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Critique de ninachevalier



Guy Goffette a décliné en de trop rares poèmes son attachement au premier arrondissement dans un collectif intitulé « Merci Paris »! (1)
Dans ce recueil, qui arrive avec le printemps 2023, le poète urbain nous convie cette fois à une déambulation dans un dédale de rues qui forment « un rectangle parfait ». Quartier qui « commence et finit dans la Seine » ! Jeu de mots : « Le 1er entre en Seine ».
La Seine qui « coule sous le (ju)pont de la Concorde ».
Un florilège de citations ouvre le livre : Une de Jean Follain,une de Pierre Béarn.

L'auteur évoque, avec un brin de nostalgie, le quartier qu'il connaît et la rue où il réside depuis des décennies. «  La Cosonne est piétonne /Et muse sous les arbres/ En guignant les vitrines ». Une rue transversale très fréquentée, menant du métro à Beaubourg. Nommée autrefois la rue de la Cochonnerie.

Dans cet opus, « le villageois », ( comme l'auteur se définit), mêle ses souvenirs d'adolescents, sa première fois dans la capitale à seize ans. En fugue avec son ami Louis, ils étaient plus attirés par la rue Saint-Denis que par les monuments incontournables de la ville lumière ! Désireux de s'y perdre la nuit. Ne dévoilons pas la conclusion de leurs expériences pour ces ados en goguette qui espéraient se voir proposer un «  Tu viens » par des dames.
Cette rue est une voisine avec qui il «  s'entend bien » : il y fait ses courses, vient parfois régaler son palais au Relais du vin, tenu par Roumani.

Comme « Paris a fait sa mue », il est témoin des métamorphoses de la ville. Les habitués du site des Halles ont vu s'ériger un toit appelé Canopée, « qui gondole et ondoie en jaune canari ». 
Des rues ont changé de nom, comme la rue du Pélican. Baltard a sonné la fin du bal. D'autres ont disparu, comme la Rue Pirouette. le poète, récemment invité dans l'émission d'Emmanuel Khérad, s'est pris au jeu de fredonner l'air de « Pirouette, cacahuète », pour le plaisir des auditeurs. (2) Afin d' immortaliser ce nom , un restaurateur, connaisseur de l'histoire de Paris, a choisi pour son établissement de la rue Mondétour l'enseigne Pirouette. Une façon indirecte de célébrer La Cour des Miracles, un lieu auréolé de légendes, tout comme le célèbre Puits d'amour de la rue de la Petite-Truanderie. L'endroit idéal pour tromper les jours d'ennui.

Guy Goffette retrace l'histoire de la Place Joachim -Du -Bellay avant qu'elle n'abrite la Fontaine des Innocents. Il y rode le fantôme de Villon, qui venait «  prier Dieu de lui pardonner larronneries et jouvencelles... ». Lieu de rassemblement de la jeunesse, qui «  dispute /L'ombre au soleil sur les margelles ». Place « encombrée de badauds » qui insupporte , enrage celui qui veut la traverser ! Mais la voix d'un quidam exhorte «  l'ami Guy » à se rappeler des « lais /Du poète angevin que la langue transporte». !

Si l'Obélisque n'a pas bougé, la Roue, elle, a connu des emplacements différents pour «  faire le paon ».
Le «  saltimbanque » s'intéresse aux rues dont les noms convoquent des images.
Ainsi dans la rue de la Lingerie, il déplore de ne pas voir des vitrines qui exposent bas résille, guêpière, dentelles et soies, tout ce qui «  fait reverdir les amants » !
Ces dessous féminins renvoient au roman de l'écrivain : « Une enfance lingère » dans lequel le gamin dévoile comment il a découvert le corset et autres atours affriolants de sa tante ! (3) Un resto occupe toute la rue, dont «  la patronne est La lumière » !

Le poème de la Rue Croix-des-petits-champs est dédié à une femme qui l'a séduite.
La sensualité traverse quelques textes : «  Sur la chaussée, folâtrent les jambes roses des néons ». Il confesse avoir aimé , dès le plus jeune âge ,les lèvres rouges des dames et « leurs seins drus » . Adulte, il aime «  rendre leur sourire aux filles » en les saluant.
Dans la Rue des Lavandières, saluons sainte Opportune ! Guy Goffette rend hommage aux femmes, aux mères , aux «  doigts usés difformes bleuis », « souffrant d'arthrose » qui trimaient au lavoir. Il se revoit gamin sur la brouette cahotante.

Notre « guide émérite » suggère de chercher trace d'Aragon rue de la Sourdière, de « débrider les chevaux de Marly », de chanter la Marjolaine rue Rouget-de-Lisle !.
Le piéton de Paris préconise aussi de flâner au gré des rues,de ne pas s'en tenir à un arrondissement mais de marcher le nez en l'air. Ainsi il enjambe les ponts pour rallier l'île de la Cité...

La déambulation s'achève Boulevard Sébastopol, par une série de rimes faisant écho à « Sébasto » : «  Carco », «  nigaud », chaos », « hameau » « hosto ». Un texte laissant entendre que traverser cette artère est à éviter, mieux vaut rentrer lire Michaux !
Les textes consignés sont tantôt en vers libres, tantôt rimés et appellent à des relectures, pour débusquer toutes les références littéraires et historiques. Pour ce qui est de la ponctuation, elle est quasiment absente , une constante chez le poète.

Pour mieux situer les lieux égrenés dans ce recueil, un plan de Paris ne serait pas superflu. le lecteur, qui voit défiler la géographie sentimentale parisienne de Guy Goffette entre passé et présent, n'a qu'une envie : s'offrir une échappée à Paname ! Un inventaire instructif des rues.Une ode à la ville séduisante, pleine de gouaille.

(1) Merci Paris ! 20 écrivains amoureux de leur quartier,
un collectif préfacé par Douglas Kennedy, éditions Tallandier.
(2) La librairie francophone, émission du 11 mars 2023 sur Inter avec Emmanuel Khérad.
(3) Un été autour du cou , roman de Guy Goffette.
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