qui a consciencieusement travaillé ses références. le concept de l'Alliance de l'Épée et de son fonctionnement pourra rester abscons pour un lecteur non initié. En bon dessinateur, Giffen pense sa narration en termes visuels, avec de belles séquences de combat (dans la jungle, en aérien), et de belles séquences de dialogue.
Pour les réparties, les époux Bierbaum font honneur à l'humour grinçant cher à
Keith Giffen. Libby est excédée chaque fois que SuperPatriot ouvre la bouche (non sans raison). Justin tente de jouer les conciliateurs, tout en étant navré de l'attitude agressive de sa soeur. SuperPatriot ne s'en laisse pas imposer, et Jake Farrell perd de plus en plus sa contenance, au fur et à mesure que la maîtrise des événements lui échappe.
Pour cette minisérie,
Dave Johnson était encore un jeune débutant, mais avec déjà une solide approche de la composition d'une case. Il tire profit des particularités du style Image de l'époque, en n'hésitant pas à exagérer la longueur des bras de SuperPatriot pour rendre ses compositions plus percutantes, ou à croquer Liberty et Justice dans des poses iconiques. le lecteur se régale de ces cases construites autour d'un axe de composition renforçant la structure de chaque dessin.
Le lecteur apprécie également la discrète loufoquerie présente dans les dessins. Il peut s'agir d'un client dans un restaurant en train de manger des boulons (sans raison apparente), des expressions et du langage corporel de Justin Farrell, ou encore d'une motarde qui a l'apparence de Dunan Knut (voir Appleseed de
Masamune Shirow).
Cette histoire assez courte de SuperPatriot se lit toute seule, avec un haut niveau de divertissement. Elle rappellera des bons souvenirs aux lecteurs familiers d'Image Comics dans les années 1990, avec un vrai scénario, des dessins compétents et dynamiques réalisés par un artiste qui n'hésite à pas à profiter de la licence autorisée dans les comics Image, un humour sympathique et efficace, et une continuité réelle dans l'univers partagé de Savage Dragon. Pour les profanes n'ayant pas connu cette époque, ils plongeront dans un univers assez riche, avec une bonne densité narrative, et un scénario qui ne les prend pas pour des attardés. Il reste qu'il s'agit d'un récit qui s'inscrit dans le registre superhéros, avec une bonne dose de violence, avec un objectif de simple divertissement.