- Tu veux savoir ce qu'il faut faire, et tu ne connais pas seulement le monde où tu vis. Tu comprends que quelque chose est contre toi, et tu ne sais pas quoi. Tout ça parce que tu as regardé l'alentour sans te rendre compte. Je parie que tu n'as jamais pensé à la grande force ?
" La grande force des bêtes, des plantes et de la pierre.
" La terre c'est pas fait pour toi, unique, à ton usance, sans fin, sans prendre l'avis du maître, de temps en temps. T'es comme un fermier ; il y a le patron. Le patron en belle veste à six boutons, en gilet de velours marron, le manteau en peau de mouton. Tu le connais, le patron ?
" T'as jamais entendu chuinter comme un vent, sur la feuille, la feuillette, la petite feuille et le pommier tout pommelé ; c'est sa voix douce il parle comme ça aux arbres et aux bêtes. Il est le père de tout ; il a du sang de tout dans les veines. Il prend dans ses mains les lapins essoufflés
"Ah, mon beau lapin, qu'il dit, t'es tout trempé, t'as l'oeil qui tourne, l'oreille qui saigne, t'as donc couru pour ta peau ? Pose-toi entre mes jambes ; n'as pas peur, là, t'es à la douce."
- Comment ça va, Janet?
- Mal et ça dure.
- Tu souffres?
- De la tête.
- La tête te fait mal?
- Non. Elle ne fait pas mal comme aux autres ; elle est pleine, voilà, et elle craque toute seule dans l'ombre, comme un vieux bassin. On me laisse seul tout le temps, je peux pas parler, ça s'accumule dans moi, ça pèse sur les os. Il en coule bien un peu par les yeux, mais les gros morceaux, ça peut pas passer, ils restent dans la tête.
- Les gros morceaux de quoi?
- De vie, Jaume.
Les collines, avec leurs landes à genièvre, les petits champs labourés, les bosquets et les forêts d'yeuses, ressemblaient à des tapis de laine bourrue et mordorée, comme on en fait pendant les soirées d'hiver.
De la peau qui tourne au vent de nuit et bourdonne comme un tambour, des larmes de sang noir pleurent dans l’herbe. (p. 127)
"Ces choses-là, vois-tu, ça commence toujours par un homme qui voit plus loin que les autres. Quand un homme voit plus loin que les autres, c'est qu'il a quelque chose de dérangé dans sa cervelle."
Les collines, avec leurs landes à genièvre, les petits champs labourés, les bosquets et les forêts d'yeuses, ressemblaient à des tapis de laine bourrue et mordorée, comme on en fait pendant les soirées d'hiver
Le ciel est comme un marais où l’eau claire luit par places entre les flaques de vase.
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La belette darde son museau dans le vent, une goutte de sang brille au bout de sa moustache.
Quatre maisons fleuries d'orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C'est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.
Le surplus d'une fontaine chante en deux sources. Elles tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l'herbe, puis s'unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.
Le vent bourdonne dans les platanes.
Ce sont les Bastides Blanches.
Le malheur est-il obligé de passer par les routes ? N'y a-t-il pas assez d'espace au-dessus de la tête des hommes, entre leurs cheveux et les nuages ?