Pour
Robert Goolrick, écrire ce livre a été une épreuve plus que terrible car cet acte allait à l'encontre des principes qu'on lui a toujours inculqués, mais il l'a fait. Il a fait sortir de l'ombre cette histoire, son histoire, et par là, ose-t-on l'espérer, il a rejoint le monde des vivants. Et croyez-moi, il revient de loin.
L'histoire de
Robert Goolrick, comme tout un chacun, c'est d'abord celle de son enfance. Celle d'un enfant des années 50 en Virginie, aux côtés de ses parents, de son frère et de sa soeur. le monde de Robert est un monde de mondanités, sophistiqué, où les invités à la maison affluent, où les cocktails rythment le quotidien, et où les robes et costumes de soirée sont toujours de mise. On s'amuse, on s'enivre, c'est grisant et plein de grâce. Jusque-là tout va bien. Sauf que tout ne va pas bien non. Car très vite, le récit fait tomber les masques. Il nous confie ce monde où chacun joue un rôle, adopte une posture qu'il faut tenir coûte que coûte, par peur de tomber. Une belle mascarade en somme. Point d'argent dans cette famille où il semble pourtant couler à flot. Mais il faut faire comme si. Et l'alcool aidant, on fait semblant d'avoir réussi sa vie, en y noyant ses échecs.
Au milieu de ces grands qui s'agitent comme s'ils étaient les derniers de leur espèce, le petit Robert nourrit sa haine. Car dans ce décor de perfection, la haine est là, sourde, mais bel et bien là. D'où vient-elle? Les pages se tournent, et sur quelques-unes, on lit l'horreur.
Le petit Robert devient grand. Mais comment vivre avec ça? Avec ce poids sur ses épaules dont il ne peut se défaire, sa vie sera un désastre. À cet égard, certains chapitres sont bouleversants dans toute leur dureté. Il nous y parle de sa survivance, de sa quête désespérée, presque folle, de quelque chose, de l'acceptation peut-être, ou d'un réel auquel il n'arrive pas à appartenir. D'un quelque chose dont il dit « qu'il viendrait apaiser la terrible beauté et l'inconsolable tristesse de la vie. »
Robert Goolrick a assurément touché le fond, mais avec ce texte, il est parvenu a poser un acte et à lever le voile des mensonges. Ce livre est une brutale et nécessaire plongée dans une Amérique des années 50. Il nous raconte la déchéance d'une famille qui est l'exact miroir de celle de toute une époque, désormais tombée de son piédestal pour entrer dans l'ère d'un temps révolu. Et c'est d'autant plus tragique que toute tentative pour échapper au déclin est vaine.
On plonge dans l'intime avec cette écriture d'une beauté cruelle qui nous parle avec beaucoup de justesse de cette déchéance que n'ont pas supportée les uns, et dont cet homme portera le poids bien des années après.
Malgré quelques difficultés au début à entrer dans le texte, je me suis très vite laissée emportée devant ce tableau des sentiments peint avec beaucoup d'intelligence. C'est un roman très dur bien entendu, mais il est aussi la preuve que même dans les pires atrocités, l'humour n'est jamais bien loin, et plus important encore, la vie est toujours là.
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