Je ne peux pas ne pas le dire : au moment d'écrire cette chronique, je ressens une certaine gêne. Que je vais essayer de poser ici sans aller au-delà des éléments factuels.
S'il s'agissait d'un mauvais livre, s'il clôturait médiocrement la trilogie, je pourrais sans état d'âme dire que l'auteur a malheureusement gâché le beau matériaux qu'il avait progressivement accumulé dans les deux premiers tomes. Et que c'est bien dommage. Je pourrais même ne pas aller gratter là où, potentiellement, cela fait mal.
Mais ça, ce n'est pas possible. Parce que ce livre est bien construit, qu'il soulève une série de problèmes et de questions qui ne manquent pas d'intérêt. Et que, du coup, restent ces fameux « trucs qui grattent », dont je ne peux pas faire l'économie.
Dans ce troisième tome, on accède à ce qui était jusque-là resté dans le sous-texte. On ignorait jusque-là pourquoi les sept fondateurs de Bordeline étaient en révolte contre la société, on savait qu'ils poursuivaient un dessein plus grand, mais sans savoir lequel. Là, on découvre tout ce qui se cachait, jusqu'ici, derrière le rideau. Et qui, mais cela, on s'y attendait, n'est évidemment pas joli, joli. Ensuite, on pourrait, par moments, poser la question de la crédibilité – la probabilité que de tels suppôts du capitalisme, charriant, de plus, des désirs aussi coupables, se rassemblent, est-ce totalement crédible ? -, mais mettons cela sur le compte de la licence poétique.
« Ok, donc, si on récapitule, ça fonctionne toujours aussi bien, on apprend des choses nouvelles sur les différents protagonistes, ça éclaire d'une lumière nouvelle toute l'histoire, et tu fais la fine bouche ? », pourrait-on me dire. Oui, en effet, cela résume assez bien les choses. Car ce qui me pose question – sans savoir précisément ce qu'il en est -, c'est que l'auteur se livre, en page 318, à un exercice assez curieux. Depuis quelques pages, déjà, on suit Jean-René Fourretout, dont il n'est pas nécessaire d'être sorti(e) de Polytechnique pour comprendre qu'il s'agit de Jean-René Fourtou – suffisamment de détails sur sa carrière sont donnés pour qu'il soit aisément identifiable pour qui s'intéresse même de loin à la vie des entreprises. Et dans le paragraphe qui m'a fait tiquer, tous les noms sont ainsi modifiés, souvent de façon ridicule : Fourtou qui devient Fourretout, évidemment, Gérard Careyrou devient Gérard Careyou, Étienne Mougeotte devient Étienne Bougeotte,
Alain Carignon est renommé Marignon,
Sylvain Fort devient Sylvain Four,
Michel Pébereau est rebaptisé Parebeau comme
Charles Villeneuve devient Vieilleville. En revanche,
Alain Soral et Papacito, qui font un passage éclair plus loin dans le livre – sans rien apporter à l'histoire -, eux, sont parfaitement orthographiés.
Alors, autant la démarche anti-capitaliste et pro-environnementale – je ne détaillerai pas, pour ne pas spoiler – des Borderline s'inscrit-elle globalement dans l'histoire – même si on y a perdu le flic undercover et Murmur dont le rôle finalement devient très terre-à-terre -, autant ces éléments obligent à se poser la question d'une parution initiale dans la galaxie des Éditions Ring, connues pour un positionnement droitier… affirmé.
Enfin, et là, ce n'est pas l'auteur que je vise, il y a un nombre impressionnant de coquilles, d'erreurs non corrigées, de mots manquants. Il y en a vraiment beaucoup, tout au long du livre, et cela donne vraiment l'impression que la relecture a été bâclée lors de la fabrication !
Et malgré tout cela, cela reste un texte très efficace, que l'on lit en apnée. Mais, naturellement, plus on apprécie quelque chose, et plus on a tendance à être critique, parce que l'on se dit qu'on aurait pu être parfait…
Chacun se fera son idée. N'hésitez pas, si vous avez lu la trilogie, à venir indiquer ce que vous en avez pensé, si vous aussi avez été surpris, ou si au contraire, cela ne vous avait pas frappé…
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