Citations sur Pays rêvé, pays réel - Fastes - Les Grands Chaos (19)
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 7
Le vent jaune a feulé sur les sables, le feu chavire :
« Ton âme
« devient soleil !... » Le feu
chavire aux roseaux profanés. Un homme avoue
pousser en nuit, corps après corps, sur cette mangle où il écrit,
jusqu’à l’écart du cœur, comme une guêpe terrassée,
quand la fleur rouge éclôt derrière la fatigue,
- les herbes trébuchent dans cet éclat.
Il dit être hélé de ces inconduites d’arbres
semés - nus – dans l’avancée de sables,
leurs voix épellent en soufrées : « Je tisse
« la vérité à ta lumière de soleil… » L’arbre offensé
lors avoue des marais, tant d’îles qui font brame, une
branche
qui s’évente en feux déments et qui tremble.
Ô pour cette fois l’œil a raisonné son espace
le corps de terre en fièvre a roué sa cadence, il a hélé ses mains
en l’unité blessée, il échevelle toute étoile il a pris faille pour pensée
donne volcan pour fleur et fumaison d’épines pour sentier…
Qui aime est herbe folle en son vagabondage.
Seules les fleurs savent comme on gravit l'éternité
Nous t'appelons terre blessée ô combien notre temps
Sera bref, ainsi l'eau dont on ne voit le lit
Nous humons ce pays qui tarit en nous, le pays
s'élonge d'un tel songe où pas une eau ne bruit
Hélons "Comme le vent, tout ainsi l'antan" et c'est cri
Roué de sucre, en parabole d'un moulin de ce pays
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 11
À flanc de l’écluse qui brûle, une inspirée a dévoué plus que ses
linges et ses voiles : Laoka ô Laoka ! Elle fait offrande au fleuve
d’un peu d’eau, puis lève à large vent son cœur en ablution,
l’ombre des roseaux alentour éclabousse,
sur la crête d’un âne, quand oblongue, s’est offusqué !
Alors le conteur guette en son serment, jurant Isis qu’il redevient
son Ichneumon !...
La proue de son cri lève sur la boue un lot de cimes violettes,
son destin, qui soudain s’entête au bord d’un nuage, seul …
Ils ont loué l’eau débordée de sang
battent maison sur toute case
ils crient – c’est l’arrimage – une aigle d’eau qui en haut vent
si longtemps déraisonne
ils serrent aux cantines ce lot de fleuves :
les paroles d’au-loin qui sur leurs mains suintent - sur le limon
du quai…
Dans l’obscur qui feint les mots courent envers
l’œil du dieu retrouvé au style gris des hypogées
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 10
Ces mots que tout en rang vous déhalez, - quels paraissent
ces mots ?
Combat de danse n’émeut pas graine qui piète…
Brousses de pierres par ici confluent aux temples d’acacias
là-bas, le gardeur de Plantation habite une canne maigre
sa verdeur a tourné en un guano houleux,
les nouvelles de rive auront déchu par les profonds ô
Transparents.
Un parfum roux goûte au rugueux silence,
dix chameliers courent la piste, à égayer les bêtes
l’eau du tout-sable est une île oubliée…
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 9
Lors j’ai pris cette roche et je l’ai fait sonner
La lumière des mots déposait nue sur la paix d’herbe
le matin plaquait à la case un feu de feuilles loin-du-vent
le jour barré descend la morne
toutduvan, marchatouffe, mélasse à rêves, mélanésie,
tous mots de crève et de midi
aboyeurs de sang.
« Mon corps aimé, voyez la gêne où nous a mis l‘été
« en ce froid qui au ras du soleil tant nous hante ! » -
Le vent
à la lune bleue conte un bel-passage.
Ce pré se met en jungle, une source force à périr
la nouvelle-en-créole à la fin a crépi son Nil…
Sillac et acoma sonnent laghia nouveau
sillac, sillage de la bête en son Avent
acoma, vieille brousse en un seul fût montée
laghia, jeune mêlée ennilée d’une éternité…
le flamboyant, né d’orge rouge, de pudeur hautement
vanté
s’avance, estime la Gorée où nos chemins ont mis leurs
ganses
Il assemble, vieux corps levé au bleu du temps, les mots
d’eau et les mots de riz
l’arbre encense, l’hibiscus à odeur d’anis darde un guêpier
de frèles ovaisons…
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 8
Les nouvelles d’île agrippées au front,
naufrages de soleil et bouques rouges de lave,
nous y laçons nos mots si faibles à découdre,
- courant hâves le fleuve à dériver nos rades…
Qui aime est herbe folle en son vagabondage.
À rues connues et inconnues il a gagné même lignage
offrez-lui de ce mil qui fit échange avec l’éternité
conteur il a gemmé, couchez-le au fleuve qui lent semonce,
rires de prophètes est dur aux glaises du monde.
À la source déracinée des temps une eau exhorte cette face,
sillonne aux orbites,
délace l’œil et le ravit, ouvre les âges les confond, mêle les
estropiés au vent salé pourvoyeur de sang, dénombre en un
dahlia tant de supplices consentis, lève au palan des rocs tout
un passé de limons gourds
(arme en poète un pilleur de tropeaux)
Et coule entre les sables désolés.
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 6
Entends ce lieu, où convoitise arme sa barque, vilenie monte
en chardon.
Le rire avorté du mort a empreint la joue du vivant
la bave sans visage erre à fond de désert, où les mirages
s’efforcent,
tout poème s’altère et l’espace a durci son van.
C’est néant d’opposer à tant d’épineraies
À ces poètes-sis, mages sans diadème,
Au vent qui mord dans l’insulte,
À tel qui s’émince en prurits,
le lourd silence égrené de la cosse.
Oh pour cette fois l’œil a trouvé paupière.
La bête née de la fable a composé
nuage, qui presse en fleuve, meurt
à l’orient de son redoublement.
Il hausse deux hayons qui sont tant d’arcs de filaos,
deux aîtres d’infinité ou plus d’un havre aura suri, et puis
le scarabée, au lourd midi, qui s’exhorte à briller
en son Rai !… Sourd de ce même adoubement.
L’œil dérobé
à Jean-Jacques Lebel,
nilotique
Extrait 5
Maintenant c’est la nuit, l’étape a posé sa ruche dans le silence.
Une étoile dessine à l’aquavive son vieux rêve.
Des tessons brulent à demi.
Repartons ! En route ! – ¡Vaya ! – Et tous ces parlers qui cordent
la poussière !
L’œil dérobé nous a suivis, où l’eau dormait en son givre :
l’ordre des mots ne distrait pas le monde.
Il est un lieu ou flûte de pâtre ose sa transparence
(la boue a fait chanfrein des cheveux, dépoli le souffle),
Rien n’y lève aux dalles sacrées, hors ce qui est admis à
vénération
poètes et conteurs y font exprès d’oblitérer la page ou de taire
l’acclamation,
pour nous la palme y a décliné sa mâchoire, pour moi l’éternité
glauque.
A gueules d’un palmier, haussé de sang, qui hampe de vent la
voûte
le bourg élève son rempart qui nous dévoue salutation
un homme avoue perdre ses dents, pourrir en sable, comme
le temps, une femme
s’endort au fleuve puis se lève, Enceinte-de-la-supplique !…