Je ne suis pas un grand amateur du mélange des genres, surtout au théâtre, mais j'ai plutôt apprécié cette pièce, dont on pourrait s'imaginer de prime abord qu'elle va traiter un thème antique avec la gravité appropriée, avec des modèles d'abnégation et de tragiques dilemmes, en s'émancipant simplement des contraintes formelles classiques. Il n'en est rien.
Nous sommes sur une matière plutôt inclassable. le naturel côtoie le métaphorique (la paix est un personnage concret de la pièce) et le surnaturel (force du pressentiment qui trouble les sens). Les dialogues les plus significatifs alternent entre réflexions sur le destin et disputes sur les maux et les vertus de la guerre. Mais ces passages sérieux sont cimentés entre eux par des scènes plutôt comiques, où les références et allusions anachroniques succèdent aux séniles grotesques et aux ridicules juridiques, et cèdent même par endroits aux sous-entendus grivois. Les personnages rendus emblématiques par la tradition littéraire ne sont pas descendus mais précipités au bas de leur piédestal : Hélène n'a pas plus de force de caractère qu'une valise (une jolie valise bien sotte), Pâris se satisfait d'un amour dont il sait pertinemment qu'il n'est pas réciproque (un bon gros SIMP), Priam et Hécube brillent par leur inutilité, ... Seuls Hector et Ulysse "sauvent la baraque" en montrant à eux deux un désir manifeste de tout tenter pour sauver la paix, mais sont bien obligés de céder aux arrêts du destin et à l'exaltation autodestructrice des nations, promptes à se monter les unes contre les autres sous les prétextes les plus insignifiants. le mensonge, instrument privilégié pour essayer de contrevenir au destin ou pour l'occasionner, commis indistinctement par le parti de la paix et celui de la guerre, est présenté comme le trait qui jalonne systématiquement
L Histoire.
J'aime bien regarder des adaptations des pièces que je lis sur Internet pour voir les choix de mise en scène (après tout, le théâtre n'est pas fait pour être lu), et je suis assez surpris de voir cette pièce jouée aussi souvent sur le ton de la tragédie, soit lyrique soit anxieux, alors que seuls de rares personnages et de rares scènes s'y prêtent. L'essentiel du texte me semble au contraire guidé par une forme de cynisme, alimentée de traits d'esprit et de digressions amusantes, qui prête au contraire à rire des motivations absurdes conférées à la guerre la plus importante, grâce au récit d'
Homère, pour l'émergence de notre civilisation. L'humour du "tout ça pour ça", en quelque sorte ...