Citations sur Vivre vite (265)
Je reviens sur la litanie des « si » qui m’a obsédée pendant toutes ses années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel passé.
Je résume.
La maison, les clés, le garage, ma mère, mon frère, le Japon, Tadao Baba, la semaine de vacances, Hélène, mon service de presse. Ça commençait à faire un sacré bordel.
(page 116)
Quand aucune catastrophe ne survient, on avance sans se retourner, on fixe la ligne d'horizon, droit devant. Quand un drame surgit, on rebrousse chemin, on revient hanter les lieux, on procède à la reconstitution. On veut comprendre l'origine de chaque geste, chaque décision. On rembobine cent fois. On devient le spécialiste du cause à effet. On traque, on dissèque, on autopsie. On veut tout savoir de la nature humaine, des ressorts intimes et collectifs qui font que ce qui arrive, arrive. Sociologue, flic ou écrivain, on ne sait plus, on délire, on veut comprendre comment on devient un chiffre dans des statistiques, une virgule dans le grand tout. Alors qu'on se croyait unique et immortel.
Page 23, Flammarion.
Une route au moment où la planète crève de toutes ces routes qui accélèrent la consommation de gaz carbonique.
(page 19)
Il n’y a rien à comprendre, chacun joue son rôle. Chacun bien à sa place dans la ville, en toute légitimité : le médecin, le notaire, l’instituteur, le pompier, le policier, le bibliothécaire, le banquier, le curé. Ça s’appelle une société.
(page 194)
Le garage était l’indispensable prolongement de l’appartement, un domaine réservé, dans lequel je n’avais rien à faire, trop nu, trop rêche, trop humide, hostile en somme. Un endroit où je n’avais pas les codes, où je ne savais pas où mettre les pieds sans prendre le risque de me salir, de marcher sur une tache d’huile ou de renverser un bidon. Et puis ça puait.
(page 99)
Au lieu de rénover, j’avais eu l’impression de défoncer, de saccager, de déclarer la guerre à ce qui me résistait, le plâtre, la pierre, le bois, des matières que je pouvais martyriser sans que personne me jette en prison. C’était ma vengeance minuscule face au destin, mettre des coups de pied dans la tôle d’une porte battante, des coups de cisaille dans une toile de jute crasseuse, casser des vitres en poussant des cris.
(page 14)
Ce qui est sûr, c’est que l’école, les heures d’école, les sorties d’école, les vacances scolaires, ce rythme horaire quotidien et saisonnier est la base de l’organisation de nos existences, et nous n’y avons pas échappé.
Il me suffisait donc de patienter à nouveau vingt bonnes minutes au bureau SNCF, un ticket numéroté en main, mais comme j’étais d’excellente humeur, ce n’était pas si grave, de m’asseoir face à conseiller dont je jugeais les gestes trop lents, et dont le profond détachement me semblait une énigme.
(pages 76-77)
Claude aurait dû être maître de son véhicule, d'après le code de la route. Ce qui est tout le problème, nous y reviendrons plus tard. Puisqu'on ne connaît aucune cause à l'accident, c'est ce que dit le rapport de police. Même s'il paraît obscène que ce qui est considéré comme dangereux pour les Japonais ne le soit pas pour les Français. En vertu de quel traité d'exportation, de quelle balance commerciale, de quels échanges, de quelle mondialisation, de quels critères économiques ?
Page 111, Flammarion.