Mon père se penchait tous les quarts d’heure par dessus la rambarde, demandait si tout allait bien, si on avait froid, si on s'ennuyait. Il ne fallait pas descendre se mettre entre nous, mon père l'a compris. Il était là, mais à distance.
Ce qui te manque pas, c'est comme si ça n'existait pas.
Je comprends qu'on ne voit que ce qui nous intéresse. Le reste, ça se fond dans le décor, ça devient Phalène Sillonnée, invisible. On a des yeux égoïstes.
"- Je disais donc, reprend le prof, on congédie Fantine. Que fait-elle alors pour gagner sa vie ?
Je lève la main :
- Elle vend ses cheveux.
- C'est tout ?
- Et ses dents.
- C'est tout ?
- Elle a fait la... comment vous dites...
Des rires au fond de la classe. Je rougis, et je murmure :
- ... la prostituée."
"- Moi je dis qu'abandonner son enfant, c'est dégueulasse.
- Sérieux, ça se fait pas, laisser sa fille comme ça...
- Fantine, les Thénardier elle les connaît même pas, sûr qu'elle abandonne sa fille. Si elle l'aimait vraiment, elle l'aurait gardée avec elle. Ma mère elle est comme Fantine, seule avec moi, elle travaille aussi mais elle m'a pas placé chez les Thénardier."
ce qui te manque pas, c'est comme si ça n'existait pas
Tout d'un coup, je sais pourquoi je cherche Abdou. Fantine, c'est sa mère. Jean Valjean c'est mon père. Et personne, où quasi, ne croit que c'est possible.
Un foyer, c'est l'endroit où tu vas quand tu n'en as pas, de foyer.