Ce sont les fourbes qui veulent toujours offrir des sacrifices spectaculaires pour éviter les vrais sacrifices, très humbles, auxquels ils devraient se soumettre.
Et ce pauvre monsieur à lunettes, poursuivit Oblomov, qui m'a harcelé pour savoir si j'avais lu le discours de tel député, et qui a écarquillé les yeux quand je lui ai dit que je ne lisais jamais les journaux ! Après quoi, il a enchaîné sur Louis-Philippe, en parlant de lui comme si Louis-Philippe était son père ! Après quoi il m'a posé d'innombrables questions pour que je lui confie ce que je pense du fait que l'ambassadeur de France a quitté Rome. Comme si l'on pouvait se charger de toutes les nouvelles de l'univers, et pérorer, pérorer, jour après jour, semaine après semaine, jusqu'à en perdre le souffle ! On ne le peut pas, naturellement ! Mais lui, il n'en a cure. Et si Mehmed Ali envoie un navire à Constantinople, il se creuse aussitôt la tête : "Pourquoi ?" Et si demain Don Carlos échoue dans ses projets, le voilà dans une angoisse mortelle. Que l'on creuse un canal, ou que l'on envoie des troupes au Levant, alors, Seigneur, le torchon brûle ! Et il change de visage, il court, comme si c'était contre lui que ces troupes marchaient, comme si c'était lui que l'on creusait ! Tu vois, ils n'ont rien à faire, aussi s'éparpillent-ils dans tous les sens ! Sous cette "universalité" se cache un vide affreux, une absence de sympathie totale à l'égard de n'importe qui, de n'importe quoi... Évidemment, suivre un sentier modeste, mener une vie laborieuse, ils trouvent cela ennuyeux, car s'ils vivaient ainsi, ils ne pourraient jeter de la poudre aux yeux d'autrui, et tout ce qu'ils veulent c'est jeter de la poudre aux yeux. Tout ce qu'ils veulent, tout ce qu'ils cherchent !
- Ce qui est maladie pour un être obscur, faible, insuffisamment préparé, ne l'est pas pour un autre.
- Si tu savais comme j'ai soif de vivre ! Alors pourquoi cette amertume, soudain ?
- C'est la rançon du feu de Prométhée. Et il ne suffit pas que tu endures cette tristesse, cette souffrance, il faut encore que tu les aimes, et que tu les respectes tes questions, que tu respectes tes doutes. Ils surviennent, vois-tu, aux sommets de la vie, quand les désirs grossiers disparaissent. La plupart des gens s'agitent sans connaître le brouillard des doutes, l'angoisse des questions. Mais pour qui les rencontre à l'heure juste, ils ne sont pas des bourreaux, mais de précieux visiteurs.
L'homme faible et perdu contemplait avec terreur la vie autour de lui, cherchant dans son imagination la clé des mystères de la nature environnante et de la sienne propre.
Quand on ne sait pas pourquoi on vit, on vit n’importe comment, au jour le jour ; on se réjouit de chaque journée passée, de chaque nuit venue noyer dans le sommeil l’ennuyeux problème de savoir pourquoi on a vécu cette journée et pourquoi vivra-t-on demain. P322
Dans la paresse de son repos, dans la paresse de ses poses, dans la somnolence ou les élans inspirés, Oblomov n’avait jamais cessé de rêver d’une femme au premier plan de son existence, que ce fût comme épouse ou comme amante. P281
C’est une mauvaise habitude chez les hommes que d’avoir honte de leur coeur. Ils feraient mieux quelquefois d’avoir honte de leur esprit, qui se trompe plus souvent. P278
« C’est une créature méchante et moqueuse ! » pensa Oblomov, admirant contre son gré chacun de ses mouvements. P274
Adieu l’idéal poétique ! P260
Où est l’homme dans tout cela ? Où est son intégrité ? Où est-il passé, comment s’est-il éparpillé en futilités ? P240