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Avec des « Si », on referait le monde, disait-on parfois…
Dans Vivre vite, Brigitte Giraud, (Jour de courage, Un loup pour l'homme – deux de ses livres que j'ai lus), m'a entraîné dans une cascade de « Si », une formidable introspection, un terrible retour en arrière pour tenter d'exorciser le terrible drame qu'elle a vécu.
D'emblée, je sais que son mari, Claude, n'a pas survécu après un malheureux accident de moto, au centre de Lyon, le 22 juin 1999.
Brigitte Giraud débute son livre avec une excellente introduction, un prologue annonçant ce qui va suivre. L'autrice dévoile vingt-un « Si » dont certains relèvent d'une imagination surprenante prouvant tout son talent d'écrivaine.
Alors que leur maison achetée en 1999 va être sacrifiée pour laisser la place à un immeuble beaucoup plus rentable, elle s'attaque, sans tergiverser, au principal problème : la mort de Claude.
Pour cela, elle déroule des « Si », commençant par : « Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement », un appartement situé dans le quartier de la Croix-Rousse où la mémoire des Canuts, les ouvriers des soieries, est encore vive. Elle poursuit, réussissant à évoquer tous les cas de figure qui auraient pu éviter le terrible accident.
Le style est volontaire, précis et l'écriture émouvante, bien sûr, même si l'autrice n'hésite pas apporter des précisions historiques, des informations pratiques augmentant l'intérêt du récit. Brigitte Giraud ne laisse aucune rue, aucun quartier au hasard. C'est détaillé et pour qui connaît un peu la Capitale des Gaules, ces précisions sont utiles.
Il y a aussi la moto, cette fameuse Honda 900 CBR Fireblade, une moto de compétition, interdite au Japon pour un usage routier. Pourquoi la France a-t-elle autorisé son usage dans le trafic, la circulation ?
Surtout, il y a leur projet pour changer de vie, vendre leur appartement afin d'habiter une maison avec un jardin. Il faut ajouter que cette moto appartenait au frère de l'autrice, absent à ce moment-là, moto qu'il avait garée dans cette maison acquise mais dont la propriétaire avait bien voulu donner les clés avant la vente définitive…
Claude est, depuis ses 18 ans, un passionné de moto. Jusque-là, il faisait du vélo. Sa passion pour les deux-roues s'est rapidement concrétisée. Avec Brigitte, ils ont partagé des moments enivrants. Surtout, la moto permet de se jouer des bouchons, de doubler les voitures engluées dans les ralentissements.
Avec ça, Brigitte Giraud cite beaucoup de musiciens, de groupes de rock comme Death in Vegas, Iggy Pop, Carte de Séjour car Claude était un vrai fan, ce qui lui permettait de concilier sa passion avec son travail à la Discothèque municipale de Lyon. Si je ne connais pas trop ces groupes, j'apprécie le goût commun à Brigitte (36 ans) et Claude (41 ans) pour Dominique A, un artiste qui fait honneur à la chanson française. J'ai eu la chance de l'apprécier trois fois sur scène : devant le Palais idéal du Facteur Cheval à Hauterives, au Train-théâtre de Bourg-lès-Valence ainsi qu'aux Correspondances de Manosque car Dominique Ané affirme aussi des talents d'écrivain avec plusieurs publications dont le présent impossible, un recueil de poèmes publié cette année.
Mais je m'égare et je reviens à Vivre vite, un titre qui convient bien au style de vie voulu par Claude qui a aussi une chronique musicale dans le Monde.
Vingt ans après, Brigitte Giraud a eu le courage d'écrire sur un drame qui a bouleversé sa vie. Son récit est une terrible introspection, un déroulé de toutes les possibilités, de tous les hasards, de toutes les maladresses qui n'ont pas empêché l'accident. Si certaines sont très graves, d'autres sont plus superficielles tout en ayant une importance qui aurait pu faire dérailler l'inéluctable.
J'ai noté, au passage, que Brigitte Giraud parle de son métier d'écrivaine car, au moment de l'accident, elle revenait de Paris où elle était allée rencontrer son éditrice pour parler de la parution de son prochain roman. Là encore, si…
Un grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion qui m'ont permis de lire et d'apprécier ce livre de Brigitte Giraud, un livre faisant partie de la Rentrée littéraire 2022.

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°°° Rentrée littéraire 2022 # 42 °°°

22 juin 1999, c'est le jour qui coupe en deux la vie de Brigitte Giraud. Son mari Claude meurt brutalement, tué lors d'un accident de moto. Elle a 36 ans, un petit garçon, une maison fraichement achetée en couple mais qu'elle habitera seule avec son fils. Elle a déjà écrit sur son deuil dans A présent ( 2001 ), un court récit à chaud, bouleversant, sur les émotions urgentes qui l'ont assaillies immédiatement après la perte. Vivre vite est très différent, dans sa forme comme dans son fond. « ça fait vingt ans et ma mémoire est trouée. Il m'arrive de te perdre, je te laisse sortir de moi. »

La béance intime est toujours présente, mais ici, Brigitte Giraud a décidé de pétrir le réel, de le façonner en questionnant l'imperceptible enchaînement de circonstances qui font le chaos en devenir. Son écriture s'est patinée après deux décennies de deuil, calme, factuelle, toute en retenue. Aucun robinet à pathos, mais une politesse du désespoir jamais triste où pointe même un certain humour, sans pour autant empêcher une émotion vibrante de naître au détour d'une phrase.

La construction du récit est très importante : un prologue et surtout un épilogue admirables de précision et de sensibilité, et entre les deux, une litanie de « Si », comme une enquête refaisant le film, comme un compte à rebours dont on connait l'issue, comme un puzzle de scènes du quotidien qui ont précédé le drame. Ces 23 chapitres de « Si » retrouvent la limpidité des instants, ressuscitant Claude et le couple formé avec lui. Avec ses « Si », Brigitte Giraud semble vouloir empêcher l'accident, imaginant ce qui aurait pu l'empêcher si les « Si » s'étaient accomplis, interrogeant ainsi la notion de destin dont les forces extérieures nous amèneraient inexorablement à une catastrophe ou qu'on pourrait contrôler en être responsable de nos actes.
On entre aisément en empathie avec la chair sensible du récit qui transforme un drame intime et privé en une expérience universelle du deuil.

J'ai lu la première moitié du roman, charmée par l'écriture de Brigitte Giraud, avec la belle impression que l'écriture joue comme activateur de mémoire, l'écriture initiée enclenchant le processus mémoriel et faisant galoper le cerveau de mile questions entre obsession et culpabilité. J'ai lu gentiment sans pour autant être totalement embarquée.

Et puis, il y a quelque chose qui se passe au mitan, qui dépasse la simple autofiction retravaillée, lorsque Brigitte Giraud explore des pistes presque farfelues qui font basculer le récit dans une sorte d'uchronie folle tant les ruminations de l'auteure la conduisent à un délire toujours autant empli de l'urgence d'exorciser la peur de la perte de l'autre, même plus de vingt ans après. Ainsi elle s'imagine que Claude aurait pu être sauvé s'il avait écouté avant d'enfourcher sa moto Don't panic de Coldplay plutôt que Dirge de Death in Vegas, plus long. Et si Tadao Baba, l'ingénieur nippon de la surpuissante Honda, n'avait pas inventé la surpuissante moto ? C'est le « Si » numéro 18 qui m'a le plus emballée : « Si Stephen King était mort le samedi 19 juin 1999 » trois jours avant l'accident de Claude. Par son retentissement planétaire, cette mort aurait peut-être pu détourner le fatum, Claude aurait senti l'odeur du danger flotter, l'aurait dissuadé à se mettre en danger.

Bien plus prenante que le sujet en lui-même et le dispositif des « Si » ne le laissaient entrevoir, cette généalogie d'une catastrophe à venir se révèle étonnamment pleine de vitalité et de douceur. J'ai refermé le livre touchée par la sincérité de Brigitte Giraud, par sa simplicité à mettre des mots justes sur l'universalité de la perte et de la reconstruction.
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Brigitte Giraud est une auteure que j'avais appréciée pour Un loup pour l'homme et Jour de courage. Aussi, n'ai-je pas hésité à me lancer dans la lecture de son dernier roman Vivre vite.
Celui-ci se présente comme une sorte d'enquête que mène l'auteure sur tout ce qui a précédé cet accident de moto dans lequel son compagnon Claude a perdu la vie, revenant sur ces journées qui s'étaient emballées et ce concours de circonstances qui ont conduit à l'inéluctable.
Elle écrit ce livre alors qu'elle vient de signer l'acte de vente de la maison qu'elle avait achetée avec Claude, il y a vingt ans et dans laquelle Claude n'a jamais vécu, ce dernier ayant perdu la vie le 22 juin 1999, sur un boulevard de la ville de Lyon, en accélérant sur une moto qui n'était pas la sienne.
Elle a gardé la maison ensuite, ayant décidé que celle-ci serait ce qui la relierait à Claude.
Avant d'en fermer définitivement la porte, et parce que cette maison est au coeur de ce qui a provoqué l'accident, elle fait un dernier point sur cet accident dont on n'a jamais expliqué la cause.
C'est ainsi qu'elle va questionner ce fichu destin, dresser une liste de « si », cette litanie de « si », qui dit-elle, l'a obsédée pendant toutes ces années.
Chaque élément de cette liste sera le titre et l'objet d'un chapitre, Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement, Si mon grand-père ne s'était pas suicidé, Si je n'avais pas visité cette maison… plus d'une vingtaine de Si, vingt-trois, précisément pour tenter de comprendre l'incompréhensible.
En émettant tout ces si, elle ne peut s'empêcher de ressentir une part de culpabilité et cette phrase résume bien son sentiment : « Par ma volonté, j'avais préparé, sans le savoir, les conditions de l'accident. »
Que d'émotions aussi dans ses propos et ce, dès les premières pages lorsqu'elle doit abandonner le « nous » pour le « je », ce « nous » qui l'avait portée et ce « je » qui « m'écorchera , qui dira cette solitude que je n'ai pas voulue, cette entorse à la vérité » !
Toutefois ce qui l'interpelle profondément et qui m'a également choquée, c'est le fait que cette fameuse moto, cette Honda 900 CBR Fireblad, (Lame de feu) sur laquelle Claude roulait le jour de l'accident, ait été réservée à l'exportation vers l'Europe alors qu'elle était interdite au Japon, jugée trop dangereuse.
Mais, concurremment à cette quête de signes, à cette analyse de détails, de micro évènements survenus dans la semaine qui précède l'accident, c'est la vie de famille, la vie de ce couple porté par la musique et l'écriture, leur appétit de vivre, le portrait d'une époque également, celle des années 90, qui sont racontés, une belle histoire d'amour.
J'ai aimé cette musique que Claude mettait au centre de tout et j'ai bien sûr vibré à l'évocation de ce premier album de Dominique A, (l'un de mes chanteurs fétiches), de cette si belle chanson le Courage des oiseaux, devenue pour le couple leur signe de ralliement, leur code secret.
En auscultant ainsi point par point les circonstances de l'accident, elle essaie de trouver une logique à ce qui est arrivé, même s'il n'y en a pas, ce que tous, nous avons pu faire, un jour ou l'autre.
Brigitte Giraud avec cette autofiction dépasse largement l'histoire personnelle, offrant un récit superbe de portée universelle sur la perte d'un être cher et la difficulté de la reconstruction.
Brigitte Giraud a su faire de ce livre qui aurait pu être un livre de deuil, un livre bouillonnant d'énergie, empreint de beaucoup de douceur et de nostalgie, et où la vie exulte malgré tout.

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Vingt ans après l'accident de moto qui a tué son mari, Brigitte Giraud tente encore toujours de comprendre la succession des événements qui ont conduit au drame. Une délicate introspection couronnée du Prix Goncourt 2022.

Mère d'un petit garçon, elle n'avait que 36 ans et était pleine de projets d'avenir lorsque Claude a perdu la vie. Ils venaient d'acquérir une nouvelle maison… que lui n'habitera d'ailleurs jamais. le bonheur qui devait suivre la signature de l'acte de vente fut remplacé par l'accident, le déménagement et les obsèques. Vingt ans plus tard, alors qu'elle s'apprête à revendre cette maison qui est inévitablement liée à la tragédie, Brigitte Giraud revisite l'enchaînement des circonstances qui ont conduit à cette date fatidique du 22 juin 1999.

Avec des « Si », on met Paris en bouteille… mais on construit visiblement aussi un roman. Au fil des vingt-trois chapitres, Brigitte Giraud ausculte en effet un par un les hasards qui ont précédé la perte de son homme : « Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement », « Si mon grand-père ne s'était pas suicidé », « Si nous n'avions pas demandé les clefs à l'avance », « Si mon frère n'avait pas eu un problème de garage » etc… À mi-chemin entre l'uchronie de « Si » qui permettrait d'enrayer le destin et l'enquête policière visant à reconstituer et à comprendre le fil des événements, l'autrice choisit de rejouer ce film dont elle connaît malheureusement déjà la fin, sans pour autant y trouver une logique. Des scènes qu'elle retranscrit certes avec suffisamment de recul, mais qui demeurent néanmoins enveloppées de deux décennies d'incompréhension et de chagrin.

Le problème avec le Prix Goncourt est qu'il vous incite souvent à lire des livres que vous n'aviez peut-être pas l'intention de lire à la base et j'ai donc un peu le sentiment de m'être assis à côté d'une dame qui a subitement commencé à me raconter le drame de sa vie alors que je n'étais peut-être pas forcément demandeur. Heureusement pour moi, le lauréat de cette année est beaucoup plus accessible que celui de 2021. de plus, la perte d'un être cher et la difficulté d'accepter que des proches partent beaucoup trop tôt, sont des thèmes qui ne manqueront pas de réveiller des émotions chez de nombreux lecteurs. Je ne doute donc pas un seul instant que beaucoup de gens seront touchés par cette introspection intime d'une autrice qui tente une énième fois de déjouer le destin… Et si… ?
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« Signature de l'acte de vente. Accident. Déménagement. Obsèques. » C'est ainsi que Brigitte Giraud résume le saccage de sa vie, lorsqu'en 1999, un accident de moto lui arrache Claude, son compagnon. le couple aux alentours de la quarantaine vient alors d'acquérir la maison dont il rêvait, pour abriter un équilibre patiemment bâti autour de son jeune fils, de la musique pour lui et de l'écriture pour elle. L'auteur y emménage finalement seule avec l'enfant. Vingt ans plus tard, alors que, décidant de vendre la maison à un promoteur résolu à lui substituer un immeuble, elle s'apprête ainsi à tourner une page décisive, elle éprouve le besoin de se retourner une ultime fois sur le fatal enchaînement de circonstances – curieux rouages que ceux du destin ! - qui l'a menée jusqu'ici.


« Quand un drame surgit » écrit-elle, « on veut comprendre comment on devient un chiffre dans des statistiques, une virgule dans le grand tout. Alors qu'on se croyait unique et immortel. » Mais, avec pour seule réponse la malencontreuse concordance de faits individuellement anodins, elle ne peut se retenir d'envisager encore, une à une, les minuscules pichenettes qui auraient suffi au destin pour qu'il ne déraille pas.


« Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement », « si nous n'avions pas eu les clefs de la maison à l'avance », « si mon frère n'y avait pas garé sa moto pendant ses vacances » … : en vingt-trois hypothèses à l'origine d'autant de courts chapitres, elle déroule l'obsédante et presque ironique litanie d'un questionnement qui souligne tristement notre vulnérabilité et notre impuissance face à l'arbitraire de la vie et de la mort, quand l'une ou l'autre nous sont distribuées au gré de circonstances et de hasards parfois dérisoires.


Vingt ans après le drame, les vagues de rage et de révolte ont cédé la place aux eaux plus calmes de la nostalgie, et c'est la persistante lumière du bonheur enfui qui rayonne doucement dans ces pages frappées du sceau du chagrin. Alors, au fil de cet émouvant récit si pudiquement mélancolique, l'on se prend à suspendre son souffle aux côtés de l'auteur, le temps pour elle de s'imaginer quelques instants retenir le destin, et d'y trouver ainsi la force de continuer à affronter son implacable irrévocabilité.

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Qui écrirait tout ce que disent quinze ou vingt femmes ensemble, ferait le pire livre du monde. (Mademoiselle de Scudéry).


Encore un livre, "Vivre vite" Brigitte Giraud (Flammarion,2022) d'un auteur qui parle d'elle - ce n'est pas un roman, mais il est retenu au titre de la première sélection du prix Goncourt - qui tente d'éclaircir le mystère jamais résolu du hasard et du déterminisme au moyen d'un récit totalement ennuyeux et insipide.


On en "crève" de ces livres alimentaires qui emboucanent les rayons à la seule satisfaction de l'ego de l'écrivain, qui n'apportent strictement rien à la littérature et contribuent à son inexorable naufrage.


Édité en temps utile et opportunément, ce bouquin coche toutes les cases pour être ceint du bandeau publicitaire du prix Goncourt.


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Hier Goncourt a bien mangé chez Drouant. Hier, après s'être bien tendu la peau du bide, Goncourt a élu Vivre vite au terme de 14 tours de scrutin [la voix du président comptant double], qui l'ont amené au dessert et au cigare. Qu'on ne vienne pas me dire que Brigitte Giraud est seulement la 13ème lauréate à recevoir ce prix comme si la parité était obligatoire. Quel rapport le sexe du récipiendaire a-t-il avec le talent en général et la littérature en particulier ? Personnellement, je préfère un homme brillant à une femme médiocre, pareil en politique, que Schiappa ou Borne n'en prennent pas ombrage, encore que.


Ce Goncourt, il me fallait le lire, vite, car veuve très récente, cette idée de faire de la douleur intime un questionnement universel susceptible d'être utile à tous, de chercher à donner un sens à ce qui n'en a aucun m'a touchée de plein fouet. Epuisé en librairie, il ne restait plus à ma disposition, via ma médiathèque, que l'emprunt numérique audio que je viens de terminer de lire avec mes oreilles.


Je, je, je, je, je... , sans émotion, dans un style modeste voire approximatif, Brigitte Giraud parle d'elle. Je, je, je... Quand elle ne parle pas d'elle, elle donne la parole à son compagnon, Claude, post-mortem : il aurait aimé, il aurait voulu, il aurait été fier, gna-gna-gna... mais une fois l'être aimé parti pour une durée indéterminée, comment savoir ce qu'il aurait pensé, comment oser lui prêter des goûts et des couleurs qu'il n'est plus là pour entériner ou contredire. Leur fils commun est d'abord nommé « notre fils » puis elle dit que désormais veuve, elle devra bientôt dire « mon fils ». Eh bien non ! Par expérience, je peux affirmer que même à la charge d'un seul parent, - et cette question je me la suis posée à la mort de mon homme - les enfants restent ceux du couple qui les a conçus, il est présomptueux de croire le contraire. Brigitte Giraud s'écoute parler et se regarde écrire, elle connaît des beaux mots dans le champ lexical "enfonçage de portes ouvertes", "clichés et autres stéréotypes élitistes", "ou "charme discret du parisianisme" dans l'air du temps et propose une vision intellectualisée du deuil, pré-mâchée, pré-digérée, distante, n'ayant que peu à voir avec la réalité. La méthode choisie, celle de réécrire l'histoire sur le mode du "et si, et si..." est d'une facilité confondante, évoquant constamment dans mon esprit cette formule célèbre : "Si ma tante en avait, ce serait mon oncle..."


Je passe rapidement sur ses explications techniques à propos des bolides japonais qui amuseront les japonais - pas uniquement les motards - , ainsi que sur sa vision condescendante de la « province » alors que tout se passe à Paris. A toutes fins utiles j'informe cette nombriliste que si elle veut visiter le musée Pierre Soulages il faudra qu'elle chausse ses bottes de sept lieues boueuses pour se traîner à Rodez... Non, Paris n'est pas le nombril du monde, pitié ! Et la bande-son qui prétend accompagner le roman est elle aussi consensuelle, non pas mauvaise, - qui n'aime pas Lou Reed -, mais attendue, recuite, sans la moindre surprise.


L'essentiel est qu'ils ont bien mangé hier chez Drouant, ils ont accompli leur annuel pensum. Je, je, je, je, je, je ....
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Vivre vite, mourir jeune.”

Alors qu'elle doit quitter sa maison pour cause d'expropriation, Brigitte Giraud se remémore les conditions de son acquisition et surtout les circonstances dramatiques qui ont marqué son achat, puisqu'à peine les papiers signés, son compagnon mourrait dans un accident de moto.

Vingt ans après sa disparition, dans les derniers moments dans sa maison qu'il avait acheté avec elle et dans laquelle il n'aura jamais vécu, l'auteure retrace par le détail le contexte de l'accident.

Ce ne sont pourtant pas des souvenirs éplorés qu'elle convoque, mais une véritable enquête de chaque détail qui a mené à l'instant fatal. Celui dont on ne se remet jamais.

L'ironie fait qu'une route va bientôt passer à la place de cette maison qu'elle doit quitter. L'occasion aussi de faire un bilan doucement nostalgique de sa vie passée et de cette vie manquée.

Elle étudie, dissèque, enquête, découvrant par exemple que la moto japonaise qu'il conduisait était déjà à l'époque interdite au Japon car trop dangereuse. Elle refait en tête le chemin et les derniers instants de Claude avant de tout laisser. Une manière peut-être de tout ranger avant de repartir
balayant aussi sa condition de vie d'alors et la société qui a beaucoup changé. Tenter de comprendre aussi comment cela a pu arriver, chercher à mettre de la rationalité dans quelque chose qui ne l'est
pas et ne le sera jamais.

C'est un livre doux et puissant, absolument pas larmoyant, mais qui vous étreint et vous bouleverse jusqu'à la conclusion de cette quête indéfinissable et universelle qui est de tenter de comprendre l'incompréhensible.
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« Je suis tombé par terre,
C'est la faute à mon frère,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à sa moto. »

Claude en chutant le 22 juin 1999 sur le Boulevard des Belges à Lyon n'a sans doute pas repris la chanson de Gavroche tombant le 6 juin 1832 sur la barricade de la rue de la Chanvrerie à Paris.

Mais ces deux décès sont inscrits dans la mémoire collective grâce au talent de leurs thuriféraires et le Prix Goncourt attribué à Brigitte Giraud en 2022 pour « Vivre vite » distingue un roman aussi émouvant que « Les misérables ».

Tout lecteur est bouleversé par l'évocation du brutal accident qui tue Claude en début d'été et la romancière (dont j'ai apprécié « Un loup pour l'homme ») laisse son coeur écrire la tragédie vieille de vingt ans et que la vente et la destruction de la maison acquise en 1999 déterre.

Mais la passion brouille la raison et l'étude d'une quinzaine de causes qui ont pu interférer avec le drame sombre progressivement dans une spirale qui dérive vers le complotisme.

Ainsi, chapitre 17, l'auteur rêve qu'un conducteur assure une moto sur un simple coup de fil, sans signer un contrat, régler une quittance et recevoir en échange une vignette et l'attestation obligatoire à joindre aux papiers du véhicule … Elle insinue que Claude aurait appelé l'assureur pour souscrire … et que celui ci aurait ensuite menti et nié tout contrat. Accusation grave qui entache la réputation de cet assureur et de sa Compagnie.

Elle poursuit « j'ai cru l'assureur sur parole. Je n'avais pas l'idée de contester. Je n'y ai tout simplement pas pensé ». Mais dans quel univers sommes-nous ? Depuis quand doit on prouver son innocence ? Un des fondements du droit est que la justice doit démontrer la culpabilité éventuelle d'un prévenu. Un des fondements du totalitarisme est que l'inculpé doit prouver son innocence.

Soit les héritiers de l'accidenté présentent un contrat d'assurance, une quittance, une attestation prouvant que le conducteur et la moto sont assurés, et l'assureur n'a plus qu'à payer. Soit ils ne sont pas capables de présenter ces documents et l'assureur n'est évidemment pas concerné. Sous entendre le contraire est de la diffamation.

Submergée par l'émotion et la passion, la romancière étudie une quinzaine de « si » qui occultent la réalité (Claude a perdu le contrôle d'une moto non assurée) et écartent toute responsabilité du conducteur. Nous connaissions l'argumentaire « responsable mais non coupable », nous découvrons ici le plaidoyer « irresponsable et non coupable », ce qui est stupéfiant car, en justice, ce sont les mineurs ou les déséquilibrés qui sont jugés irresponsables et je ne peux imaginer Claude dans une de ces catégories !

Je conçois bien que la romancière privilégie la passion à la raison, j'ai du mal à comprendre que l'académie Goncourt préfère le pathos à l'ethos, mais, c'est peut être révélateur du contexte post covid dans lequel nous sommes immergés, voire noyés par les médias et ceux qui les subventionnent, afin de nous inciter à « vivre vite » et « réfléchir peu » ?
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J'avais beaucoup aimé « Jour de courage » de Brigitte Giraud et voilà que, coïncidence, alors que je suis plongée dans son dernier roman, on annonce son prix Goncourt, prix amplement mérité pour cette autrice aussi discrète que talentueuse.
Vingt ans après, comment raconter cette perte immense, la mort accidentelle de Claude son mari ? Brigitte Giraud ne se contente pas de dérouler son histoire tragique, elle dissèque et réinvente l'inacceptable jusqu'à l'obsession. « Si je n'avais pas visité cette maison » « Si je n'avais pas téléphoné à ma mère » « Si je n'avais pas rendu service à mon frère » Il y a ainsi 23 courts chapitres qui égrènent tous ces paramètres qui ont mené à l'accident, à cette vie trop tôt fauchée. L'autrice, à travers ce récit, tente de réécrire l'histoire en modifiant certains éléments, certains insignifiants comme un simple coup de fil où une journée pluvieuse.
Elle revient sur cette période heureuse avant le drame, elle revenait de Paris où elle avait signé pour son second roman et elle avait trouvé la maison de ses rêves pour abriter leur famille. La vie était pleine de promesses qu'elle partageait avec Claude, et se remémorer, c'est une façon de le faire revivre.
« Ça fait vingt ans et ma mémoire est trouée. Il m'arrive de te perdre, je te laisse sortir de moi. »
Ce roman est aussi musical. Claude était musicien et Brigitte Giraud évoque ces musiques qu'il aimait tant. Et si la musique avait pu changer la donne ?
« Si Claude avait écouté « Don't Panic » de Coldplay et non « Dirge » de Death in Vegas, avant de quitter le bureau. »
Et puis, il y a cette moto à l'origine du drame, la Honda 900 CBR Fireblade, dite Lame de feu, une moto de compétition, puissante et dangereuse, que seuls les initiés pouvaient conduire. Alors que le Japon l'avait interdite sur son territoire, pourquoi était-elle exportée en Europe ?
Avec des si, on n'en finit pas de réécrire l'histoire, et, au moment de vendre cette maison, Brigitte Giraud revient sur cette mort absurde avec infiniment de délicatesse et d'émotion. le temps d'une lecture, Claude son mari est de nouveau vivant, et c'est cela qui permet d'aller de l'avant.




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