Le vrai, c'est qu'ils ont soifs d'être seuls dans leur silence. Ils ont l'habitude des champs vides qui vivent lentement à côté d'eux. Là, ils sont cimentés, chair contre chair, à savoir d'avance à quoi l'autre réfléchit, à connaître le mot avant qu'il ait dépasse la bouche, à connaître le mot quand on est encore à le former péniblement au fond de la poitrine. Ici, le bruit les a tranchés comme un couteau et ils ont besoin, tout le jour, de se toucher du bras ou de la main pour se contenter un peu le cœur.
_"Oh Panturle, je te croyais mort !
_J'en ai pas envie."
Ainsi, peu à peu, la terre vous hausse sans faire semblant.
Il a des chansons qui sont là, entassées dans sa gorge à presser ses dents. Et il serre les lèvres. C'est une joie dont il veut mâcher toute l'odeur et saliver longtemps le jus comme un mouton qui mange la saladelle du soir sur les collines. Il va, comme ça, jusqu'au moment où le beau silence s'est épaissi en lui, et autour de lui comme un pré.
À des moments, ce vent plonge, écrase le bois, s'élance sur la route en tordant de longues tresses de poussière. Les chevaux s'arrêtent, baissent la tête. Le vent passe.
Il y a du feu dans l'âtre, mais le vent a embouché la cheminée et il souffle sa musique avec de la fumée, des cendres volantes et en aplatissant la flamme.
Le vent soulève le ciel comme une mer. Il le fait bouillonner et noircir, il le fait écumer comme les montagnes.
Sa vie n’a commencé que de là. Tout « l’avant » ne compte plus guère. Elle y pense de temps en temps comme on pense à du mal dont on s’est guéri. Et quand elle y pense, elle a tout aussitôt besoin de regarder Panturle. Elle vit avec tranquillité enfin, et de la joie de toute espèce, on peut bien dire.
Le dernier doigt du soleil lâche le pin, là-haut. Le soleil tombe derrière les collines. Quelques gouttes de sang éclaboussent le ciel ; la nuit les efface avec sa main grise.
Panturle a pris sa vraie figure d'hiver. Le poil de ses joue s'est allongé, s'est emmêlé comme l'habit des moutons.
C'est un buisson. Avant de commencer à manger, il écarte les poils autour de sa bouche. Il est devenu plus méchant aussi. Il ne parle plus à ses ustensiles. Il a entouré ses pieds et ses jambes avec des étoffes attachés avec des ficelles. Avec ça, il a chaud, il ne glisse pas, il ne fait pas de bruit. Il est toujours avec son couteau et ses fils de fer sournois. Il chasse. Il a besoin de viandes.